Tunisie – Le Forum Social Mondial et la question syrienne – par Henda Hendoud

Article  •  Publié sur Souria Houria le 1 avril 2013

Comme chaque année, le Forum social mondial a réuni plusieurs tendances politiques, des centaines de causes mais aussi des conflits.Pour son édition en Tunisie, mis à part le conflit israélo-palestinien qui reste une question centrale, les révolutions dans le monde arabe se sont également invitées au Forum jusqu’à créer des tensions entre certains participants.

La question syrienne fait de plus en plus partie de l’actualité tunisienne. Les articles récents sur les djihadistes tunisienspartant combattre en Syrie en sont l’exemple le plus actuel. Mais c’est aussi au sein de la problématique nationaliste arabe que le conflit syrien resurgit là où on l’attend le moins. Vendredi 29 mars, une grande tente au milieu du forum affiche sur une banderole  les photos de plusieurs militants à l’instar de Ghandi, Mandela, Farhat Hached, Omar Mokhetar et Ahmed Yassine. Les figures de ces militants connus à l’échelle mondiale par leurs causes justes et humanitaires ont été mélangées à celles de d’autres personnages, qualifiés de terroristes ou de dictateurs  comme Ahmadi Najad, Hassan Nasrallah, Jamal Abdelnacer, Sadam Houssein et, le fameux Bachar Al Assad.

Une banderole où se mêlent Che Gevara et Bachar el Assad. Crédits photo: Ayoub Abbous

Manifestants sur le campus de Manar à Tunis au Forum Social Mondial. Crédits Photos: Seïf Soudani

Les slogans semblent également plaider une cause douteuse. Cette tente est dirigée par la Ligue tunisienne pour la tolérance et porte le slogan «Je suis tolérant donc je suis antisioniste». Quel rapport entre la tolérance et l’anti sionisme? Et quel rapport entre la résistance et les régimes de Barchar Al Assad, Ahmadi Najad et Hassan Nasrallah? La Ligue se contente de distribuer des brochures expliquant son point de vue en détaillant la criminalité des sionistes.

Devant la tente quelques jeunes discutent les hadiths du prophète Mohamed et de sa relation avec les juifs. Quand une autre discussion commence entre des Tunisiens et un Syrien.

«Je ne comprend pas comment vous osez faire ça à vos frères syriens qui meurent tous les jours par les balles de Bachar Al Assad? Vous faites une révolution et vous soutenez des dictateurs ! C’est de l’hypocrisie » hurle Mohamed enragé devant la tente avant de continuer «Les syriens meurent tous les jours ! Plus de cent mille morts et des milliers de blessés et vous parlez de résistance arabe? C’est la résistance de la honte ! La résistance impérialiste !» continue Mohamed.

Depuis qu’il est arrivé en Tunisie, il y a quatre mois, il n’arrive pas à comprendre la gauche tunisienne qui se dit révolutionnaire et soutient les dictateurs dans le monde. Il ne comprend pas aussi l’histoire des Tunisiens qui quittent leur pays pour aller s’engager dans Jabhat Al-Nosra. Sa déception est grande parce qu’il n’a jamais cru que le Forum Social Mondial accepterait d’accueillir des associations «soutenues par l’impérialisme caché sous un pseudo nationalisme qui a détruit la région depuis des années» selon ses dires.

Vidéo amateur de manifestants brûlant les drapeaux syriens: (…)

 

Les membres de la Ligue Tunisienne pour la Tolérance se sont défendus en déclarant qu’ils soutennaient la résistance contre l’Etat d’Israël. Concernant le peuple syrien, les militants de la Ligue qui prétendent représenter également la «résistance arabe» considèrent que le peuple syrien  soutient le régime Assad même si des milliers de personnes ont été tué dans des manifestations qui ont duré des mois entiers.

La discussion très tendue a fini par une bagarre quand les «résistants arabes» ont accusé leurs contestataires d’être des serviteurs de Qatar et des USA. Les tensions ont déclenché une bagarre comme le montre ce reportage du Courrier de l’atlas et certains sont même allés jusqu’à brûler en public

De jeunes Irakiens ont montré également leur mécontentement de voir les photos de Sadam Hussein affiché comme le martyr de la nation arabe. La déception état visible sur leurs visages. Eux, animaient des ateliers liés à l’économie et le  développement durable. Ils ne disent rien sur le régime politique de leur pays.

Après cet épisode malencontreux témoignant de certaines dérives, on remarque que la révolte du Bahreïn n’a pas été évoquée. Quelques activistes de ce pays se débrouillent seul pour prendre quelques minutes dans chaque atelier pour parler de leur situation et pour convaincre le maximum des participants de la justesse de leur cause.

Les Palestiniens, quant à eux, ont multiplié les rencontres, les débats et les fêtes.  Mais ils ne sont pas tous du même avis par rapport à cette solidarité arabe nommée nationalisme. Maysara, la trentaine, Palestinien, participe pour la première fois au Forum. Après deux jours, il se sent déçu de ses compatriotes et des arabes d’une façon générale.

«Tout le monde est solidaire avec la cause palestinienne mais tout le monde aussi utilise Palestine comme un prétexte… Pour sauver les Palestiniens comme ils disent, ils sont prêts à sacrifier d’autres peuples et soutenir des dictateurs qui nous utilisent pour avoir une légitimité…» dit -il en montrant de doigt la tente nommée «la résistance arabe».

Alors que le Forum se clôture aujourd’hui, les affrontements ont continué et une minorité de Syrienscompte se manifester également aujourd’hui en marge de la fin des festivités. Il aura montré les dissensions au sein des nationalismes arabes qui peinent encore à s’unir après les révoltes contre les dictatures.

source : http://blog.slateafrique.com/tawa-fi-tunis/2013/03/30/tunisie-le-forum-social-mondial-et-la-question-syrienne/

date : 30/03/2013