« Un Train pour la liberté du peuple syrien » – Intervention de Jack Ralite, ancien ministre

Article  •  Publié sur Souria Houria le 20 décembre 2012

« Un Train pour la liberté du peuple syrien »
de Paris à Strasbourg
auprès du Parlement Européen
Mardi 11 décembre 2012
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Intervention de Jack Ralite, ancien ministre

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde » (Albert Camus).
Nous sommes ici pour bien nommer les choses et dire ce qui se passe en Syrie. Notre Colloque au Centquatre à Paris le 19 novembre dernier a démontré que ce n’est pas une guerre civile, mais une guerre contre les civils, une guerre criminelle d’un dictateur contre le peuple de son pays.

« Laisser aller le cours des choses voilà la catastrophe » (Walter Benjamin).
La catastrophe est là : 41000 morts, des villages et des villes meurtris, n’ayant plus de services publics, notamment hospitalier, des dizaines de milliers d’arrestations, de tortures, de disparitions, le départ vers l’étranger de plusieurs centaines de milliers d’habitants.

« Méfies-toi de ceux qui se déclarent satisfaits car ils pactisent » (René Char).
Des personnes se satisfont de la soi-disant laïcité de Bachar Al-Assad et grossissent en même temps la présence djihadistes dans la tragédie du peuple syrien. En fait les djihadistes servent Bachar Al-Assad. Se solidariser avec le peuple syrien, c’est battre et Bachar Al-Assad et les djihadistes.

« Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin).
Le peuple syrien ne cède ni à la peur ni à la terreur et multiplie les initiatives démocratiques, pacifiques, libératrices, organise une nouvelle coalition nationale de l’opposition et des forces de la Révolution incluant les figures les plus respectées de la société. Refusant de se laisser anéantir, il soutient l’armée syrienne libre qui se trouve en première ligne face aux crimes contre l’humanité de Bachar Al-Assad.

« L’histoire est ce qu’on y fait, l’histoire est une chose qu’on agit et non pas qu’on subit » (Pierre Boulez).
Il n’y a jamais de victoire, même petite, quand on renonce à son pouvoir d’agir. Les pas en avant sont des créations d’un « faire » ambitieux, les citoyens sachant se regrouper, prendre en main leurs propres affaires et donner à l’inédit la capacité d’être moins facteur de puissance davantage générateur de civilisation.

« Les hommes et les femmes peuvent se retrouver une tête au-dessus d’eux-mêmes » (Vygotski)
En écoutant récemment à Malakoff, Shadi Abu Al Fakher, animateur fondateur d’un Comité Local à Damas, j’ai ressenti que ce que dit Vygotski n’est pas de l’ordre de l’impossible, mais de celui des explorations effectuées par ces jeunes syriens échappés à la règle du « chacun pour soi », à l’incapacité de dire « non ». J’ai écouté avec bonheur ce jeune homme dire : « Je ne veux pas mourir pour la Syrie, mais veux vivre en Syrie ». « Le futur vu (…) prenant des routes que mon pas ne connaît pas » dirait Aragon, l’inoubliable auteur à la culture universelle qui écrivit le « Fou d’Elsa », authentique chant d’amour pour la culture arabe et sa rencontre avec la nôtre au sortir de la guerre d’Algérie. Il ajoutait : « Combien de nous sont les mulets de deux croyances ».

C’est un saut de pensée qui rejoint l’histoire précieuse de ce pays pour l’humanité. Là a été bâtie la première maison, est apparu le premier alphabet, ont été construits des édifices classés par l’Unesco, Trésors de l’Humanité.

Les langues, le langage, les citations de ces écrivains d’ailleurs et d’ici rejoignent « les connaissances en actes » de ce damascène.

« Une citation n’est pas un extrait. La citation est une cigale (…) Une fois accrochée dans l’air, elle ne le lâche plus » (Mandelstam). Beaucoup pensent « Quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain » (Paul Ricœur).
Nos frères et sœurs syriens qui ont pris avec nous le train sont éminemment des êtres humains et déclarent dans leurs manifestations pacifiques qui continuent : « Non à la défiguration de notre révolution syrienne », « Non au confessionnalisme, oui à l’unité nationale », « Je suis un arabe, mais je défendrai les droits de mes frères kurdes ».

« L’inaccompli bourdonne d’essentiel » (René Char).
Que nos actes, leurs actes, nos savoirs, leurs savoirs, notre imaginaire, leur imaginaire, bourdonnent au point de devenir assourdissants, et alors l’inaccompli sera. Notre voyage est essentiel.