La France et la question syrienne par Par Omar Alassad
La France et la question syrienne
par Omar Alassad traduit pour Souria Houria par R.S.
Une nouvelle rencontre des « Dimanches de Souria Houria » animée par l’écrivain et éditeur syrien Farouk Mardam Bey dont le titre est « la France et la question syrienne ». Cette rencontre a rendu hommage au chercheur et diplomate français Vladimir Glasman connu pour ses positions en faveur de la révolution syrienne et son soutien au peuple syrien.
La réunion a commencé par l’hommage de la romancière et écrivain Isabelle Hausser, elle s’est remémoré les positions du défunt Glasman. L’absence d’un des participants à la rencontre M. Jean-Paul Chagnollaud a été comblé par Ignace Dalle écrivain, journaliste, a longtemps travaillé au Moyen-Orient et fut un des proches de Glasman. Il est l’auteur du premier livre paru en français sur la Syrie à l’époque de Assad père et il a également écrit deux livres sur le Maroc en particulier.
Dalle avait travaillé avec Vladimir Glasman dernièrement en collaboration sur un nouvel ouvrage sur la Syrie, profitant de l’expérience accumulée par ce dernier durant les longues années ou Glasman a travaillé en tant que diplomate à Damas, et de sa profonde connaissance de la nature des relations franco syriennes surtout pendant la période délicate de passation du pouvoir au fils Assad suite au décé de son père en 2000. Dalle a signalé les initiatives françaises pour aider le système à se reformer, durant cette période de transition, surtout dans le domaine administratif et qui ont échoué à cause de la fermeture du système et de son manque de souplesse face à de telles initiatives.
Il a également évoqué la coopération franco syrienne au conseil des Nations Unies durant la guerre d’Iraq en 2003, guerre à laquelle la France s’est opposée aux Etats Unis ce qui a permis aux politiques étrangères des deux pays de se croiser face à la politique étrangère des néoconservateurs qui gouvernaient les Etats Unis du temps de Bush fils.
Dalle a rappelé le changement des relations franco syriennes après l’assasinat de l’ex premier ministre libanais Rafic Hariri, ami personnel de l’ex président français Jacques Chirac, suivi de la résolution 1559 du conseil de Sécurité, et le fait de faire porter au régime syrien la responsabilité de cet attentat et des autres attentats qui ont eu lieu au Liban.
Avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir succédant à Chirac commence un début de rapprochement entre la France et le régime syrien se basant sur un ensemble de changements et de développements régionaux, dont le rôle de soutien au régime syrien qu’a joué le Qatar et le rôle d’intermédiaire de différents acteurs libanais, suivi de l’élection du président libanais Michel Souleiman et l’échange diplomatique entre la Syrie et le Liban avec l’ouverture d’ambassades respectives à Beyrouth et Damas. Tous ces éléments ont contribué au rapprochement entre la France et le régime syrien surtout que Sarkozy tenait à se démarquer de certaines positions de son prédécesseur dans le domaine de la politique étrangère de la France au point d’inviter Assad fils aux festivités du 14 juillet. Tout ceci a fait partie des critiques de Dalle en évoquant la politique de Sarkozy.
Ignace Dalle a également parlé de la nature des relations politiques et économiques propre au régime syrien, en particulier celles de la famille au pouvoir et son alliance avec les autres familles: Makhlouf « oncle du President fils » et Akrass « famille de son épouse Assma » et d’autres.
De son côté la chercheuse et spécialiste en Histoire Contemporaine du Monde Arabe et qui occupe le poste de chercheur associé à l’Institut de Recherche Stratégiques de l’Ecole Militaire, Manon-Nour Tannous a parlé de la nature des relations franco syriennes en essayant de présenter une vision générale de cette relation pendant les 30 dernières années.
Tannous a pris pour exemple l’assassinat de l’ambassadeur de France au Liban en 1981, pendant les premières années de la présidence de François Mitterand et a considéré que cet incident ou le régime syrien a été l’accusé principal est passé sans une prise de position ferme vis à vis de ce régime, bien au contraire, les relations franco syriennes continuaient de façon normale et donnait l’apparence « de message amicaux » à ce régime, couronné par la visite du President Mitterand à Damas en 1984.
Tannous a signalé la continuité de la même politique française vis à vis de la Syrie après l’arrivée de Jacques Chirac au pouvoir malgré la différence d’appartenance et de parti politique des deux présidents français. D’après elle Chirac a suivi la même ligne politique de son prédécesseur vis à vis de la Syrie qui serait « l’importance du rôle régional que joue ce pays dans cette région du monde et sa capacité à maintenir la stabilité ». Partant de ce principe s’explique la présence française durant la passation du pouvoir en 2000 suite au décé de Assad père et la volonté de permettre à la nouvelle génération de prendre le pouvoir afin de barrer la route à des force politiques qui inquiètent Paris, et plus précisément aux « frères musulmans », susceptible de s’accaparer du pouvoir et de conduire la politique du pays.
Le deuxième point relevé par Tannous dans l’histoire des relations franco syriennes c’est le processus d’Oslo entre palestiniens et israéliens, suivi par le retrait de la Syrie, puis du Liban, de ces discussions avec les israéliens et c’est le sujet qui préoccupait le plus les français dans le dossier syrien et le rôle de la Syrie dans la région.
Le dernier point des relations franco syriennes évoqué par Tannous se sont les relations économiques et l’intérêt particulier de la France à l’époque de la présidence de Nicolas Sarkosy pour la Syrie puisqu’il cherchait la possibilité de developper ces relations avec ce pays. Cet intérêt a été traduit à travers deux visites du vice premier ministre de l’économie syrien à Paris en 2008 et 2010, suivi d’une visite du Premier Ministre français en Syrie en 2010.
Tannous trouve que durant la révolution syrienne la position de la France a été influencé par l’évolution de la révolution tunisienne fin 2010 et le Printemps Arabe en général ainsi que par les rapports et correspondances reçu au Ministère des Affaires Etrangères sur la situation syrienne fournit par sa délégation diplomatique sur le terrain à Damas. La nature de l’événement syrien n’était pas claire à ce moment là jusqu’au début de mai 2011 ou les manifestations pacifiques dans plus d’une ville ont poussé le gouvernement français à prendre une position claire vis à vis du régime. C’est à ce moment que la France a commencé par interpréter la crise syrienne en tant que manifestation populaire face à un dictateur au pouvoir.
Tannous a également évoqué les relations entre la France et l’opposition syrienne sous toute ses formes surtout qu’une grande majorité de cette opposition syrienne est connu de la diplomatie française et certains de ces membres sont résidents en France. Elle a également rappelé une série de déclaration du quai d’Orsay et du Président français sur le départ d’Assad et la position de la France après le massacre à l’arme chimiques en 2013.
A son tour l’écrivain et journaliste français Denis Sieffert, directeur de l’hebdomadaire Politis a parlé de la réalité de la gauche française et de la différence de ses positions vis a vis de la révolution syrienne, considérant que cette révolution a profondément divisé les différents mouvements de gauche et a conduit à des opinions très contradictoires vis à vis de ces événements.
Il a également signalé l’existence de deux lectures des événements de la révolution syrienne, la première considère le peuple syrien comme élément et acteur principal dans les événements de la révolution, il est la principale victime de la tragédie engendré par la violence du régime, l’autre lecture penche vers la géopolitique et les politiques stratégiques qui voit en Syrie une des crises politiques mondiales ce qui veut dire qu’il faut la comprendre dans le cadre ou avec d’autres problématiques et crises sur la scène internationale, comme le conflit entre l’occident et la Russie ou le conflit en Ukraine et d’autres considérations qui n’ont rien à voir avec la réalité syrienne.
Une grande partie de la gauche française a adopté cette lecture idéologique de la question syrienne et qui considère que l’axe Poutine Assad et leurs alliés sont une partie essentielle de la lutte contre Israel, contre le sionisme et contre la politique des Etats Unis dans la région.
Sieffert a considéré que l’émergence du djihad sur la scène syrienne, surtout à travers l’organisation de l’état islamique « Daech », a beaucoup contribué à l’interprétation du conflit syrien en tant qu’un combat entre l’organisation djihadiste et le régime d’Assad.
Sieffert a également critiqué le discours sur la laïcité qui cherche à soutenir le régime syrien. Il s’est moqué de ceux qui considèrent ce régime comme laïc et capable de résister aux djihadistes, il a considéré qu’une partie de ce discours cherche uniquement à faire opposer la laïcité à l’islam ce qui rappel les positions de l’extrême droite française, considérant que ce discours se termine, au mieux, par reconnaitre que Bachar Al Assad est un moindre mal comparé aux groupes djihadistes.
Il a également critiqué les positions de de la gauche française en citant les déclarations de célèbres hommes politiques de gauche sur la crise syrienne, surtout ceux qui font le lien entre les Etats Unies et sa manipulation des événements en Syrie et de son utilisation du peuple syrien pour réaliser ses intérêts. Il considère que c’est une façon d’occulter le peuple syrien et sa révolution et de considérer ce peuple comme une marionnette que les Etats Unies anime comme bon lui semble ce qui est en parfaite opposition avec les principes fondamentaux de la gauche et de sa politique générale.
Les réunions des « Dimanches de Souria Houria » continuent. La prochaine aura lieu le 25 octobre 2015.
فرنسا والقضية السورية – عمر الأسعد