Syrie : silence, on observe – Par Yves Harté

Article  •  Publié sur Souria Houria le 21 avril 2012

21 avril 2012

Que fait-on en Syrie ? On observe. Il est des mots auxquels on n’accorde plus assez d’attention. Sinon pour les répéter indéfiniment comme s’ils pouvaient satisfaire un besoin d’apaisement. Or personne n’ignore ce qui se passe en Syrie. Ni Américains. Ni Européens. Ni Russes. Ni Chinois. En Syrie, on massacre depuis un an. On tue inlassablement, obstinément, par bombardements, torture ou balles. Et ce qui est considéré comme un minuscule espoir est la venue d’observateurs, de cinq hommes dont personne ne peut suspecter le courage et encore moins la volonté d’apporter leur pierre à un retour vers la paix.

Mais qu’en est-il exactement de ces observateurs, et pourquoi Bachar al-Assad a-t-il autorisé leur entrée sur le territoire d’un pays dont il est encore pour l’heure le seul maître ? Il les a tolérés pour un drôle de jeu, celui qui consiste à donner du temps au temps, à prolonger encore et toujours un règne qui devient effarant, persuadé que toute une partie de son peuple est en accord avec lui et entend s’opposer à tout changement. Pour dérisoire que soit le rôle de ces cinq hommes mandatés par l’ONU, aussi ténu que soit l’espoir de voir le sang cesser de couler, la présence de ces cinq hommes de bonne volonté donne au moins l’annonce d’un signal.

Les deux plus grands alliés de Bachar al-Assad, la Russie et la Chine, se sont résolus à approuver la présence de témoins neutres. Le président syrien également, pour conserver son plan qui est d’écraser une insurrection et d’amorcer ensuite des réformes dont on ne sait à quoi elles pourraient ressembler. Mais il est trop tard. La révolte dure depuis trop longtemps. Les rues des villes se remplissent de manifestants à la moindre occasion. Chaque mort amène un révolté à la révolte. Peu à peu, un pays sombre. Or les deux grands alliés de la Syrie d’al-Assad ont besoin, au cœur du Proche-Orient, d’un gouvernement solide capable de servir de relais à leurs ambitions géopolitiques. Bachar al-Assad est-il aujourd’hui encore cet homme-là ? Rien n’est moins sûr. À l’incertitude du chaos est préféré pour l’heure un ordre sanglant dont le temps est sûrement compté. Et dont l’existence ne tient qu’à l’absence d’une solution de substitution agréée par Russes et Chinois. Mais en attendant ? En attendant, on observe.

y.harte@sudouest.fr

On massacre depuis un an. On tue inlassablement, obstinément, par bombardements, torture ou balles.

Source: http://www.sudouest.fr/2012/04/21/syrie-silence-on-observe-694039-10.php