Un sauf-conduit pour Bachar s’il dégage – par Abderrahman Al-Rached

Article  •  Publié sur Souria Houria le 4 juin 2012

Américains et Russes discutent d’une solution à la yéménite où le Président syrien quitte le pouvoir mais l’essentiel du régime demeure préservé. Une option qui soulève le scepticisme.

Le massacre d’enfants commis par le régime syrien à Houla  [le 25 mai108 morts dont 49 enfants] a ébranlé le monde. Cela ouvre peut-être une nouvelle phase et pourrait à terme sonner la fin du régime de Bachar El-Assad. Aussi, ne s’agit-il probablement pas d’une coïncidence si l’administration américaine a laissé fuiter via le New York Times que Barack Obama a envoyé un de ses collaborateurs de la Sécurité nationale à Moscou pour discuter en toute discrétion avec Vladimir Poutine au sujet de la chute du régime.

C’est un pas en avant, certes, mais on a également appris que ces discussions portaient sur une « solution à la yéménite ». Il s’agirait de répéter le scénario qui a été mis en œuvre par l’Arabie saoudite au Yémen afin d’obtenir le départ du président Ali Abdallah Saleh tout en évitant la guerre civile. Saleh avait été soumis à de fortes pressions pour quitter le pouvoir, mais aussi reçu des promesses d’un sauf-conduit pour lui et sa famille. Une telle solution a la préférence des Américains, puisqu’elle permettrait d’éviter l’effondrement de l’Etat, la guerre civile, l’apparition de groupes terroristes [notamment Al-Qaïda]à la faveur du vide politique ainsi que la transposition des conflits régionaux sur le sol syrien.

Théoriquement, ce serait une très bonne solution pour les Syriens eux-mêmes et pour le reste du monde, mais je doute beaucoup de la possibilité de l’appliquer concrètement. Car la Syrie n’est pas le Yémen et Assad n’est pas Saleh. Le sang qui a coulé et les haines qui se sont accumulées en Syrie sont sans commune mesure avec ce qu’on a connu au Yémen. Par conséquent, il paraît impensable que l’opposition et la population syriennes acceptent que des figures issues du régime d’Assad restent à leur poste et échappent à des poursuites. De leur côté, Assad et son clan n’accepteront pas de partir aussi facilement et les groupes affiliés à son régime continueront de se battre.

Autrement dit, le Conseil de sécurité devra prendre toute une série de mesures afin d’étrangler le régime logistiquement, de l’embargo sur les vols et les liaisons maritimes à la fermeture des frontières. Ensuite, le Conseil de sécurité décidera d’une intervention militaire afin de protéger les populations civiles. C’est ainsi qu’Assad partira. C’est la solution libyenne et non pas yéménite.

Si les Américains veulent vraiment appliquer une solution à la yéménite, ils ne peuvent se contenter de consulter et de négocier. Car Assad n’acceptera qu’une fois que la situation sera devenue si désespérante pour lui que, de fait, il sera trop tard pour l’appliquer. Si Assad n’a pas le dos au mur, il ne cèdera pas. Il sait qu’il peut compter sur l’aide de l’Iran et du Hezbollah libanais, ne serait-ce que pour semer le chaos et pour pousser la Syrie vers la guerre civile. Car, estime-t-il, dans ce scénario-là, il réussira à garder la main sur des bouts du territoire syrien et de rester le président des régions [alaouites au nord de la Syrie] qui lui sont acquises au niveau confessionnel.

source: http://www.courrierinternational.com/article/2012/06/01/un-sauf-conduit-pour-bachar-s-il-degage