Une détention brutale, et un militant syrien rebelle – par Kelly McEvers

Article  •  Publié sur Souria Houria le 12 décembre 2011

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

7 décembre 2011

Cet été, NPR a raconté l’histoire d’un jeune homme en Syrie qui exerçait un métier régulier dans la journée et qui était un manifestant la nuit. A la fin de ce récit, l’activiste a fait une prédiction qui a ensuite été tweetée à des milliers de personnes : « Un jour mon heure viendra. Avant que le monde ne réalise ce qui se passe en Syrie, ils essaieront de tous nous avoir. »

Plusieurs semaines plus tard, sa prédiction s’est réalisée.

Un jour de cet automne, Ahmed – le nom a été changé – était en route pour rencontrer un autre activiste. Un homme s’est approché de lui par derrière.

« Il a attrapé mon bras, puis m’a frappé au visage. Je porte des lunettes. Il a brisé mes lunettes », a declaré Ahmed.

L’homme a poussé Ahmed dans une voiture et l’a emmené dans un immeuble qui abrite l’un des plus célèbres services de sécurité de Syrie.

Une fois descendu de voiture, les hommes ont couvert ses yeux avec un bandeau – qu’il a toujours. Il est fait de pièces de matière plastique assemblées entre elles par des points grossiers.

Il y a du sang dessus.

Le sang vient de ce qu’Ahmed appelle le tabassage de bienvenue, que chaque détenu reçoit lorsqu’il arrive dans un centre de détention.

Après son tabassage de bienvenue, a déclaré Ahmed, ils l’ont assis près d’une pièce où un homme était torturé.

« Son hurlement remplissait tout l’espace. Il hurlait, hurlait, hurlait. Et après un moment, un des officiers est venu et a dit, « Tu es le prochain. Tu vas être là-bas. Tu as intérêt à parler ». J’ai dit « Je n’ai rien à vous donner », se souvient Ahmed.

Garder le silence sous la torture

Ce qu’ils voulaient qu’Ahmed avoue, c’est qu’il avait aidé à organiser des manifestations, sur le terrain et en ligne. Ils voulaient lui faire avouer qu’il avait envoyé des clips vidéo de manifestations à des chaînes télévisées comme Al-Jazeera. Ils voulaient ses adresses email, ses noms sur Skype, ses logins Facebook et Twitter.

Ils voulaient prouver qu’il avait commis le crime d’être contre le gouvernement. Mais Ahmed n’était pas bête. Il savait ce qu’ils avaient fait à des leaders de la contestation. Ils les avaient torturés jusqu’à ce qu’ils meurent. Il devait se taire.

 

La série de coups suivante vint d’une matraque qui administrait des chocs électriques. Ahmed dit que ses geôliers utilisaient parfois la matraque pour administrer des décharges aux détenus dans les organes génitaux.

Ils menaçaient de lui faire subir la même chose.

« Mais ensuite, j’ai serré les jambes et sauté dans un autre coin, » dit-il.

Pourtant, Ahmed ne parlait pas. Alors ils l’ont transféré dans une prison. Une douzaine de jeunes hommes étaient entassés dans chaque cellule. On les autorisait à se doucher une fois par semaine. Prier n’était pas autorisé.

Brutalité croissante

Une nuit, Ahmed sentit que quelque chose était différent. Ses geôliers administrèrent les coups habituels. Mais ensuite, ils menacèrent d’amener sa famille.

Comme il ne parlait toujours pas, ils l’ont suspendu par les poignets, ses pieds encore en contact avec le sol. Ils ont forcé à avaler de grandes quantités de sel. Toutes les 10 minutes, ils le frappaient dans l’estomac et versaient de l’eau froide sur tout son corps nu.

Le jour suivant ils soulevèrent ses pieds du sol.

« Alors tout le poids de mon corps était supporté par mes poignets. C’était insupportable. Je ne pouvais plus le supporter et je leur ai dit, « Je vais parler », dit-il.

Ahmed avait passé la nuit précédente à élaborer un plan. Il voulait donner assez d’informations à ses geôliers pour arrêter la torture mais pas assez pour compromettre d’autres activistes. Il donna les noms de gens qui avaient déjà été arrêtés ou qui s’étaient échappés de Syrie. Il inventa des projets de manifestations qui n’auraient jamais lieu.

C’était assez pour ralentir les tortures, mais pas assez pour qu’il soit libéré.

« La liberté est précieuse »

Plus tard, alors que les sanctions contre le régime syrien augmentaient, les autorités ont commencé à libérer certains détenus. Il s’agissait de montrer à la communauté internationale que le régime était sérieux au sujet de la réforme.

Ahmed était parmi ceux qui furent relâchés, et après qu’il a été libéré, il a fui la Syrie. Il ne veut pas que son lieu de résidence actuel soit mentionné, et il a toujours peur pour ses amis et sa famille en Syrie.

Les sanctions contre le régime syrien ont été intensifiées. Et Ahmed est toujours actif dans le soulèvement. Quant à son calvaire ?

« C’est une nécessité et je vais devoir traverser cela, » dit-il. « Cela m’aidera à expliquer à mon fils, à mon petit-fils – je ne sais pas si j’aurai des enfants et des petits-enfants – mais cela m’aidera à leur raconter combien nous avons payé pour obtenir notre liberté. Pour leur faire savoir que la liberté est précieuse. »

source: http://www.npr.org/2011/12/07/143269442/a-brutal-detention-and-a-defiant-syrian-activist