Syrie : un accord secret entre Daech et Assad pour libérer Palmyre ? – par S.D.

Article  •  Publié sur Souria Houria le 12 mai 2016
Syrie : un accord secret entre Daech et Assad pour libérer Palmyre ?

Palmyre 1er avril 2016 ((AP/SIPA))

Sky News révèle la collusion entre le régime de Bachar al-Assad et l’Etat islamique qui a rendu possible la libération de certaines zones et le commerce entre les deux parties.

La reprise de Palmyre par l’armée de Bachar al-Assad et son allié russe était censée être l’une des défaites les plus cuisantes des djihadistes de l’Etat islamique (EI), qui la contrôlait depuis mai 2015. Elle devait porter Bachar al-Assad en libérateur de la cité antique, mère de trésors du patrimoine mondial, partiellement détruits. Contribuer à la propagande du régime pour légitimer le despote sur la scène internationale et l’imposer comme un partenaire incontournable pour régler le conflit. Pour la première fois depuis le début de la guerre, l’armée syrienne s’était frottée de près aux djihadistes de Daech.

Des documents que se sont procurés les journalistes de Sky News viennent faire mentir ces affirmations. Selon eux, un accord a été signé entre le régime syrien et l’EI. « Palmyre a été remise aux forces gouvernementales par l’Etat islamique dans le cadre d’une série d’accords de coopération remontant à plusieurs années », révèle Sky News, citant un combattant de l’EI qui a fait défection. La libération de Palmyre ne serait donc que le fruit de plusieurs deals qui ont duré tout le temps des combats et dans plusieurs zones contrôlées par l’EI.

Ainsi selon ces documents, extraits de correspondances entre les deux parties, les accords prévoyaient notamment :

  • Un retrait des armes de l’EI de Palmyre ;
  • Un accord sur le commerce d’engrais contre du pétrole ;
  • Une évacuation des combattants de l’EI de certaines zones avant que l’armée syrienne ne lance l’offensive ;

Ces documents sont des copies des ordonnances manuscrites envoyées depuis le siège de l’EI. On y trouve des instructions adressées à un commandant de l’EI pour qu’il transfère les équipements et les armes à un point d’évacuation convenu avant que la zone – Al Qasr et ses environs en l’occurrence – ne soit bombardée le 24 novembre 2013.

Coordination

Concernant Palmyre, un document dit :

« Retirer toute l’artillerie lourde et armes anti-aériennes à partir et autour de Palmyre dans la province de Raqqa. »

Selon les sources interrogées directement par Sky News, notamment des repentis de l’EI, le groupe djihadiste coordonnait l’évacuation de ses troupes des zones contrôlées en lien avec le régime et éventuellement avec l’armée russe.

Par ailleurs, les documents révèlent aussi que le programme de formation de combattants étrangers et le projet d’exporter la terreur a commencé depuis bien plus longtemps que ne l’ont soupçonné les services de renseignements. Les documents expliquent »qu’un programme d’attaques coordonnées sur les pays occidentaux était l’un des fondamentaux de la construction de l’EI ». Ainsi, une opération baptisée « Briser le siège », prévoyait qu’une cellule de terroristes, divisée en groupe de quatre, devait se rendre dans les « pays infidèles ».

Documents non authentifiés

La chaîne britannique n’en est pas à son premier scoop sur l’EI. Elle avait affirmé en mars dernier être en possession de documents de l’EI, contenant les noms de 22.000 membres de l’organisation djihadiste. Cette fois encore, ce serait grâce à ses contacts avec des membres de l’armée syrienne libre, qui ont fui Raqqa, engagés notamment pour traquer les faux repentis et renouer avec les vrais, qu’elle a réussi à obtenir ces informations. « L’authenticité de ces derniers documents est impossible à vérifier, mais toutes les fuites précédentes collectées par le biais de ce groupe se sont révélées être authentiques », assure Sky News.

Interrogé pour analyser les preuves de cette collusion entre le régime syrien et Daech, Afzal Ashraf du think-tank Institut Royal United Services, explique la difficulté à trouver du sens à cette guerre « de perception et de narration », où « tout le monde essaie de manipuler les événements ».

« Ça pourra prendre 20 ans avant que nous sachions exactement ce qui s’est passé », dit-il encore.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle coopération est évoquée. A plusieurs reprises, la presse a fait état de documents prouvant une relation étroite entre le régime et les djihadistes, notamment pour le commerce des hydrocarbures. Les documents de Sky News viennent corroborer ces soupçons et indiquent que la coopération a pu être également militaire.