Syrie: «Quel crédit donner à un gouvernement qui tire sur tout ce qui bouge?»

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 février 2012

INTERVIEW – Antoine Foucher, le chef de mission MSF à Amman (Jordanie), revient pour «20 Minutes» sur la situation dans le Sud de la Syrie, à la frontière jordanienne…

Le programme de Médecins sans frontières (MSF) à Amman (Jordanie) a accueilli près de 2.000 réfugiés blessés depuis son ouverture en 2006. Originellement dédié à l’accueil de victimes irakiennes, le dispositif a été élargi à plusieurs pays de la région et reçoit cinquante nouveaux patients par mois. MSF loue deux blocs opératoires et 60 lits à un hôpital de la capitale. L’ONG loue par ailleurs un hôtel du centre où les blessés sont rééduqués. Ils y restent de deux mois jusqu’à deux ans. En moyenne, le coût d’un séjour s’élève entre 10 et 13.000 dollars (entre 7.500 et 9.500 euros) par patient. Mais dans les mois qui viennent, MSF devrait se doter de son propre hôpital afin d’accueillir davantage de blessés de guerre issus des pays de la région. Antoine Foucher, le chef de la mission MSF Irak/Jordanie, revient pour 20 Minutes sur la situation syrienne.

Parvenez-vous à rapatrier des blessés Syriens jusqu’en Jordanie?
Lorsque la frontière était ouverte, ils arrivaient jusqu’à nous. Puis nous avons envoyé un officier de liaison dédié au poste frontière afin de réguler cette arrivée massive. Aujourd’hui, l’armée syrienne refuse de laisser sortir les blessés. Du coup, c’est devenu difficile pour eux de nous retrouver. Ils doivent passer illégalement en Jordanie. Ceux qui s’y risquent le font en sachant qu’ils peuvent se faire arrêter puis exécuter.

Les réfugiés Syriens racontent qu’ils sont traqués dans les hôpitaux publics…
Effectivement, ils sont contraints de se faire opérer dans des conditions très difficiles. Ce qui cause des problèmes par la suite et de nombreuses complications. On estime à 50% le taux de mortalité dans ce qu’on appelle les hôpitaux clandestins. En vérité, il s’agit d’un appartement privé, où la table d’opération est la table à manger. Un docteur passe et il vous opère. A Deraa, à la frontière jordanienne, on estime à 250 le nombre de personnes qui pourraient intégrer notre programme. La plupart pour des problèmes orthopédiques à cause des blessures liés aux armes à feu.

Seriez-vous en mesure, si un couloir humanitaire devait s’ouvrir, de répondre aux besoins des blessés?
Bien sûr, on a tout ce qu’il faut. Ici, en Jordanie, on ne manque pas de médicaments. Si les politiques s’entendent pour mettre en place un couloir humanitaire pour évacuer les blessés, c’est très bien et il faut le faire. Mais que signifie un corridor humanitaire dans une telle situation? Quel crédit donner à un gouvernement, dont l’armée tire sur tout ce qui bouge? Je me pose la question.

Aujourd’hui, à la lumière de la situation de plus en plus critique en Syrie, que faut-il faire selon vous?
Il faut à tout prix forcer l’armée syrienne à respecter un minimum les conventions internationales. Notamment la neutralité du personnel médical, l’évacuation des blessés et l’accès aux hôpitaux. Ce qui me frappe le plus dans cette situation est que le conflit prend des mesures hors-norme au niveau humanitaire.

source: http://www.20minutes.fr/monde/syrie/886899-syrie-quel-credit-donner-gouvernement-tire-tout-bouge