« Syrie : une trêve des combats à la petite semaine » – par Hala Kodmani

Article  •  Publié sur Souria Houria le 12 septembre 2016

Incertain, le gel des combats entre belligérants syriens prévu par l’accord russo-américain conditionne une coopération militaire inédite entre Moscou et Washington.

Une trentaine de camions chargés d’aide humanitaire étaient prêts dès ce lundi matin à entrer en Syrie sous la supervision de l’ONU. «Après le coucher du soleil […] de la nourriture, des jouets, des chaussures et des vêtements seront envoyés aux habitants, majoritairement à Alep, via des corridors établis à l’avance». En annonçant l’information, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est montré résolument optimiste sur l’application du cessez-le-feu sur le terrain. Une confiance peu partagée par les différents acteurs du conflit syrien tant l’accord intervenu vendredi 9 septembre au soir à Genève entre Russes et Américains comporte d’inconnues. Ses deux principaux artisans eux-mêmes ont prévu l’application de la trêve par paliers de 48 heures renouvelables pour tester leur capacité à le faire respecter.

L’opposition syrienne inquiète

A quelques heures de l’entrée en vigueur de la première cessation des combats, prévue pour 18 heures lundi, l’opposition syrienne dans ses composantes politiques comme militaires n’avait pas avalisé le plan proposé. Ses porte-paroles continuaient de demander des précisions et des garanties, sur les termes de l’accord. «Nous espérons qu’il y aura des garanties et nous les demandons spécialement aux Etats-Unis, qui sont partie prenante de l’accord» de trêve, a affirmé Salem al-Moslet, le porte-parole du Haut comité des négociations (HCN) de l’opposition syrienne. «Quelle est la définition choisie pour le « terrorisme » et quelle sera la réponse en cas de violations ? Comment sera appliqué le cessez-le-feu dans les régions où Fateh al-Cham est présent ?» Ce groupe, ancien Front Al-Nosra ayant rompu ses liens avec Al-Qaeda, combat en effet le régime aux côtés d’autres forces rebelles, comme le puissant Ahrar al-Cham.

Les inquiétudes de l’opposition ont été renforcées par l’accueil enthousiaste et immédiat fait à l’accord russo-américain par le régime syrien qui qualifie indifféremment de «terroriste» tous les groupes qui le combattent. Bachar al-Assad a affiché un triomphalisme provocateur lundi matin en se déclarant « déterminé à reprendre aux terroristes toutes les régions et à rétablir la sécurité dans le pays. Les  forces armées vont poursuivre leur travail sans hésitation […] et indépendamment des facteurs extérieurs et intérieurs.» Il s’est exprimé après la prière de la Grande fête du sacrifice dans une mosquée de Daraya près de Damas, ex-fief rebelle vidé de sa population il y a une dizaine de jours.

Une semaine de répit pour les civils

Le respect par les belligérants syriens de la trêve prévue est un point de départ nécessaire pour l’application de l’accord entre Américains et Russes aux visées bien plus larges que l’arrêt de l’effusion de sang en Syrie. Conclu après des semaines de négociation marathon entre les chefs de la diplomatie des deux puissances, il préfigure une coordination militaire inédite entre elles dans la lutte contre les jihadistes. «C’est une victoire pour la Russie car elle a beaucoup insisté pour que ce point soit signé et elle a longtemps travaillé dessus», explique l’analyste politique Fiodor Loukianov, cité par l’AFP.

Moscou insiste en effet depuis des mois auprès de Washington pour unir leurs forces dans la guerre contre les terroristes. Après avoir systématiquement refusé les propositions russes, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a fini par céder vendredi soir à Genève à son homologue russe Sergueï Lavrov en donnant son feu vert pour la création d’un centre russo-américain destiné à coordonner d’éventuelles frappes. Il a toutefois mis pour condition que la trêve en Syrie dure «une semaine».

Une semaine d’arrêt total des violences, des raids aériens et des combats au sol permettant le passage de l’aide humanitaire, médicale et alimentaire offrirait un répit appréciable pour les habitants comme pour les combattants. Ce ne serait pas la première fois puisque en février dernier déjà, une trêve similaire parrainée par Moscou et Washington et soutenue par l’ONU avait, à quelques violations près, tenu une petite semaine. Il serait étonnant qu’elle dure plus longtemps cette fois-ci.