Assad noie dans le sang Daraya, berceau syrien de la non-violence – par Jean-Pierre Filiu
Daraya, ce sont deux cent mille Syriennes et Syriens. Daraya, c’est une banlieue du sud-ouest de Damas, à l’avant-garde de la contestation pacifiste contre le régime de Bachar al-Assad.
Daraya, c’est aujourd’hui un nouveau nom sur une liste déjà trop longue. La liste des massacres perpétrés en toute impunité par l’armée gouvernementale et ses milices supplétives.
Daraya est en effet la cible, depuis le 22 août, d’une offensive punitive des troupes encore fidèles au despote. Là comme ailleurs, elles ont débuté par un pilonnage indiscriminé de zones résidentielles, avant un ratissage méthodique, appuyé par les blindés. Ces images, tournées le 25 août, illustrent bien ce mode opératoire.
Les comités de coordination, qui structurent le soulèvement syrien depuis mars 2011, affirment que 633 personnes ont d’ores et déjà été tuées à Daraya, dont plus de 300 dans la seule journée du 24 août.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme parle, depuis le Royaume-Uni, d’au moins 320 morts. Ces chiffres sont absolument invérifiables, vu l’interdiction par le régime de toute mission indépendante sur place.
La seule certitude, c’est que des dizaines, voire des centaines de victimes civiles sont tombées dans les bombardements aveugles de Daraya et dans les liquidations qui les ont suivis. Ce carnage s’inscrit dans une escalade généralisée de la violence par un régime qui, se sachant incapable de reprendre pied dans les zones désormais libérées par la révolution, se venge contre les populations encore à sa merci.
Pour mesurer l’ampleur de cette sauvagerie, il faut rappeler que Daraya est le berceau syrien de la non-violence. L’imam local, Abdelakram Saqqa, est un disciple du cheikh Jawdat Saïd, pour qui « la violence, c’est le démon ».
Durant tout le printemps 2011, les manifestants de Daraya brandissaient des rameaux d’oliviers et scandaient « Silmiyyé, silmiyyé » (Pacifique, pacifique).
Le régime syrien a traité Daraya avec sa barbarie coutumière. Le cheikh Saqqa a été embastillé en juillet 2011 et, deux mois plus tard, Ghyath Matar, un pacifiste convaincu de 26 ans, très actif dans le comité local de coordination, est enlevé par les services de renseignement de l’armée de l’Air, la plus redoutable des polices politiques de la galaxie Assad. Son corps, torturé à mort, est livré quelques jours plus tard à sa famille.
Depuis ce meurtre, les manifestations sont réprimées à Daraya, avec toujours la même brutalité, les troupes se comportent en armée d’occupation, infligeant châtiments collectifs et sanctions pour l’exemple. Mais un nouveau degré dans l’horreur a été franchi à Daraya depuis quelques jours.
Le monde entier s’est ému lors du massacre de Houla, le 25 mai 2012. Un bilan minimal de 108 civils tués, dont 24 femmes et 49 enfants, a été établi par l’ONU. Nul ne sait si on connaîtra un jour le nombre réel des victimes à Daraya.
On peut en revanche être assurés que la propagande Assad martèlera une fois de plus qu’il s’agit d’une opération légitime contre les « bandes terroristes ». Les bourreaux laissés les mains libres dans Sabra et Chatila, en septembre 1982, clamaient déjà qu’ils traquaient des « terroristes » infiltrés.
Sabra et Chatila, Houla et Daraya. Au soir de Sabra et Chatila, François Mitterrand dénonçait « le massacre des innocents » qui « bouleverse la conscience universelle ».
Paix aux morts de Daraya. Paix à tous ceux qui vont encore tomber avant la fin du cauchemar Assad.
source: blogs.rue89.com/jean-pierre-filiu/2012/08/26/assad-noie-dans-le-sang-le-berceau-syrien-de-la-non-violence-228254-0