Un Observateur décrypte la stratégie des snipers syriens – Par France24

Article  •  Publié sur Souria Houria le 21 avril 2012

18 avril 2012

Capture d’écran d’une vidéo datant de mars dernier, montrant un sniper à Douma.
Depuis le début de la contestation en mars 2011, nos Observateurs dans les villes rebelles de Syrie rapportent la présence systématique de snipers, des tireurs d’élite qui ne font jamais taire leur arme, même pendant le cessez-le-feu. Où se positionnent-ils ? Comment sont-ils repérés et évités par les habitants ? Que peut l’Armée syrienne libre contre eux ? Un de nos Observateurs, originaire de Zabadani, au sud-ouest de la Syrie, donne quelques éléments de réponse.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), en Syrie, le nombre de morts depuis le début de la contestation a dépassé les 10 000 victimes dont une majorité de civils.

 

« Quand ils ont l’ordre de tuer, les snipers l’exécutent sans faire d’exception »

Mohamed Ali est membre du comité révolutionnaire de Zabadani. Il a quitté sa ville natale en février avec l’arrivée de l’armée régulière et se trouve aujourd’hui à Deraa, un peu plus au sud du pays.
Nous avons à Zabadani de hauts bâtiments qui surplombent la ville et permettent de surveiller plusieurs quartiers en même temps. C’est là que les snipers choisissaient généralement de s’installer dans un premier temps. Ils étaient déployés deux jours avant que les chars n’envahissent les villes, afin d’assurer le contrôle total des rues et ainsi faciliter l’entrée de l’armée. Mais les choses ont changé. Ils ont désormais davantage une mission de protection des soldats contre les éventuelles attaques de l’Armée syrienne libre (ASL), et pour ce faire, ils sont uniquement déployés où l’armée est positionnée. À présent, pendant les offensives, ce sont d’abord les forces de sécurité et l’armée qui investissent les villes, avant l’arrivée des snipers. Les tireurs se déploient plus facilement car les habitants et l’ASL sont dans ces moments-là plutôt occupés à fuir ou à se battre qu’à les repérer.
Le sniper est toujours accompagné de deux soldats, munis chacun d’une mitraillette et qui veillent sur lui. Cette protection est due au fait qu’il ne peut pas se défendre seul vu que son fusil ne tire qu’un seul coup à la fois. Il se place dans des endroits protégés mais d’où il peut fuir facilement. Vous ne le trouverez jamais dans des zones où les soldats de l’ASL sont majoritairement présents. Si l’ASL n’a pas de snipers, c’est une question de moyens. La plupart des armes dont elle dispose proviennent du marché noir et les modèles sont très limités. Les meilleurs fusils d’assaut que les soldats de l’ASL puissent se procurer sont des M-16 qui ne rivalisent pas avec les modèles russes beaucoup plus performants utilisés par les snipers.
« Vous pouvez lire dans certaines rues : ‘Prenez le trottoir de droite. Si vous prenez celui de gauche, vous serez dans ligne de mire du sniper’ « 
Faute de pouvoir se battre à armes égales avec les snipers, les soldats de l’ASL ,ou parfois de simples citoyens, essayent de protéger les passants en les mettant en garde. Ils accrochent par exemple des pancartes indiquant : »Dans cette rue, prenez le trottoir de droite. Si vous prenez celui de gauche, vous serez dans ligne de mire du sniper ».
Les snipers tirent mais ne tuent pas toujours, en tout cas pas dans toutes les villes. Cela dépend des ordres  qu’ils ont reçus. À Zabadani par exemple, nous avons peu de victimes qui sont tombées sous les balles des snipers. Mais leur présence change forcément notre vie au quotidien et limite notre accès à certaines zones. S’ils sont là uniquement comme force de dissuasion, ils vont tirer juste à côté de vous pour signaler leur présence, mais pas pour tuer. Une jeune fille que je connais a ouvert une fois la fenêtre de chez elle alors qu’un sniper se trouvait, sans qu’elle le sache, dans un bâtiment voisin. Ce dernier a tiré une balle juste au-dessus de l’épaule de la jeune fille. Il aurait pu l’atteindre ou même la tuer s’il l’avait voulu, mais son message était : ferme la fenêtre et éloigne-toi de là. À Deraa, à Homs ou à Idlib en revanche, ils tirent sur tout le monde, sans distinction d’âge ou de sexe. Quand ils ont l’ordre de tuer, les snipers l’exécutent sans jamais faire d’exception.

 

 

 

« Cours, il y a un sniper ici » (Zabadany)

 

 

Vidéo tournée à Deraa. La personne qui filme zoome sur le sniper que l’on voit difficilement derrière les sacs de sable au dernier étage du bâtiment qui se trouve près du checkpoint.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à France 24.

Source: http://observers.france24.com/fr/content/20120418-observateur-decrypte-strategie-snipers-syriens-zabadany-tireurs-elite-homs