Syrie : un coup d’épée dans l’eau – Par MIREILLE DUTEIL

Article  •  Publié sur Souria Houria le 24 janvier 2012

De prime abord, on pourrait croire que dans l’affaire syrienne, la Ligue arabe s’est convertie – une fois n’est pas coutume – au principe de réalité. Dimanche, le rapport remis par les observateurs de la Ligue arabe qui ont sillonné la Syrie depuis le 26 décembre, a conclu que le président Bachar el-Assad devait quitter le pouvoir dans les deux mois et le remettre à son vice-président, Farouk el-Charah, chargé de mettre en place un gouvernement d’union nationale qui organisera des élections législatives et présidentielles.

Un scénario à la yéménite qui, en Syrie, a ses limites. Car la Ligue arabe semble, ni plus ni moins, vouloir faire du neuf avec du vieux.

La suggestion de la Ligue ne fait que reprendre une proposition – restée secrète – formulée par les Russes en décembre dernier à Farouk el-Charah lorsque celui-ci s’est rendu à Moscou. La Russie a un souci : que demeure à Damas un pouvoir ami. Elle veut continuer à bénéficier de facilités portuaires à Tartous, son seul port en Méditerranée. Le souci russe de ne pas perdre son allié syrien explique que ces derniers mois, Moscou multiplie les envois d’armes à Damas. C’est ainsi qu’en dépit des sanctions internationales contre la Syrie qui interdisent les ventes d’armes, Damas vient de passer commande de 36 avions d’entraînement Yak-130.

Lâcher Bachar

De plus, la Ligue arabe et les Russes semblent vouloir sacrifier Bachar el-Assad pour sauver le régime. Certains estiment que Farouk el-Charah pourrait vouloir organiser des élections à son profit. Il fait partie du paysage politique syrien depuis plusieurs décennies et a été l’inamovible ministre des Affaires étrangères d’Hafez el-Assad (de 1984 à 2006). Aux yeux de la Ligue arabe et des Russes, il présente deux avantages. C’est un sunnite, comme 70 % des Syriens, en particulier ceux qui sont dans la rue. Il est en outre de la région du Horan, berceau de la contestation née en mars dernier.

Le rapport de la Ligue arabe est contesté de tous côtés. Le régime a, sans surprise, rejeté avec hauteur ses conclusions demandant le départ de Bachar el-Assad. L’opposition, celle de l’intérieur comme celle de l’étranger, doute que le rapport puisse être appliqué. Seul point positif, estime-t-elle : il est prévu que faute de mise en oeuvre du plan, la Ligue arabe irait devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Pour obtenir une condamnation de la répression syrienne ? Il n’est pas sûr que la Russie et la Chine s’y résolvent. On tourne en rond.

Pendant ce temps, le nombre des morts atteint 5 400 et la vie est devenue très difficile dans le pays tandis que ces derniers jours, pour la première fois, la contestation a atteint le centre de Damas. Les Syriens n’ont plus d’emplois, plus d’argent, le fioul manque (il fait très froid) et la nourriture commence à se faire rare.

Source: http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/mireille-duteil/syrie-un-coup-d-epee-dans-l-eau-24-01-2012-1422799_239.php