Syrie: que restera-t-il du patrimoine culturel? – par Phalène de La Valette

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 avril 2013

Joyau architectural classé par l’Unesco, le minaret de la mosquée des Omeyyades d’Alep s’est effondré mercredi. Il est la dernière victime collatérale d’une guerre civile qui est en train de détruire l’un des héritages archéologiques les plus riches au monde.

Depuis plusieurs mois, la grande mosquée d’Alep (métropole du nord de la Syrie) est le terrain d’affrontements entre l’armée syrienne et les troupes rebelles opposantes au régime de Bashar al-Assad. Criblé de balles, endommagé par les assauts des uns et des autres, ce trésor daté du VIIIe siècle et classé au patrimoine mondial de l’Unesco a fini par succomber: mercredi, son minaret millénaire s’est écroulé. La Coalition de l’opposition affirme qu’il a été détruit par le feu des chars de l’armée syrienne. Celle-ci dément et accuse les rebelles d’avoir mis en scène cette destruction pour lui «faire endosser» les dégâts. Chacun rejette sur l’autre la responsabilité. Reste qu’après le minaret de la mosquée des Omeyyades, c’est tout le patrimoine syrien qui risque de s’effondrer.

La Syrie est l’un des pays qui compte le plus de sites archéologiques (environ 6000) et de richesses culturelles. Et pour cause: Babyloniens, Assyriens, Hittites, Phéniciens, Grecs, Romains, Byzantins, Sassanides, Perses, Omeyyades, Ottomans… toutes ces civilisations ont traversé son histoire et laissé des traces tangibles de leur passage. «Où que l’on fouille, on peut faire des découvertes», dit Hiba al-Sakhel, la directrice des musées en Syrie. Outre Damas, qui compte parmi les villes les plus anciennes au monde, cinq sites sont inscrits au patrimoine de l’humanité. Tous ont été victimes de tirs ou de bombardements, à l’image de la cité antique de Palmyre ou du Krak des Chevaliers, forteresse datant de l’époque des croisades qu’armées régulières et rebelles se disputent régulièrement.

«Des mosaïques arrachées au marteau-piqueur»

Les trésors architecturaux ne sont pas les seuls menacés. Car le pays est frappé par un autre fléau: le pillage et les fouilles sauvages, qui se sont multipliées avec les violences qui ravagent le territoire depuis l’éclatement le 15 mars 2011 de révolte contre le régime al-Assad. Des milliers de manuscrits et d’antiquités sont dérobés, chaque jour, et acheminés sur le marché noir par des groupes criminels organisés -voire par des soldats de l’armée syrienne elle-même. «Nous avons reçu une vidéo qui montre des gens arrachant des mosaïques au marteau-piqueur à Apamée», se lamentait, en avril 2012, Hiba al-Sakhel.

 

 

Le minaret d'Alep, aujourd'hui en ruines.
Le minaret d’Alep, aujourd’hui en ruines. Crédits photo : JALAL AL-HALABIDIMITAR DILKOFF/AFP

 

 

 

«Nous avons découvert sur le net des photos de soldats, à peine adolescents, en uniformes, qui posent à côté de pièces volées, comme des trophées», dénonce, de son côté, Rodrigo Martin, porte-parole du groupe Patrimoine syrien en danger. Composé d’archéologues syriens et étrangers, ce collectif tente de surveiller et de protéger les sites archéologiques, grâce à un réseau d’informateurs. Sur sa page Facebook, il diffuse des vidéos et des photos de musées, palais, monuments délabrés ou ravagés, espérant susciter une prise de conscience des atteintes irréparables que subit le patrimoine culturel mondial.

Dans un «appel à la communauté internationale», l’organisme Euromed-Heritage, financé par l’Union européenne, demande aux autorités du monde entier «de prendre position vis-à-vis de la menace majeure qui frappe aujourd’hui l’héritage historique et culturel syrien». Un appel relayé en mars par la directrice générale de l’Unesco, qui «invite tous les belligérants à cesser ces destructions et à protéger l’héritage du passé.» Mais il suffit de se se remémorer le pillage du musée national irakien, en 2003, sous le nez de soldats américains trop occupés à défendre le ministère du Pétrole à Bagdad, pour douter de l’efficacité de ce SOS…

source: http://www.lefigaro.fr/culture/2013/04/26/03004-20130426ARTFIG00588-syrie-que-restera-t-il-du-patrimoine-culturel.php