Syrie : les observateurs arabes tentent de sauver leur mission – par Pierre Prier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 1 janvier 2012

Le chef de la délégation a promis de se montrer discret.

Les observateurs arabes ont continué vendredi leur mission en Syrie, alors que des centaines de milliers de manifestants défilaient comme chaque vendredi. Au moins 16 civils ont été tués et plus de 40 blessés dans les villes où se sont rendus les enquêteurs de la Ligue arabe, Idleb, Hama, Homs et Deraa.

La mission n’a fait vendredi aucun commentaire sur son travail. Le général soudanais Mohammed al-Dabi, le chef de la mission, se serait engagé auprès de la Ligue arabe à ne plus faire de déclarations, après ses premiers mots calamiteux de mercredi. Rentrant d’une visite éclair à Homs, épicentre de la répression, le général y avait trouvé la situation «pas effrayante».

Ces quelques mots résonnaient encore vendredi. Après la Chine, le satisfecit du général a été salué par la Russie, alliée du régime de Damas. «À en juger par les déclarations publiques faites par le chef de la mission, M. Dabi (…) la situation semble être rassurante», s’est réjoui Moscou.

Effacer l’image de «club de dictateurs»

Venant après les révélations sur le rôle de Mohammed al-Dabi dans la répression au Soudan, sa prise de position a au contraire jeté la consternation dans les rangs de l’opposition syrienne. Et aussi parmi les diplomates arabes qui comptaient sur cette première mission d’observation dans l’histoire de l’organisation pour effacer son image de «club de dictateurs».

Le choix de l’ancien chef des services de renseignement soudanais suscitait toujours vendredi la polémique au sein de Ligue. La candidature du général aurait été fortement appuyée par le Qatar, une nouvelle occasion de s’interroger sur la stratégie du petit émirat, qui a également soutenu des groupes islamistes radicaux en Libye.

Même si ce n’était pas le but recherché, la présence à la tête de la délégation de cet observateur des droits de l’homme incongru a «plombé» les enquêteurs. Selon des sources dans l’entourage de la délégation, certains de ses membres se plaignent d’avoir été piégés dans une «mission politique». Une partie d’entre eux aurait pris ses distances avec le général al-Dabi.

Des explications au Caire

Toutefois, les opposants syriens, comme la communauté internationale, tentaient vendredi de sauver l’opération de la Ligue arabe, après l’avoir violemment attaquée. Des explications ont eu lieu. Le président du Conseil national syrien (CNS), principal mouvement de l’opposition, a rencontré jeudi au Caire le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi. Le CNS ne demandait plus vendredi le remplacement du général. Ces conversations ne sont sans doute pas étrangères à la discrétion nouvelle du Soudanais.

L’opposition interne semble elle aussi vouloir laisser une chance aux observateurs. Le président de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Rami Abdel Rahmane, estimait vendredi qu’il «ne pouvait exprimer de jugement avant que les observateurs terminent leur mission».

Les combattants ont voulu eux aussi aider les enquêteurs. Le chef de l’Armée syrienne libre (ASL), qui regroupe des soldats déserteurs, a demandé vendredi à ses hommes de cesser de tirer sur les militaires loyalistes le temps de la mission arabe. Mais des affrontements armés ont tout de même éclaté, selon l’OSDH, entre militaires de Damas et déserteurs à Douma, un faubourg de Damas.

Quant à la communauté internationale, elle a également mis de l’eau dans son vin. La France a jugé vendredi «prématuré» de se prononcer sur ses résultats, tandis que les États-Unis estimaient que les observateurs «jouent un rôle à un certain niveau». Ces derniers, au nombre de 50 jusqu’à présent, n’ont pas le travail facile. Entre autres ruses, le pouvoir change fréquemment les panneaux indiquant le nom des quartiers…

Source: http://www.lefigaro.fr/international/2011/12/30/01003-20111230ARTFIG00380-syrie-les-observateurs-arabes-tentent-de-sauver-leur-mission.php