« La dame de Damas », une chanson pour la Syrie
Jean-Pierre Filiu | Universitaire
Des riverains ont sans doute remarqué « Une vie de moins », une chanson écrite pour Zebda et consacrée à Gaza. Je fus alors vilipendé par certains pour avoir parlé des enfants de là-bas comme des enfants de chez nous, émouvants et fragiles. La polémique s’est dissipée et la chanson demeure, en hommage aux sans-grade, éternels oubliés.
Des amis me proposèrent alors d’évoquer de mes mots les Syriennes et les Syriens en lutte pour leur liberté ; voici comment vit le jour cette « Dame de Damas ». Un réfugié syrien a pris son oud pour l’accompagner sur France Culture. Et Sapho lui a offert sa voix lors de la Journée de solidarité avec la Syrie [PDF] à l’Institut du Monde Arabe.
Quiconque est touché par ce texte est libre de s’en emparer, car la dame de Damas lui appartient. Et que vive la Syrie libre.
Je suis né sous le père, j’ai grandi sous le fils
J’ai dû chanter leur gloire, j’ai enduré leurs vices
Jamais de jamais je n’aurais cru voir leur fin
Jamais de jamais je n’aurais cru vivre enfin
Ce fut une longue nuit, longue de quarante ans
Ce fut l’ère du mensonge, le règne des brigands
J’ai perdu mes amis, j’ai langui mes parents
J’ai ruminé ma peine, j’ai enterré l’instant
La dame de Damas s’est levée ce matin
Liberté dans les cœurs, aube à portée de main
Ce ne sont pas des lions, ce ne sont que des chiens
Aboyeurs enragés, ivres de leur venin
La Syrie leur est due et nous sommes leurs serfs
Un pays aux Assad, et pour nous la misère
Nous n’étions que deux cents quand le mur est tombé
Le mur de cette peur longtemps accumulée
Un cri de nos poitrines en écho a vibré
Nous ne voulons que Dieu, Syrie et liberté
La dame de Damas s’est levée ce matin
Liberté dans les cœurs, aube à portée de main
C’était au mois de mars, deux mille onze est l’année
Nous n’étions que deux cents, sur nous ils ont tiré
Cette armée surarmée ne sait qu’est la pitié
D’un vendredi à l’autre nous devînmes des milliers
Il portait un couffin vers la ville assiégée
Les marches étaient de paix en rameaux d’oliviers
Il n’avait que treize ans, ils l’ont défiguré
Hamza est son prénom de toute éternité
La dame de Damas s’est levée ce matin
Liberté dans les cœurs, aube à portée de main
C’est une guerre civile, martelait le tyran
De sa voix haut perchée de bourreau négligent
Le concert des nations endossa le postiche
Remplissez les charniers, on ne prête qu’aux riches
Les mots pâlissent face à ce fracas d’horreur
Carnages et maisonnées emportées avant l’heure
Gare aux dénonciateurs frémit chaque Syrien
Les fantômes torturent au nom d’Assad ou rien
La dame de Damas s’est levée ce matin
Liberté dans les cœurs, aube à portée de main
Abandonnés du monde, nos larmes étaient de sang
Toujours porter le deuil, râles jetés au vent
Pourtant oui tenir bon, résister résister
Peu à peu progresser, et l’étau desserrer
Mais tout a une fin, même la barbarie
Nous en tremblons le jour, nous en rêvons la nuit
Dans leur haine sans fond, ils veulent nous plonger
Nous serons plus forts qu’eux, nous saurons pardonner
La dame de Damas s’est levée ce matin
Liberté dans les cœurs, aube à portée de main
Cette dame je la chante, c’est la Révolution
Sur les murs de Syrie j’écris partout son nomSource : http://www.rue89.com/rue89-culture/2013/02/25/la-dame-de-damas-une-chanson-pour-la-syrie-240025
Date : 25/02/2013