Syrie : seuls face à Bachar El-Assad – par Garance Le Caisne

Article  •  Publié sur Souria Houria le 2 janvier 2012

Alors que la répression a fait plus de 5.000 morts, qui sont ces
opposants que la France et les États-Unis ne reconnaissent pas?

Vendredi, des centaines de milliers de personnes ont encore manifesté
contre le régime syrien. Bilan : au moins 32 nouvelles victimes de la
répression, qui s’ajoutent aux quelque 5.000 relevées par les Nations
unies. Le même jour, au Caire, le Conseil national syrien (CNS) et le
Comité national de coordination pour le changement démocratique (CNCD)
ont signé un projet d’accord sur la lutte et la transition politique.
Tandis que la répression s’accentue et que les puissances occidentales
excluent toute intervention militaire en Syrie, radiographie du
mouvement qui, aux yeux du monde entier, tente d’incarner
l’alternative au régime de Bachar El-Assad.
Qu’est-ce que le Conseil national syrien?

Sa création a été annoncée le 2 octobre à Istanbul. Elle est le
résultat d’une succession de réunions depuis fin avril pour regrouper
tous les opposants, y compris les révolutionnaires de l’intérieur.
Burhan Ghalioun, 66 ans, professeur de sociologie politique à la
Sorbonne, exilé en France et considéré comme modéré, a été désigné
président. Fort de quelque 220 membres, le Conseil représente sept
factions : les comités locaux de coordination, qui organisent les
manifestations sur le terrain ; les Frères musulmans, interdits en
Syrie ; les partis de l’opposition laïque de la Déclaration de Damas ;
des indépendants, des technocrates, les Kurdes et les tribus. « Pour
préserver leur sécurité, les noms des membres des comités de
l’intérieur sont évidemment gardés secrets, comme d’autres qui sont
alaouites [la confession de la famille Assad] », précise Ignace
Leverrier, ancien diplomate, auteur du blog « Un oeil sur la Syrie ».
Comment fonctionne-t-il?

Vaste plate-forme, il regroupe des personnes aux opinions différentes
et tranchées. Jeunes/anciens, révolutionnaires de l’intérieur/
opposants exilés, laïcs/ islamistes… Leurs tiraillements prêtent
forcément à la critique. « On n’a jamais demandé à une opposition
d’être unie à 100%, pourtant c’est ce qu’on nous demande. Même la
résistance française n’était pas unie », rétorque Bassma Kodmani,
porte-parole du CNS et membre du bureau exécutif. Le CNS apprend en
marchant. Pas facile de travailler ensemble quand vous êtes dispersés
entre les États-Unis, l’Europe, le monde arabe et l’intérieur de la
Syrie. Pas facile de dialoguer. « Il n’y a pas de démocratie ni de vie
politique en Syrie depuis quarante ans, justifie Imad Houssari, membre
du CNS et porte-parole des comités locaux de coordination. On avait
tendance à dire notre opinion sans écouter les autres, on apprend à
échanger… »
Que propose-t-il?

Garder la nature pacifique de la révolte, oeuvrer pour un État civil,
démocratique et pluraliste. Avec l’apparition de l’Armée syrienne
libre et avec une répression de plus en plus féroce, il devient
difficile de maintenir le cap d’une révolution totalement pacifique.
Le 19 décembre, Burhan Ghalioun a menacé de « faire appel à des forces
de dissuasion arabes. Nous avons besoin d’un usage de la force d’une
manière limitée et dans des zones précises ». Si la Ligue arabe n’a pas
les moyens de faire appliquer son plan de sortie de crise, Burhan
Ghalioun demande qu’il soit adopté par l’ONU.
Qui le finance?

Dans le jeu de recomposition des alliances régionales suite au
« printemps arabe », le Qatar avance ses pions. À la tête du comité
interministériel de la Ligue arabe consacré à la Syrie, la monarchie
du Golfe soutient les opposants. Politiquement et financièrement. À
quelle hauteur? Difficile de savoir. « Il ne faut pas croire que
beaucoup d’États financent l’opposition. Certains courants au sein de
CNS ont leurs propres sources de financement, comme les Frères
musulmans depuis longtemps en exil », explique Thomas Pierret,
chercheur en sciences politiques à l’université d’Édimbourg, auteur de
Baas et Islam en Syrie (PUF).
Pourquoi n’est-il pas reconnu?

Des hommes d’affaires syriens commencent à aider de manière anonyme.
Des promesses ont été faites. Le CNS ne roule pas sur l’or. Pas encore
de compte bancaire, pas de bureau ni de secrétaire. Certains membres
n’ont pu se rendre au congrès de Tunis, mi-décembre, faute d’argent
pour payer leur billet d’avion. Seules les autorités libyennes ont
reconnu le CNS. Côté français, le CNS est « l’interlocuteur légitime ».
Le Quai d’Orsay attend le moment propice pour le reconnaître comme
représentant légitime du peuple syrien. Il affirme dialoguer avec
toute l’opposition. De source diplomatique pourtant, la présence des
Frères musulmans poserait problème. Malgré sa demande, la confrérie,
composante incontournable de l’opposition, n’a jamais été reçue au
ministère des Affaires étrangères.

source: http://www.lejdd.fr/International/Moyen-Orient/Actualite/Precisions-sur-le-Conseil-national-Syrien-445525/?from=headlines