Vérité et justice pour la Syrie – Par une centaine de chercheurs et d’artistes

Article  •  Publié sur Souria Houria le 15 mars 2017

Utilisation d’armes chimiques, attaques d’hôpitaux, viols d’enfants… Il semble ne plus y avoir de limites à l’impunité pour le régime d’Assad. Une centaine de chercheurs, d’artistes se mobilisent contre ces violations des droits humains.

Chaque jour apporte son lot de révélations nouvelles sur la tragédie que vit le peuple syrien et sur les atrocités criminelles dont «l’Etat de barbarie»d’Assad, pour reprendre la juste expression de Michel Seurat, se rend toujours plus coupable, avec la complicité de ses soutiens russes et iraniens. La semaine dernière, un rapport de Human Rights Watch sur l’utilisation d’armes chimiques lors de l’offensive sur Alep venait s’ajouter à celui de Médecins sans frontières sur les attaques délibérées contre les hôpitaux. Quelques jours auparavant, c’était le rapport d’Amnesty International dénonçant le meurtre de plus de 13 000 personnes dans des conditions épouvantables à la prison de Saidnaya, près de Damas et, s’il fallait encore s’enfoncer un peu plus dans l’abomination, la révélation par Mediapart de viols d’enfants, ainsi que d’innombrables témoignages d’exactions diverses, qui viennent s’ajouter aux crimes de guerre commis par l’armée syrienne et ses alliés. La population civile continue d’être bombardée et affamée, contrainte à la fuite. Aujourd’hui, près de 12 millions de Syriens sont déplacés (4,7 millions en exil, la plupart dans des camps de réfugiés en Turquie ou au Liban ; 7,6 millions déplacés au sein de la Syrie elle-même).

Face à cela, les institutions internationales sont prises en otages par le veto russe systématiquement utilisé au Conseil de sécurité de l’ONU contre toute tentative de protestation et de sanctions. Pire : l’idée qu’on ne peut rien faire, ou qu’Assad, aussi détestable soit-il, est après tout le meilleur rempart contre Daech se répand insidieusement dans les opinions occidentales, appuyée par un négationnisme efficace et la propagande du régime qui s’efforce, parfois avec succès, de présenter Assad en interlocuteur respectable.

Nous refusons énergiquement cette complaisance et cette résignation ! Rappelons que les forces d’Assad ont combattu à Alep la résistance syrienne, laissant le champ libre à Daech pour réinvestir Palmyre. Que ces deux-là sont donc secrètement complices. Et que le combat contre Daech, s’il veut être légitime et efficace, doit aussi être un combat contre Assad et ses alliés. Nous appelons l’opinion publique à se mobiliser avec nous pour obliger les gouvernements européens à cesser la politique de l’autruche. Exigeons d’eux qu’ils condamnent clairement les violations du droit international et les exactions d’où qu’elles viennent afin que soit mis un terme aux crimes du régime ; et qu’ils mettent en œuvre tous les moyens juridiques internationaux et nationaux pour enquêter et faire cesser l’impunité du régime de Bachar al-Assad.

Nous recommandons en particulier de soutenir le «mécanisme international, impartial et indépendant sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011», voté par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre, afin qu’il ne demeure pas une coquille vide ; d’exiger la visite en Syrie d’une commission d’enquête indépendante sur les actes de torture commis par le régime (la Syrie ayant signé la convention contre la torture en 2004, malgré son rejet de l’article 20) ; de renforcer, réformer et utiliser au mieux les dispositions existantes dans certains Etats sur la compétence universelle, pour permettre des poursuites et des procès par des juridictions nationales, et s’en doter rapidement pour les autres ; de soutenir le travail des associations de défense des droits de l’homme, notamment syriennes, et des ONG internationales ; d’accorder beaucoup plus largement l’asile aux réfugiés syriens et les accueillir dans les meilleures conditions possibles, en apportant aux victimes de la torture l’assistance médicale, psychologique et juridique nécessaire.

Roquette du régime syrien tombée sans exploser près de l'aéroport d'Alep, en 2013. Roquette du régime syrien tombée sans exploser près de l’aéroport d’Alep, en 2013. Photo Aleppo Media Center. AP

 

Parmi les premiers signataires :

Racha Abazied (bibliothécaire) ; Yves Abrioux (université Paris 8) ;Nadia Leila Aissaoui (sociologue) ; Hala Alabdalla (cinéaste) ; Janine Altounian (essayiste) ; Marc Amfreville (psychanalyste, professeur de littérature américaine, université Paris-Sorbonne) ; Emma Aubin-Boltanski (anthropologue, CNRS) ; Igor Babou (anthropologue, université Paris-Diderot) ; Etienne Balibar (professeur émérite de philosophie, université de Paris-Ouest) ; Alice Béja (américaniste, Sciences-Po Lille) ; Annie Benveniste (anthropologue, université Paris 8) ; Sophie Bessis (historienne, IRIS) ; François Bizet (littérature française, université de Tokyo) ; Marcianne Blévis (psychanalyste, Société de psychanalyse freudienne) ; Cécile Boëx (EHESS) ; Luc Boltanski (sociologue, EHESS) ; Irène Bourse (ancienne attachée culturelle) ; Hamit Bozarslan (EHESS) ; Geneviève Brisac (écrivain) ; Fabienne Brugère (philosophe, université Paris 8) ; Anne-Lorraine Bujon (revue Esprit) ; François Burgat (Politologue, université d’Aix-en-Provence) ; André Burguière (historien, EHESS) ; Lina Cabasso ; Gilbert Cabasso (philosophe, mouvement Transitions) ; Claude Calame (anthropologue, EHESS) ; Dominique Cambianica (présidente du Comité d’aide humanitaire au Peuple syrien) ;Antoine Cazé (professeur, Vice-président relations internationales, université Paris Diderot) ; Jean-Paul Chagnollaud (professeur des universités, président de l’iReMMO) ; Dominique Choquet (retraitée de l’Education nationale) ; Daniel Cohn-Bendit (député européen) ; Catherine Coquio (université Paris Diderot) ; Marc Crépon (philosophe, ENS) ; Leyla Dakhli (universitaire, centre Marc Bloch) ; Marie-Thérèse Davidson (écrivain) ; Géraud de la Pradelle (juriste) ; Sonia Delmas (enseignante) ; Frédérik Detue (comparatiste, université de Poitiers) ; Jean-Philippe Domecq (écrivain) ; Jacques Donzelot (sociologue) ; Gilles Dorronsoro (professeur, université Panthéon-Sorbonne) ; Andrée Duprat (écrivain) ; Mathias Enard, auteur de Boussole, prix Goncourt 2016Christine Feltin (ingénieur, CEA) ; Geneviève Fraisse (philosophe, CNRS) ; Nadine Fresco (historienne) ; Claire Gallien (université Paul Valéry Montpellier 3) ; Antoine Garapon (IHEJ, revue Esprit) ; José Garçon ; Henri Garric (professeur de littérature comparée, université de Bourgogne) ; Anne Georget (réalisatrice) ; Emilie Glasman (architecte) ; Irène Goldstein (Collectif des Amis d’Alep) ; Agnieszka Grudzinska (professeur d’études polonaises, université Paris-Sorbonne) ; Bernard Gur (enseignant, lycée) ; Laurence Hansen-Löve, professeur de philosophie ; Florence Hartman (journaliste) ; Moiffak Hassan (spécialiste pétrolier) ; Pierre Hassner (spécialiste des relations internationales) ; Isabelle Hausser (écrivain) ; Françoise Héritier (anthropologue, Collège de France) ; Paul Herman (journaliste, Bruxelles) ; Pierre-André Hervé ; Marianne Hirsch (professeur de littérature, Columbia University) ; Sarah Houssin-Dreyfuss (éditrice) ; Dick Howard (philosophe, Stony Brook University) ; Joël Hubrecht (IHEJ) ; Leiris Javault (journaliste) ; Alain Joxe (chercheur EHESS) ; Salam Kawakibi (Arab Reform Initiative) ; Annick Kouba (psychanalyste, Comité européen Droit, éthique et psychiatrie) ; Françoise Lavocat (professeur de littérature comparée, université Paris 3) ; Marc Lebeau (archéologue, Bruxelles) ; Guillaume Le Blanc (philosophe) ; Martine Leibovici (université Paris-Diderot) ; Christian Léomant (sociologue, retraité CNRS) ;Elisabeth Longuenesse (sociologue arabisante, Lyon) ; Ivan Lovrenovic (écrivain, Sarajevo) ; Daniel Lindenberg (revue Esprit) ; Marielle Macé (directrice de recherche, CNRS) ; Ziad Majed (politologue, AUP) Edith Mandin ; Philippe Mangeot (enseignant) ; Farouk Mardam Bey (écrivain et éditeur) ; Jean-Pierre Martin (psychiatre) ; Hélène Merlin-Kajman (professeur de littérature, université Sorbonne Nouvelle-Paris 3) ; Franck Mermier (anthropologue, CNRS) ; Vincent Message (professeur de littérature, écrivain, université Paris 8 Saint-Denis) ;Marie-Pascale Mignon (professeur de lettres) ; Patrick Mignon (sociologue, revue Esprit) ; Olivier Mongin (revue Esprit) ; Jean-Claude Monod (philosophe, CNRS/ENS) ; Marie-Rose Moro, ethno-psychiatre ; Michel Morzière (président d’honneur de Revivre) ; Claude Mouchard (universitaire et traducteur) ; Khaldoun Nabwani, philosophe ; Véronique Nahoum-Grappe (anthropologue, EHESS) ; Boris Najman (économiste, UPEC) ; Valentina Napolitano (politologue EHESS) ; Bertrand Ogilvie (philosophe, université Paris 8) ; Valérie Osouf (réalisatrice) ; Marie Peltier (historienne) ; Bernard Perret ; Martyne Perrot (sociologue, EHESS), Hélène Picard (Paris Dauphine) ; Thomas Piketty (économiste, EHESS) ; Nenad Popovic (écrivain, Zagreb) ;Jean-Yves Potel (chercheur, université Paris 8) ; Arthur Quesnay (Paris Panthéon-Sorbonne) ; Zahia Rahmani (écrivain, NYU) ; Richard Robert, éditeur ;Anne Roche (université Aix-Marseille) ; Joël Roman (philosophe, revue Esprit) ; Nathalie Roussarie (historienne) ; Christophe Ruggia (cinéaste) ;Perrette Salon (psychologue) ; Véronique Salou Olivares (écrivain) ; Tiphaine Samoyault (professeur de littérature, Paris 3) ; Jean-Louis Schlegel (revue Esprit) ; Lucile Schmidt (Fondation pour l’écologie politique) ; Olivier Schwartz (sociologue, université Paris Descartes) ; Leïla Seurat (politologue, CERI) ; Gérald Sfez (professeur honoraire de philosophie en Première Supérieure) ; Didier Sicard (professeur de Médecine, Comité d’éthique) ; Nicole Sotteau-Léomant (sociologue, retraitée CNRS) ; Jean-Charles Szurek (directeur de recherche émérite au CNRS) ; Alexis Tadié (professeur, université de Paris-Sorbonne) ; Giovanna Tanzarella (iReMMo) ; Etienne Tassin (philosophe, université Paris-Diderot) ; Nadia Tazi (philosophe, éditrice) ; Emmanuel Terray (anthropologue, EHESS) ; Carine Trevisan (professeur de littérature, université Paris-Diderot) ;Yves-Alexandre Tripković (plateforme artistique Theatroom) ; Avram Udovitch (historien islamologue, université de Princeton) ; Alain Umhauer (artiste dramatique et auteur) ; Lucette Valensi (historienne, EHESS) ; Laure Vermeersch (documentariste) ; Leïla Vignal (géographe, université d’Oxford) ; Régine Waintrater (psychanalyste,  université Paris Diderot) ; Georges Waysand (physicien et historien, CNRS) ; Emmanuel Wallon (professeur de sociologie politique, université Paris-Nanterre) ; Frank Westerman (journaliste et écrivain) ; Michel Wieviorka (sociologue, EHESS) ; Frédéric Worms (philosophe, ENS) ; Pierre Zaoui (philosophe, revue Vacarme)…