Syrie : « Personne au monde ne soutient le peuple syrien » – par Armin Arefi

Article  •  Publié sur Souria Houria le 6 février 2012

En Syrie, le massacre à huis clos se poursuit. Lundi matin, au moins 17 personnes ont été tuées dans le bombardement de Homs, bastion de la contestation, pilonnée par les chars du régime de Bachar el-Assad. Ces nouvelles tueries interviennent trois jours après l’hécatombe de vendredi, où 260 civils ont perdu la vie, soit le plus lourd bilan depuis le début de la contestation il y a 11 mois. Pendant ce temps, la Russie et la Chine tentent de justifier leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU, qui a bloqué toute résolution condamnant le régime de Damas. Directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, la seule source fiable sur la réalité du terrain en Syrie, Rami Abdel Rahmane explique au Point.fr pourquoi le peuple syrien est définitivement livré à lui-même.

Le Point.fr : L’armée syrienne pilonne-t-elle toujours la ville de Homs ?

Rami Abdel Rahmane : L’armée syrienne poursuit son bombardement de certains quartiers de Homs, notamment Baba Amr et Khaldiyé. À l’heure où je vous parle, 17 personnes ont été tuées ce matin, et des dizaines blessées.

Comment réagissez-vous au veto de la Russie et de la Chine ?

Ces deux pays veulent donner du temps à Bachar el-Assad pour qu’il continue à tuer son propre peuple. La Russie et la Chine pensent aider le peuple syrien. Or, nous sommes dorénavant dans une guerre civile en Syrie. C’est d’ailleurs ce que souhaite Bachar, pas nous.

Guerre civile ou meurtres de la population ?

Il est indéniable que Bachar el-Assad abat son propre peuple. Mais nous avons également en Syrie des soldats dissidents qui ont pris les armes. Ce matin, par exemple, ils ont tué trois officiers de l’armée régulière.

Sont-ils membres de l’Armée syrienne libre (ASL) ou sont-ils des « groupes terroristes », comme l’affirme Bachar el-Assad ?

Le terroriste, c’est Bachar. Si j’ai un souci avec ma femme et mes enfants, je dois discuter avec eux, pas les tuer. Je suis un terroriste à partir du moment où je passe à l’acte. Quant à ces soldats déserteurs, je ne les considère pas comme des membres de l’ASL. Je les appellerais militaires dissidents. Des soldats qui étaient d’anciens membres de l’armée syrienne régulière et qui se battent désormais aux côtés du peuple dans leur révolution.

Selon vous, ciblent-ils délibérément les officiers réguliers ou ne font-ils au contraire que protéger les civils ?

Ils se battent contre l’armée officielle et les forces de sécurités syriennes. Dire qu’ils ne font que protéger la population serait un mensonge. Quand on attaque des checkpoints à l’extérieur de la ville à trois heures du matin, on ne peut pas dire que l’on se protège : on se bat. Mais on ne va pas offrir des fleurs à des tanks qui nous visent. Bien sûr, ce n’est pas un bon moyen, mais un officier dissident m’a récemment confié : « Quand on attaque des tanks, on pleure, car il s’agit de nos chars. Mais que pouvons-nous faire ? Ils veulent nous tuer ! » Cela fait en effet onze mois que Bachar el-Assad nous tue au quotidien.

La Russie et la Chine ont justifié leur veto en affirmant que c’était la meilleure solution pour une issue pacifique de la crise syrienne et pour protéger le peuple syrien.

La Russie veut uniquement protéger ses intérêts en Syrie. J’ai moi-même reçu plusieurs invitations du ministère russe des Affaires étrangères, mais je ne m’y rendrai pas. Il y a trop d’agents syriens à Moscou : ils me tueraient. D’autre part, pourquoi la Ligue arabe ne propose-t-elle pas à Moscou de compenser la perte de ses marchés en Syrie dans le Golfe ? Pourquoi son président, Nabil Al-Arabi, ne s’est-il pas rendu à Moscou avant d’aller à New York ? Il n’y a pas de réponse. La Ligue arabe soutient la répression à Bahreïn. Comment pouvons-nous lui faire confiance ?

Faites-vous confiance à l’ONU ?

Pourquoi l’ambassadrice de Syrie en France, Lamia Shakkour, est-elle toujours en poste à Paris ? Pourquoi aucune ambassade de Syrie en Europe n’a-t-elle été fermée ? Franchement, on ne peut rien attendre de l’ONU. Personne au monde ne soutient le peuple syrien. Quant à l’Otan, ce n’est pas une commission de charité. De toute façon, je ne veux pas de l’Otan, notamment après ce qui s’est passé en Libye. Si l’Otan venait à attaquer la Syrie, nous n’aurions plus d’avenir.

Dans ce cas, comment mettre fin au massacre en Syrie ?

Bachar el-Assad doit partir. Tant qu’il sera là, le sang coulera en Syrie. Je ne vois aucune sortie de crise dans le futur proche. Nous devons nous battre. La démocratie ne viendra que de notre sang. Notre train pour la démocratie est en route. Et il n’a pas de marche arrière.

source: http://www.lepoint.fr/monde/syrie-on-ne-peut-rien-attendre-de-l-onu-06-02-2012-1427970_24.php