LES RESSOURCES SÉCURITAIRES DU RÉGIME EN SYRIE – par Wladimir Glasman

Article  •  Publié sur Souria Houria le 1 décembre 2014

Suite aux deux précédents billets “Les composantes idéologiques de la révolte armée syrienne” (16/10/2013) et La vidéo comme outil de publicisation et de coordination de l’action collective…(03/12/2013), les carnets de l’Iremampublient un nouvel extrait de l’ouvrage Pas de Printemps pour la Syrie. Acteurs et défis de la crise 2011-2013, dirigé par François Burgat et Bruno Paoli, aux éditions La Découverte. D’autres “bonnes feuilles” de l’ouvrage sont également consultables sur lesCarnets de l’Ifpo. Nous remercions les éditions La Découverte pour leur aimable autorisation. Les illustrations figurant dans ce billet sont extraites de la page d’Ali Farzat (La rédaction).

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Ouvrage Burgat Paoli Pas de printemps pour la SyrieL’étroit maillage tissé au sein de la société par les différents services de renseignement et de sécurité (moukhabarat) constitue la première ressource du régime de Bachar al-Assad. Il a permis à ce dernier, comme à son père avant lui, de se maintenir au pouvoir, y compris au cœur de la crise que traverse le pays depuis mars 2011. En quelques années, ces services se sont substitués à la colonne vertébrale politique du régime que représentait, en théorie, le parti Baas, auquel l’article 8 de la Constitution de 1973 accordait la fonction de « dirigeant de l’État et de la société ». Les militants du Baas, omniprésents, avaient toujours coopéré avec les services de sécurité pour accréditer la moindre des nominations, au sommet de l’État comme aux différents échelons de la fonction publique. Entre 1982 et 1985, cependant, le régime a tiré les enseignements de la période troublée du soulèvement et de la répression de Hama2. Il a constaté que ce n’était pas le parti, mais bien les services de renseignement (SR) et l’armée, qui lui avaient permis de surmonter l’épreuve et que les tensions liées à la succession au sommet de l’État (la compétition entre Hafez al-Assad et son frère Rifaat) exigeaient de s’appuyer sur des éléments plus sûrs que les membres du parti.

Le rôle central des services de renseignement

L’armée, suite à la guerre de 1973, d’une part, et après la confrontation avec Israël au Liban en 1982, d’autre part, avait été recentrée sur le rôle théoriquement dévolu à la seule Garde républicaine : la défense, non du territoire, mais du seul régime. Elle devait constituer l’instrument principal du projet de Hafez al-Assad de léguer le pouvoir à l’un de ses fils, Bassel d’abord, Bachar ensuite. Pour dissuader les officiers généraux d’interférer et de peser dans les questions politiques, le chef de l’État laissait ces derniers – quand il ne les y encourageait pas – détourner les ressources de l’institution et se livrer aux trafics les plus divers, en Syrie et au Liban.

Parallèlement, les services de renseignement ont vu leurs domaines d’activité s’étendre à l’ensemble de la vie quotidienne des simples citoyens. Il fallait obtenir l’aval des moukhabarat pour la moindre décision de la vie courante, qu’il s’agisse de créer une entreprise ou d’ouvrir un modeste salon de coiffure, de marier un enfant ou de donner des cours particuliers à domicile, de changer de lieu de résidence ou d’embrasser l’islam. Cette situation est devenue source d’enrichissement pour les agents de ces services, de la base au sommet, puisque ce qui pouvait être autorisé de manière légale était obtenu plus sûrement et plus rapidement en accordant à ceux qui détenaient la décision la gratification explicitement ou implicitement sollicitée. L’une des rares réformes de Bachar dans ce domaine fut de tenter, mais sans succès, de limiter le champ d’application de cet agrément préalable. Le décret pris en ce sens ne fut jamais véritablement appliqué.

L’abandon par le Baas de ses prérogatives au profit des moukhabaratest illustré par le fait que, de 1985 à 2000, le parti n’ait pas été réuni une seule fois en congrès. En 2000, lorsqu’il fut enfin convoqué, ce ne fut pas pour lui permettre de réaffirmer son rôle. Il s’agissait uniquement de propulser Bachar à la fonction de « secrétaire régional » (c’est-à-dire syrien, dans la terminologie du parti) qui lui permettrait de prétendre à la succession de son père à la présidence de la République.

La structuration en plusieurs branches des SR s’est faite progressivement :
– la plus importante d’entre elles est la Sécurité militaire (al-amn al-‘askari), à la tête de laquelle se sont succédé, depuis la mise à la retraite du général Ali Douba en 1999, les généraux Hassan Khalil (2000-2005), Assef Chawkat (2005-2009) et Abdel-Fattah Qoudsiyé (depuis 2009) ; elle dispose d’une branche « Palestine » spécifique, parfois considérée comme autonome, dont la mission est de surveiller l’activité des Palestiniens, aussi bien au Liban qu’en Syrie ;
– Hafez, qui était un aviateur, a voulu doter son arme d’origine d’un service autonome, al-amn al-jawwi (Sécurité aérienne) oumoukhabarat jawwiyé, entièrement à sa dévotion ; son importance n’a pas tardé à s’affirmer, du fait de la proximité avec le chef de l’État du général Mohammed al-Khouli, son chef inamovible jusqu’en 1987 (alors officiellement remplacé par Ibrahim Houwaïjeh mais continuant à avoir la haute main sur ce service jusqu’à la fin des années 1990), et en raison de ses attributions qui en faisaient une sorte de « service action » pour les interventions à l’étranger ;
– la Sécurité générale (al-amn al-‘amm), ex-Sécurité d’État (amn aldawla), équivalent des anciens Renseignements généraux français, dépend, en théorie, du bureau de la sécurité nationale du commandement régional du parti Baas, mais est en réalité directement rattachée au chef de l’État. De 2005 à 2010, son directeur a été le général Ali Mamlouk (Muhammad Dib Zaitoun depuis juillet 2012) ;
– la Sécurité politique (al-amn al-siyassi), administrativement rattachée au ministère de l’Intérieur, surveille enfin plus particulièrement les activités des opposants et des résidents étrangers.

Comme partout en Syrie, l’autorité détenue par les directeurs en titre est battue en brèche par les liens de proximité, réels mais parfois simplement supposés, entretenus par certains de leurs subordonnés avec la famille al-Assad. Ainsi le colonel Hafez Makhlouf, frère cadet de l’homme d’affaires Rami Makhlouf, chef de la branche Jisr al-Abiad de la Sécurité d’État à Damas, était-il au moins aussi puissant et redouté que son supérieur hiérarchique, le général Ali Mamlouk. Ce dernier commandait l’ensemble du service, mais pouvait difficilement imposer son autorité à celui qui était d’abord et avant tout un cousin maternel du chef de l’État. Il en allait de même du général Atef Najib, lui aussi lié à la famille présidentielle par sa mère, dont l’influence à Deraa, au début du soulèvement, à la mi-mars 2011, excédait largement son poste de chef local de la Sécurité politique.

Les relations que les services entretiennent entre eux sont complexes. Hafez al-Assad les avait placés dans une dynamique de complémentarité, mais celle-ci ne supprimait pas toute compétition, bien au contraire. Tel service peut donc occuper le devant de la scène pendant un certain temps, pour laisser ensuite sa place à un autre, soit parce qu’il est jugé plus performant, soit parce qu’il paraît opportun de réduire l’importance de son directeur ou de le soustraire aux regards. Après les failles sécuritaires ayant permis aux Israéliens en quelques mois de détruire le réacteur nucléaire d’al-Kabar en voie de construction (septembre 2007), d’assassiner à Damas le chef des services de sécurité du Hezbollah, Imad Moughniyé (février 2008), et de liquider sur la plage de Tartous le conseiller militaire et sécuritaire du chef de l’État Mohammed Sleiman (août 2008), Assef Chawkat, mari de Bouchra, sœur aînée de Bachar, a perdu une partie de la confiance dont il bénéficiait. La Sécurité militaire qu’il dirigeait a été supplantée par la Sécurité d’État d’Ali Mamlouk, un sunnite dont la famille est originaire du Sandjak d’Alexandrette (liwa Iskanderoun), sans aucune base politique ou sociale personnelle. À la différence de Chawkat, Ali Mamlouk dépendait entièrement de sa relation avec le pouvoir, qui pouvait à tout moment, s’il le jugeait nécessaire, le « laisser tomber » au plein sens du terme.

La surenchère dans l’efficacité et dans la recherche de la satisfaction du chef de l’État a un coût induit : le mauvais niveau de coopération entre les services, davantage portés à se surveiller les uns les autres qu’à mettre en commun leurs ressources et leurs moyens. Tel citoyen interrogé pendant une semaine par les renseignements militaires avant d’être libéré peut être immédiatement invité à « prendre une tasse de café », selon la formule consacrée pour les convocations, au siège d’un service concurrent, où l’on espère seulement savoir… pourquoi il a été précédemment détenu et quelles questions lui ont été posées (voir dans l’encadré ci-après le témoignage du jeune manifestant Abu Bahar).

Une autre spécificité des services syriens tient dans l’espèce de « droit de suite » dont ils disposent hors du champ théorique de leurs compétences. Au milieu des années 2000, les effectifs estimés des services étaient pléthoriques, avec 65 000 agents à plein temps et des centaines de milliers à temps partiel, soit un agent pour 257 habitants, ou un pour 153 citoyens au-dessus de quinze ans. Une opération de restructuration a été envisagée pour améliorer l’efficacité des services en redéfinissant leurs compétences, mais n’a jamais véritablement abouti.

L’armée est, elle aussi, contrôlée par les services, qui disposent d’informateurs à tous les niveaux de la structure. Les casernes et les bureaux des différentes armes ont longtemps été gardés, de manière ostensible, par des agents des services de renseignement qui, installés face à leurs entrées, doublaient les gardes statiques et contrôlaient la fréquentation et l’animation des lieux. Mais ce contrôle des SR sur l’armée ne signifie pas que l’institution desmoukhabarat soit plus puissante que l’institution militaire, qui détient seule les armes lourdes capables de faire la différence. Dans la répression menée depuis 2011 contre le peuple syrien, la dualité des tâches apparaît avec netteté : l’armée pénètre en force dans les villes pour ouvrir la voie aux SR et leur permettre de faire leur travail de répression au plus près du terrain, en arrêtant, interrogeant, torturant et éliminant.

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Abu Bahar : l’imaginaire de la répression*

Dans le large spectre des motivations qui ont poussé les opposants dans la rue, puis les y ont maintenus face à une répression croissante, le repoussoir des pratiques répressives du régime tient une place privilégiée. Pour nombre de jeunes activistes, l’option répressive a très vite décrédibilisé toute issue réformiste. Et elle est entrée en résonance avec une histoire familiale d’abord, personnelle ensuite, jalonnée d’arbitraire [F. B.].

Ma première manifestation, je l’ai faite en juin 2011 lors de la manifestation dite « des intellectuels ». Avant, j’aidais à l’organisation sur Facebook. Depuis 2008, j’avais un compte, grâce aux proxys qui permettaient de contourner l’interdiction. Mais on n’y parlait pas politique. C’est avec les événements de Tunisie et d’Égypte que la politisation a commencé. Même si j’avais été du côté du régime, je pense que la première goutte de sang m’aurait fait changer de camp. Avant le premier discours de Bachar de mars 2011, j’espérais qu’il allait donner une solution à la crise.

On attendait qu’il fasse au moins allusion à tous les morts, qu’il demande une minute de silence, qu’il ait un geste de respect et d’apaisement, par exemple en annonçant la fin de l’état d’urgence. Mais il ne s’est rien passé de tel ! Comment respecter un tel président ? En Israël, si un seul prisonnier est relâché par les Palestiniens, tout le pays s’arrête. En Syrie, des centaines de personnes sont tombées à Deraa et lui, imperturbable, il a gardé le sourire. On se serait cru à la foire d’Oukaz3 : dans une intervention d’à peine une heure, les applaudissements l’ont interrompu plus de quarante-deux fois. L’un des députés s’est même écrié : « La Syrie est trop petite pour toi, c’est le monde qu’il faut que tu diriges ! »

Je suis né en 1991 à Damas, le troisième de quatre enfants (dont une sœur) d’un père commerçant, sunnite, d’origine jordanienne, établi à Homs dans le quartier de Bab al-Sabah. Ma mère était fonctionnaire. […] J’ai été élève de l’« école laïque » de Damas (aujourd’hui École Bassel al-Assad !). Je voulais étudier le théâtre, mais j’ai dû me rabattre sur le tourisme et l’hôtellerie. Puis j’ai pris quelques cours privés de théâtre (en 2010), mais j’ai dû renoncer, faute de moyens, à aller suivre des cours en Égypte.

Les membres de ma famille ont toujours milité pour des idéaux de justice et de vérité. Mon oncle, Rafic Hammami, avait un proche qui avait été un pionnier de l’aviation militaire. En 1983, le jour du premier anniversaire du dernier de ses trois enfants, alors qu’il était attablé en famille, le service de sécurité de l’armée de l’air l’a appelé. Il s’est rendu sur son lieu de travail. Personne ne l’a plus revu ensuite. Au bout de sept ans, ses parents ont entendu dire qu’il était peut-être encore vivant. Une femme avait réussi à faire sortir une liste de prisonniers à l’occasion de l’allaitement de son fils. Ils ont eu confirmation qu’il était interné dans la prison de l’armée de l’air de Mezzeh. Il est passé ensuite en jugement et il a été transféré dans la terrible prison de Palmyre. Il aurait été interrogé par Mustapha Tlass, le ministre de la Défense, et Hafez al-Assad en personne, accusé d’avoir fait partie d’un groupe préparant un coup d’État. Je me souviens personnellement de la joie de tous le jour de sa sortie, en 2006. Il avait été condamné à vingt ans et il aurait pu être libéré au bout de quinze ans. Mais c’est vingt trois ans de sa vie qu’ils lui ont confisqués. On ne le reconnaissait pas. Il a retrouvé le fils qu’il avait quitté alors qu’il n’avait qu’un an. Il est resté depuis sous surveillance très étroite.

D’autres souvenirs m’ont touché, plus personnellement cette fois. En 2000, mon oncle Bachar, qui travaillait comme imam au Pakistan, est rentré en Syrie. L’un des services de sécurité, celui que l’on appelle Fara’ Filastin, l’a convoqué. Il a tardé à revenir. On est donc parti à sa recherche. On nous a dit qu’il avait été relâché et nous n’avons pas eu de nouvelles de lui pendant douze jours. On a appris alors qu’il était à l’hôpital. Il avait été terriblement torturé : ongles, dents et barbe arrachés. Il est resté sept mois hospitalisé. Il était diabétique et aurait dû boire régulièrement. Mais il a manqué d’eau. Il ne s’est jamais remis de cet épisode.

En 2006 – j’avais quinze ans –, c’est moi que Fara’ Filastin a convoqué. Ils sont venus me chercher à l’école dans ma tenue de lycéen. Ils m’ont enfermé dans un endroit très curieux. Une pièce/coffre de 1,70 m de long et de 60 cm de hauteur seulement où il fallait rester accroupi. Il y avait une lumière rouge très faible et le bruit de gouttes d’eau qui tombaient sur la paroi. Ils me sortaient deux fois par jour pour aller aux toilettes. J’ai perdu la notion du temps. En sortant, je croyais que j’étais resté douze jours. J’étais là en fait depuis dix-sept jours. J’ai été accusé de « diffuser les publications d’un groupe interdit » (jama’a mahzoura). En fait, je vendais des T-shirts, importés de Thaïlande, imprimés au nom de groupes musicaux interdits. J’ai été libéré contre la promesse de ne plus travailler dans ce secteur.

En 2008, mon oncle Amir a eu un différend avec le gouverneur de Homs, qui était un proche ami de Bachar. Il était très puissant. Mon oncle, qui était directeur du service foncier du gouvernorat, a commis l’imprudence de vouloir l’empêcher de s’approprier illégalement des terrains. Alors le gouverneur l’a fait accuser lui-même d’une telle fraude. Sur les documents supposés le confondre, le juge a toutefois reconnu que la signature de mon oncle avait été contrefaite. Sur les seize fonctionnaires qui avaient été arrêtés, lui seul est toutefois demeuré en détention. Et il y est mort. Son corps avait une blessure à la tête. Les autorités de la prison nous ont déclaré qu’« il avait fait une chute ».

* Entretien et traduction de l’arabe par François Burgat, Damas, octobre 2011.

Dessin (A. Farzat)

 

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Le confessionnalisme nié mais omniprésent

Comme le système, l’appareil sécuritaire est tout entier fondé sur le lien d’allégeance et de soumission individuelle au détenteur de l’autorité suprême. Il va de soi que la confiance s’établit plus naturellement avec ceux qui sont proches du pouvoir, par la conviction politique mais aussi par les liens claniques. L’allégeance qui vient d’un alaouite est logiquement plus crédible et plus forte que celle de membres des autres communautés. En réalité, les alaouites n’ont pas vraiment eu le choix, pris en otages à partir de 1970 par le régime de Hafez al-Assad (voir infra, chapitre 8). Ceux qui, au sein du parti Baas, avaient soutenu son concurrent Salah Jadid ont été persécutés, comme l’ont été les socialistes arabes, les communistes et, ultérieurement, les Frères musulmans. De manière générale, l’ascenseur social a mieux fonctionné pour les alaouites que pour la majorité sunnite. Même si le régime ne pouvait – ni sans doute ne voulait – mettre des alaouites partout, leur surreprésentation aux postes clés de l’armée (ils formaient 90 % des effectifs de l’École d’artillerie d’Alep lors du massacre de 1979) et des services est très vite devenue évidente. Ils avaient d’autant plus naturellement investi la profession militaire que les sunnites ne se pressaient pas pour y faire carrière.

Il n’en reste pas moins que la promotion sociale privilégiée d’une partie de la communauté a été évidente sous Assad père et fils. Ainsi, lorsque l’École d’administration nationale fut ouverte en 2006, la surreprésentation des alaouites parmi les lauréats fit craindre un truquage du concours d’entrée. Mais l’explication de ce phénomène était à chercher ailleurs : ayant accédé à l’enseignement supérieur grâce à la réussite professionnelle de leurs parents dans les secteurs qui leur étaient aisément accessibles, l’armée et la sécurité, qui n’avaient besoin ni de capitaux ni de ressources, les jeunes alaouites ont massivement investi l’administration avant de gagner la haute fonction publique et les affaires, plus valorisantes que l’armée.

La préférence confessionnelle représente une caractéristique majeure de la composition de la Garde républicaine, garde prétorienne du régime. Les alaouites y sont majoritaires, de la base au sommet. La présence parmi ses cadres du général sunnite Manaf Tlass, qui commandait un régiment avant sa défection en 2012, est l’exception qui confirme la règle. Il en va de même pour l’encadrement de la 4e division, unité d’élite dotée, comme la Garde républicaine, des matériels les plus sophistiqués, des moyens de transport terrestre et aérien les plus récents et des armes les plus performantes. Si les alaouites n’y sont pas majoritaires, ils y apparaissent extrêmement bien représentés.

L’entourage de Hafez al-Assad n’était pas strictement alaouite. Dans l’armée et les services de sécurité, on trouvait, aux côtés de personnalités aussi puissantes qu’Ali Douba, Ali Haydar, Ali Aslan, Chafiq Fayyad, Ibrahim al-Safi ou Mohammed al-Khouli, un certain nombre de sunnites, comme les généraux Mustapha Tlass ou Hikmat Chehabi. Respectant ceux qui avaient accompagné et facilité sa mainmise sur le pouvoir et qui reconnaissaient en lui leur chef, Hafez al-Assad veillait à les ménager et à prendre leur avis dans leurs domaines de compétence. Comme il le faisait avec Abdel-Halim Khaddam sur les questions de politique étrangère et avec Izzeddin Nasser pour ce qui concernait les travailleurs, il interrogeait Hikmat Chehabi sur les questions militaires et discutait avec Ali Douba des problèmes de sécurité. En 1999, lorsque ce dernier exprima son souhait de prendre sa retraite parce qu’il était en désaccord avec le choix du Président de faire de Bachar al-Assad son successeur, Hafez le laissa partir sans s’offusquer de ce désaveu.

La règle était alors, pour les militaires et les chefs des services de sécurité, une grande longévité dans leurs fonctions. Cette règle a facilité la création de véritables réseaux sur des bases claniques. De manière assez naturelle, la présence au même poste durant plusieurs lustres d’un officier issu d’un village ou d’une tribu déterminés contribuait à attirer vers lui, dans l’armée ou le service où il exerçait, des membres de son clan ou de sa région. Ainsi, le fait que le général Moustapha Tlass ait été ministre de la Défense de 1972 à 2004 a-t-il contribué à rendre attractive la carrière des armes à des dizaines d’hommes de sa ville natale, Rastan, située entre Homs et Hama, qui se voyaient confortés dans l’espoir de faire carrière là où l’un des leurs avait réussi par la promotion de son fils, Manaf Tlass, au sein de la Garde républicaine. Le fort pourcentage de militaires dans la population de la ville n’a toutefois pas suffi à la tenir à l’écart des manifestations. Bien plus que la volonté de faire tomber un régime auquel ils devaient beaucoup, c’est le désir d’être mieux considérés par le pouvoir et traités avec plus de considération par les services de sécurité qui a fait descendre ses habitants dans la rue – à l’été 2013, en dépit de ses efforts, l’armée régulière n’était pas parvenue à reconquérir Rastan : elle était défendue par des hommes dont la guerre était le métier.

Avec l’arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad en 2000, la situation a changé. Celui-ci n’a pas accédé à la présidence au terme d’un parcours politique ou militaire effectué avec des compagnons de route, à qui il serait redevable et qu’il lui faudrait respecter ou ménager. Il a été installé d’autorité, par son père, au sommet de la pyramide institutionnelle, et ne doit donc rien à personne. Mais cette situation a accru son isolement et sa fragilité. Pour prévenir la constitution de fiefs qui pourraient devenir des contre-pouvoirs, il a donc estimé nécessaire de procéder à des nominations et des changements à un rythme élevé, afin que les allégeances n’aillent qu’à sa seule personne.

La réforme en marche en Syrie (© A.Farzart)

Reste qu’entre Hafez et Bachar, on n’observe pas d’évolution structurelle dans l’exercice du pouvoir. Pendant quelques mois, le nouveau président a cru qu’il pouvait laisser s’exprimer la dynamique réformatrice du premier « printemps de Damas ». Mais, autour de lui, les services lui ont rapidement fait comprendre que les revendications étaient susceptibles de remettre en cause les fondements mêmes du fonctionnement de la machine qui l’avait porté au pouvoir. Il est donc revenu aux « fondamentaux » du régime. Dans la pratique, sa sauvagerie « ordinaire » s’est quelque peu atténuée. Bachar a relâché un certain nombre de détenus politiques. Mais le système de la « noria » a vite repris ses droits, de nouveaux prisonniers venant occuper les places laissées libres dans les cellules. L’état d’urgence et les lois d’exception décrétés en 1963 – qui n’ont été supprimés qu’en 2011, après le début de la révolution, pour être remplacés par des lois tout aussi liberticides – ont été appliqués aussi brutalement qu’au temps de son père, le principe de l’impunité des services ayant été renouvelé par Bachar en 2009 : le « ravalement » politique n’était vraiment que de façade.

L’atmosphère générale s’est toutefois un peu détendue. Le pouvoir a concédé de maigres espaces de liberté – accès aux chaînes de télévision étrangères, diffusion d’Internet, multiplication des téléphones portables, etc. –, non pour rendre plus aisée ou plus confortable la vie des citoyens, mais parce que des proches du pouvoir y avaient un intérêt financier immédiat. Le système est demeuré fondamentalement répressif. À trente ans de distance, la réaction du régime a été la même à Deraa en 2011 qu’à Hama en 1982.

Dans ce système, la place du chef de l’État est centrale. Lui seul valide l’ensemble des décisions. C’est la raison pour laquelle il semble très improbable que Bachar, s’il ne fut pas à l’origine de l’ordre d’assassiner l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri en février 2005, n’ait pas été informé du projet. Il en va de même du « suicide » en octobre 2005, assisté ou contraint, de son ministre de l’Intérieur Ghazi Kanaan, qui en savait trop sur cette affaire.

Depuis le début de la crise, en mars 2011, le premier cercle s’est contracté. La sœur de Bachar, Bouchra, dont le mari, Assef Chawkat, avait été promu dans un placard doré à l’état-major avant de disparaître en juillet 2012 dans des circonstances jamais élucidées, a quitté la Syrie avec des enfants. À l’été 2013, le dernier né de la fratrie, le général Maher al-Assad, homme fort de la 4e division, n’avait pas été vu depuis de nombreux mois. Il n’avait certes pas pour habitude auparavant de se montrer dans les lieux publics, mais son absence pourrait être liée à une grave blessure. Quant à la mère de Bachar, Anissa Makhlouf, âgée et malade, elle résidait désormais à Dubaï. En revanche, le premier cercle sécuritaire est resté identique. Le gouvernement a été changé, des remaniements partiels ont été opérés, mais la plupart des chefs des différents services étaient les mêmes en octobre 2013 qu’en mars 2011.

Crédibiliser la communication officielle

Torture

On ne peut pas, en Syrie, traiter de l’information indépendamment du système répressif. L’une et l’autre se présentent comme les étages distincts et complémentaires d’une même structure. Les médias officiels, contrôlés de près par le ministre de l’Information, ont pour mission de transmettre aux Syriens ce qu’il leur faut croire, penser et faire. Les services de renseignement ont pour tâche de sanctionner ceux qui s’écartent de la voie ainsi tracée, refusant d’adhérer aux idées qu’on leur impose, de penser comme on le leur demande et de faire ce qu’on leur ordonne. Le caractère essentiel de l’information dans le système syrien est confirmé par le fait que le titulaire de ce ministère de souveraineté, plus important que les ministères de l’Intérieur ou des Affaires étrangères, a toujours été confié à des personnalités alaouites (à une exception près, Mahdi Dakhlallah, qui était chiite) de 1970 à 2012, date de la promotion d’Adnan al-Zoubi, un avocat sunnite très proche des moukhabarat.

Depuis le début de la crise, le régime a mobilisé l’ensemble de ses moyens pour se battre sur le terrain médiatique. Alors que les premières révoltes du « printemps arabe » venaient d’éclater en Tunisie et en Égypte, tout en affirmant, dans une fameuse interview du 31 janvier 2011 au Wall Street Journal, sa certitude que son pays ne « bougerait » pas, Bachar al-Assad s’était entendu avec l’émir du Qatar pour qu’Al-Jazira s’abstienne de couvrir ce qui pourrait se produire en Syrie. Cet accord entre deux chefs d’État qui entretenaient d’excellentes relations a été respecté durant plusieurs semaines, provoquant l’incompréhension et la protestation de révolutionnaires devant les locaux damascènes de la chaîne qatarie. Le régime a ensuite financé la création d’une chaîne de télévision à sa dévotion, Al-Mayadeen, dont il a installé le siège au Liban. Parmi ses journalistes vedettes, on retrouve un certain Sami Kleib, dont la principale qualité n’est pas d’être, comme le directeur, un ancien d’Al-Jazira, mais le mari de Louna Chebel, conseillère médiatique de Bachar al-Assad, bien placée pour lui transmettre les informations et les conseils pertinents.

Avant cela, les services syriens avaient mis en place, avec l’aide des Iraniens, une « armée électronique » qui leur permettra, au début de 2011, d’assurer un contrôle très fin de la communication entre les internautes et de prévenir durant des semaines toute manifestation importante. En interceptant les appels à occuper les places que s’adressaient les activistes, les moukhabarat seront en mesure d’investir les lieux avant eux et de dissuader tout rassemblement, mais également de repérer les animateurs de la contestation, dont le manque de prudence leur sera souvent fatal.

Dès lors, les spécialistes de la désinformation au sein des services ont pris une part active à la fabrication et à la diffusion d’informations erronées, destinées à discréditer les protestataires et à effrayer les citoyens n’ayant pas encore rejoint les manifestants. Parmi ces rumeurs infondées, figuraient en bonne place le caractère violent de la protestation et le recours aux armes par les contestataires lors des premières occupations de rues. Des pièges, comme la fausse déclaration de démission de l’ambassadrice syrienne à Paris en juin 2011, ont été tendus aux médias internationaux. Pour donner de la contestation une image servant ses intérêts, le régime a imputé ainsi l’initiative et l’encadrement de la révolte aux Frères musulmans. Il a mis aussi en cause tous les « étrangers » dont l’hostilité à son endroit est connue : le prince saoudien Bandar Ibn Sultan, l’ex-Premier ministre libanais Saad Hariri, leurs amis américains et israéliens supposés, et finalement le Qatar. Les médias syriens privés – le quotidien Al-Watan, la chaîne de télévision Al-Dounia – ont confirmé à cette occasion que leur indépendance était nulle vis-à-vis de ceux qui les avaient autorisés. Loin de reproduire la diversité des opinions prévalant alors dans le pays, ils ne constituaient rien d’autre que le porte-voix de leurs maîtres, n’hésitant pas parfois à faire dans la surenchère.

Le régime a renforcé parallèlement son contrôle des médias étrangers. Depuis longtemps, il avait fait en sorte de restreindre la présence en Syrie de correspondants de presse non syriens, sur lesquels il savait ne pouvoir exercer la même influence et faire peser les mêmes menaces que sur ses propres citoyens. Ainsi, tout le personnel de l’AFP à Damas est syrien.

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« Nos autels sont tachés de sang ! »
l’appel du père Nebras Chehayed aux évêques de Syrie, 12 juillet 2011
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Dès les premiers mois de la crise, le régime syrien a tenté de présenter la violente répression comme une réaction légitime à un « complot » organisé par des « salafistes extrémistes », « infiltrés » de l’étranger pour attiser une guerre confessionnelle et miner l’unité nationale au profit de ses ennemis de toujours. La hiérarchie des Églises chrétiennes a choisi de ne pas se départir publiquement de cette vision grossièrement manipulatrice. Des individualités nombreuses, dont la sœur d’origine libanaise Agnès-Marie de la Croix, ont plus encore activement contribué à crédibiliser cette thèse dans l’opinion publique internationale. D’autres ne se sont pas soumis pour autant à cette entreprise hasardeuse. Cet appel, lancé dès le début de l’été 2011 par le séminariste jésuite Nebras Chehayed aux évêques de Damas, témoigne de la précocité de la protestation des chrétiens qui ont refusé de se laisser emprisonner par le régime dans sa pernicieuse stratégie de confessionnalisation de la révolte. [F. B.]

Nos autels sont tachés de sang ! L’Église a toujours prôné le droit pour chacun à la liberté et à la dignité. Elle a toujours incité les laïcs à lutter sans relâche pour ce noble objectif. Elle a demandé aux hommes de religion de faire leur cette obligation, sans toutefois s’impliquer directement en politique afin qu’ils restent capables de jouer leur rôle de référence collective. En Syrie, où en sommes-nous de cet engagement ?

Parmi nos prêtres, certains sont membres du Baas, parmi nos évêques certains n’hésitent pas à accepter de ne voir que des traîtres dans tout opposant et, parmi nos patriarches, certains ne cessent de chanter les louanges du régime. Et pas un de nos prêtres n’ose laver les blessures de notre passé ; et pas un évêque n’ose se dresser face aux services de sécurité pour redire les paroles de l’Immortel : « Cessez de tuer ! » Le 23 juillet [2011], au lieu d’être un jour de prière et de jeûne comme l’avait demandé l’appel des évêques de Damas, le rassemblement des croyants à l’Église de la Croix s’est transformé en un festival de discours politiques ; et les larmes n’en sont devenues que plus brûlantes.

On ne consulte pas notre peuple. Quelques évêques parlent en son nom pour affirmer que « seuls ceux qui ne savent qu’approuver le régime ont raison » ! Quant à la « liberté », elle n’est rien d’autre que le produit d’un « complot » organisé par des « bandes ». Comme si des êtres humains, chaque jour, ne sortaient pas de chez eux pour n’y jamais revenir. Les voix de ceux qui portent les dépouilles mutilées s’élèvent : « Pacifiquement, pacifiquement ! » Mais le prédicateur leur répond en écho : « Des infiltrés, ce ne sont que des infiltrés ! » L’armée a beau entrer dans les villes et les clameurs s’élever au-dessus des rues, l’Église demeure plongée dans son silence approbateur : « Oui, oui ! » Et les larmes n’en deviennent que plus encore brûlantes.

L’avenir du mouvement ? Pas d’autre issue que la création d’« émirats salafis » ! Comme si jamais aucun chrétien ou aucun laïc n’attendait la sortie des mosquées le vendredi (pour se joindre aux manifestations), comme si les militants civils n’étaient pas enlevés à leur domicile, comme si nous n’étions pas voisins, comme si nous n’avions aucun passé en commun [avec les musulmans], comme si nous n’avions jamais partagé le pain, le sel ou le café. De la bouche de certains de nos prédicateurs, les mots claquent comme autant de balles. Et de leurs gorges montent des expressions de haine qui tentent de faire taire ce que l’on ne peut faire taire : la voix d’Ibrahim Qachouch4. Et du corps du Messie sur les autels, ce sont Hamza [le beau-frère du Prophète] et Hajar [la mère d’Ismaïl] qui saignent ; et du flanc de ce Nazaréen, ce sont Hama et Deir ez-Zor qui se vident de leur sang !

L’Église pourrait réaffirmer les valeurs humanistes, laisser à ses fidèles la liberté de leurs choix politiques, selon leur conscience, conseiller aux autorités l’arrêt de la répression et aux manifestants de garder leur sang froid, pour que le pays ne soit pas entraîné vers le pire. Elle pourrait resituer le soulèvement de la rue dans son contexte historique, celui de décennies de corruption et de privation de libertés. Au lieu de cela, quelques hommes d’Église ont opté pour le parti pris en faveur du régime. Ils jouent de la musique, font la fête et entraînent nos jeunes dans les concerts organisés sur la place des Omeyyades, à l’heure où ils devraient au contraire porter le deuil de ceux qui viennent de tomber, creusant ainsi les blessures.

Au loin, la voix du Messie répète : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. » Mais le prédicateur se contente de répéter : « Des infiltrés, ce ne sont que des infiltrés ! » Comme s’il ne s’était rien produit. Comme si notre peuple n’avait aucun souvenir, comme si tous les manifestants n’étaient que vénalité et crime. Comme si la peur avait crucifié l’espérance.

Pardonnez, Mgr les évêques, les récriminations d’un petit moine comme moi qui connaît encore peu de choses de la vie. Excusez les voix de ceux de vos enfants qui refusent le parti pris d’un grand nombre de vos hommes de religion. Dans le monde arabe, un printemps vient de jaillir et il sera le flambeau de l’Église !

Traduit de l’arabe par François Burgat.
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La maîtrise de l’information a été renforcée par une politique sélective d’octroi de visas aux journalistes étrangers. La plupart de ceux qui avaient déjà visité la Syrie et écrit sur son compte des articles jugés « hostiles » ont vu leurs demandes rejetées. Ceux qui n’étaient pas précédemment connus ou qui avaient, par le passé, donné des gages, ont obtenu le sésame. Mais ils n’ont pas échappé aux contrôles exercés a priori et a posteriori par les personnels des établissements hôteliers, leurs accompagnateurs, leurs traducteurs, leurs chauffeurs et nombre d’autres individus traînant autour d’eux sans qu’ils les repèrent. Et ils ont été habilement orientés vers des « témoins » professionnels émargeant au budget de l’un ou l’autre des services de renseignement.

À l’intention des médias occidentaux, angoissés par les islamistes et favorables aux minorités religieuses, le régime a poussé sur le devant de la scène des Syriens chrétiens, parfois membres du clergé, dont la religion devait suffire à garantir la vérité des propos (voir, a contrario, la prise de position critique du père Nebras Chehayed dans l’encadré ci-dessus). Deux d’entre eux ont acquis une relative célébrité. Le premier, Jihad Makdissi, rappelé de l’ambassade de Londres pour devenir porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a fini par prendre la fuite en novembre 2012, révulsé par une violence dont il avait été contraint par sa fonction de faire l’apologie. La seconde, sœur Agnès-Marie de la Croix, a été extraite de son couvent d’al-Qara pour accréditer l’idée, en Occident, que les chrétiens de Syrie disposaient dans leur pays de quelque autorité. Elle se prétendait à même, en effet, de convaincre les SR d’octroyer aux journalistes dont elle plaidait la cause les visas qui leur auraient été autrement refusés.

En décembre 2011, lorsque le régime a été contraint de laisser entrer en Syrie, en même temps que les observateurs de la Ligue arabe, un certain nombre de journalistes, il s’est efforcé de les convaincre, comme les observateurs eux-mêmes, que la situation était trop risquée pour qu’ils puissent travailler. C’est dans ce contexte qu’est intervenue, le 11 janvier 2012, la mort – peut-être l’assassinat délibéré… – du journaliste français Gilles Jacquier. Il s’agissait de faire peur à l’ensemble de ses collègues journalistes étrangers de toutes nationalités, pour les pousser au plus vite et définitivement hors de Syrie.

Interdire aux révolutionnaires de s’organiser

(© A.Farzart)

Ayant provoqué, par sa « brutalité ordinaire », l’explosion qui jette les habitants de Deraa dans la rue, le 18 mars 2011, le régime s’efforce aussitôt, en usant d’une brutalité encore plus forte, de les faire rentrer chez eux. Il n’entend pas discuter. La totalité des moyens de répression est immédiatement mobilisée. L’armée joue à ce niveau un rôle essentiel, car elle seule est en mesure, avec près de 300 000 hommes, des milliers de chars, de canons, d’avions et d’autres matériels, de frapper les Syriens qui manifestent désarmés pour les contraindre à abandonner le terrain. La terreur que les services de renseignement faisaient régner sur la population ayant été supplantée dans l’esprit des protestataires par la colère et le rejet, les moukhabarat perdent immédiatement l’invulnérabilité qui leur était implicitement reconnue. Ils sont dépassés à la fois par le nombre et par la volonté des Syriens voulant en finir une fois pour toutes avec le système qui les a si longtemps opprimés. Protégés par les chars, les moukhabaratperquisitionnent les zones « reconquises » et procèdent à l’arrestation des hommes et des jeunes gens, parfois des enfants, souvent aussi des jeunes femmes et des femmes lorsqu’elles refusent de coopérer ou tentent de protéger les leurs (voir dans l’encadré ci-après la suite du témoignage du jeune manifestant Abou Bahar).

En dispersant les manifestants, les forces armées traitent l’aspect visible de la menace : leur violence disproportionnée est justifiée par la nécessité dans laquelle se trouve le régime de démontrer au plus vite aux opinions publiques, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Syrie, qu’il n’y a plus de manifestants, que le mouvement de protestation est dérisoire et que les images de jeunes et de moins jeunes en train de défiler sont des montages des télévisions des pays ennemis. Les moukhabarat, eux, s’attaquent à l’aspect invisible de la menace : ils ont pour tâche d’interdire aux activistes de s’organiser, de préparer la suite et de communiquer avec le monde extérieur pour obtenir son soutien en falsifiant les objectifs de la révolution.

Une fois à l’intérieur des villes, des villages et des quartiers quadrillés par les militaires, les forces d’intervention des divers services demoukhabarat perquisitionnent les maisons et les appartements. Ils procèdent à des arrestations, tantôt arbitraires, tantôt sur la base des listes préétablies grâce aux interceptions des écoutes téléphoniques, à la surveillance des réseaux sociaux sur Internet et aux renseignements transmis par leurs informateurs.

Si la répression est générale, elle cible en particulier une catégorie de Syriens dont le régime sait qu’il a tout à craindre. Il s’agit des militants et militantes politiques aguerris, membres du Parti démocratique du peuple (ex-Parti communiste/bureau politique), du Parti de l’action communiste ou du Parti de l’union socialiste arabe démocratique. Ayant souvent fait l’expérience de la prison, ils sont connus des organisations internationales de défense des droits de l’Homme. Ils ont la capacité, en proposant une lecture des événements prenant en compte l’histoire récente et la situation économique et sociale, et en formulant en termes politiques les revendications de leurs compatriotes, de gagner à la révolution le soutien international sans lequel elle sera confrontée à la terreur voulue par le régime. Ils sont donc arrêtés, les uns pour avoir participé à des manifestations, les autres pour avoir répondu aux questions des médias étrangers.

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Abou Bahar : du maintien de l’ordre à la torture,
des manifestations pacifiques à la lutte armée*

C’est au cours du mois de ramadan d’août 2011 que le printemps syrien a glissé irrésistiblement sur la pente de la militarisation. La violence croissante de la réponse étatique à des manifestations strictement pacifiques a signé le discrédit de toute issue réformiste. L’autodéfense d’abord et la contre-offensive armée ensuite ont progressivement pris le pas sur le registre initial des protestations. Il est important de rappeler les jalons et les ressorts d’une radicalisation très programmée [F. B.].

C’est pendant le mois de ramadan de 2011 que j’ai été arrêté. Il y avait une manifestation dans le quartier de Hay al-Diqaq, dans le Midan. Il y avait beaucoup de monde, dont de nombreuses femmes. Le cortège est demeuré dans les rues très étroites de ce quartier. La Sûreté a attaqué en tirant et en lançant des grenades lacrymogènes. Nous avons riposté avec des pierres. Les femmes depuis leurs fenêtres et les hommes devant leur maison nous lançaient des oignons et des petites bouteilles de vinaigre pour atténuer l’effet des gaz. Une grenade lacrymogène m’a frappé en pleine poitrine. J’ai suffoqué. Les gens m’ont aidé.

La Sûreté est revenue en force, de deux côtés à la fois : deux cent gardes ont arrêté une vingtaine de personnes et pendant tout le trajet vers le bus, m’ont-ils ensuite raconté, ils leur ont tapé dessus. Ils ne sont pas entrés dans la maison où je me trouvais. Au bout de deux heures, je suis sorti. Mais la Sûreté est restée dans les parages. […] Un officier m’a demandé mes papiers. Quand il a vu que je n’étais pas du quartier et qu’en plus j’étais du quartier de Bab al-Sabah à Homs, il m’a arrêté. Ils m’ont frappé dans la rue, pendant tout le trajet, puis dans le bus, à coups de pied et de matraque. À 1 heure du matin, ils m’ont conduit à la Sûreté militaire. J’ai décliné mon identité et celle de ma famille de façon très détaillée et, pour expliquer ma présence, j’ai donné le nom d’un ami imaginaire que j’étais supposé avoir voulu saluer dans le quartier. Ils m’ont tout pris, montre, portable, y compris les lacets. On s’est retrouvés à quarante-six entassés dans une pièce de cinq mètres sur quatre.

L’air manquait terriblement. Une lampe orangée restait allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Bon nombre n’avaient rien à voir avec la manifestation. Des repas étaient distribués, bien sûr sans tenir compte des horaires du jeûne. La majorité gardait donc sa nourriture pour l’heure de l’iftar [rupture du jeûne]. L’âge des détenus allait de treize à soixante-douze ans. Le plus jeune était accusé d’avoir frappé un policier avec un couteau. Un autre était accusé d’avoir manié un RPG, ce qui était complètement invraisemblable. […] Je suis resté huit jours là-dedans. Pendant les trois premiers jours, je n’ai pas été interrogé.À chaque heure de prière, ils amenaient de nouveaux prisonniers. Ils étaient manifestement fatigués. À chaque interrogatoire, ils nous frappaient avec des tuyaux en plastique. Ils nous suspendaient au plafond par les deux mains. Ils avaient également des bâtons cloutés. Ils insistaient sur les parties génitales. N’importe qui reconnaissait alors avoir participé à des manifestations. Ils amenaient aussi des témoins du quartier du Midan pour nous identifier. Personne ne me connaissait. Au bout de huit jours, ils m’ont fait signer différents « aveux » ainsi qu’un engagement à ne plus participer à une manifestation et à donner à la Sûreté toute information pouvant les intéresser. Ils m’ont bandé les yeux et m’ont fait monter dans une voiture dont ils m’ont jeté une fois arrivés dans le quartier de Saoumariyé. Je suis rentré chez moi. J’ai pris des photos de mes blessures.

Le vingt-septième jour du mois de ramadan, la nuit de la destinée, des invitations sur Facebook appelaient à un rassemblement à la mosquée al-Rifa’i à Kfar Soussé. J’y suis allé avec un ami. La mosquée était pleine à craquer, il y avait peut-être 7 000 personnes. La prière a commencé, puis la khoutba, puis ce que l’on appelle les vœux (dou’a). Vers 2 heures du matin, avec les vœux et au ton des invocations, on a senti que le rassemblement était en train de se transformer en manifestation. Le cheikh a fait des vœux relatifs aux prisonniers politiques et à l’avenir de la Syrie. Des demandes de takbir [le fait de crier « Allah akbar ! »] ont alors commencé à fuser des quelque quatre ou cinq cents personnes restantes. Pour la première fois sans doute à Damas, le slogan « Le peuple réclame l’exécution du Président ! » a été lancé. Et bien d’autres : « Hama, Homs, nous sommes avec vous jusqu’à la mort » ; « Bras levé, le Syrien s’écrie : Bachar, nous n’en voulons pas ! » ; « Les Syriens ne se prosternent que devant Dieu » ; « Plus jamais de ila l-abad » [« pour toujours », référence au slogan du régime « Assad pour toujours »] ; « Vive la Syrie et à bas Assad ! » ; « Ah ! Ah ! Hé ! Hé ! Pour le Baas c’est terminé ! »

Lorsqu’on a commencé à sortir, les chabbihas nous attendaient en rangs serrés. Ils se sont mis à crier : « Abou Hafez » (« Père de Hafez », nom du président Bachar dont l’un des fils porte le prénom de son grand-père Hafez al-Assad). Et nous avons répliqué : « Que ton âme soit maudite ! » L’un des manifestants a crié : « Attention, il y a un tireur sur le toit d’en face ! » Et tout le monde a reflué à l’intérieur. Alors ils ont ouvert le feu avec des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes. Toutes les vitres ont été cassées. […] Quelqu’un s’est mis à crier : « Prévenez tout le monde pour que Al-Jazira et Al-Arabiya sachent ce qui se passe ici ! » Les chabbihashurlaient : « Pour tes yeux, père de Hafez, nique la liberté, nous sommes la oumma de Bachar » ; ou encore : « Trois, pas plus, Dieu, la Syrie et Bachar ! » Certains disaient, pour nous provoquer : « Walla ! Bachar passe avant Dieu. » Le cheikh Oussama al-Rifa’i a alors pris la parole : « J’ai appelé un officier supérieur, il va venir. » Quelques instants plus tard, la Sûreté et les chabbihas ont réussi à pénétrer au premier étage de la mosquée. Ceux qui s’y trouvaient ont préféré sauter du premier étage. Les chabbihas ont commencé à nous jeter dessus tout ce qui leur tombait sous la main : les climatiseurs, les Corans et même les placards.

Vers 5 heures du matin, un officier supérieur est rentré et il s’est présenté : « Vous me connaissez tous, je vous donne la garantie que si vous sortez dix par dix, vous n’aurez pas de problème, à la condition que vous sortiez par la porte arrière. » Devant la porte principale, on entendait les cris des chabbihas. Le cheikh a demandé que l’on puisse sortir tous ensemble. Puis il nous a dit qu’il préférait sortir seul pour voir comment se passaient les choses. Il est sorti avec dix personnes. Mais on n’a pas su ce qu’il lui était arrivé. […] On a transporté tous les blessés (une quinzaine ou plus) dans le sous-sol (il y avait parmi eux un mort : une balle en caoutchouc, reçue à moins de cinq mètres, avait pénétré son cerveau). Le Croissant-Rouge est venu les chercher. Puis on est sortis en bloc sous la protection de nos proches qui nous séparaient des chabbihas.

La mosquée a été fermée pendant douze jours. […] À ce moment-là, une voiture de la chaîne de télévision gouvernementale Al-Dounia est arrivée, avec des chabbihas en civil. Ils ont arraché le panneau « mosquée fermée » et, devant la caméra, ils ont commencé à raconter leurs mensonges : « J’étais dans la mosquée et des bandes armées sont arrivées. » Puis ils ont tenté de démontrer que la mosquée était ouverte et que rien ne s’y était jamais passé.

Le jour suivant, les gens des différents quartiers (Harasta, Jober, Doumma, Saqba) ont essayé de se rassembler sur la place des Abbassides. Mais, au niveau de Bassatine, ils ont été pris sous des tirs. C’était cette fois des tirs à balles réelles. Il y a eu une vingtaine de morts. Les gens du quartier n’ouvraient pas les portes pour permettre aux manifestants de se protéger. Le jour suivant, les gens des quartiers qui avaient manifesté, Jobar et les autres, sont revenus et ils ont lancé des carottes devant les maisons dont les portes étaient demeurées fermées, histoire de signifier à leurs habitants qu’ils n’étaient que des lapins peureux.

* Entretien et traduction de l’arabe par François Burgat, Damas, octobre 2011.
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Une fois libérés, ils sont incités, par des facilités qui leur étaient jusqu’alors refusées, à chercher refuge hors de Syrie. Ils espèrent pouvoir y poursuivre plus efficacement le combat qu’ils ne peuvent plus mener sans risques dans leur pays. Au fil des mois, cette stratégie aboutit à faire du mouvement de contestation en Syrie une « révolution orpheline ». Doublement orpheline devrait-on dire car, dans le même temps, les moukhabarat se sont employés à anéantir à travers tout le pays, par la détention, la torture et des exécutions sommaires, par les balles des francs-tireurs, la première génération des leaders du mouvement de contestation. La deuxième génération, qui a aussitôt pris la relève, connaîtra bientôt un sort identique. Dès la fin 2011, certaines coordinations locales auront déjà dû procéder à trois ou quatre renouvellements de leurs dirigeants.

Les moukhabarat adoptent un autre style (© A.Farzart)

Dans ces premiers mois de la guerre, pour terroriser les révolutionnaires en leur montrant le sort qui attend ceux qui refusent d’abandonner le combat, lesmoukhabaratcommettent des crimes particulièrement abjects, torturant et émasculant un enfant de quatorze ans, tranchant la gorge du chanteur qui a galvanisé durant plusieurs semaines les manifestants à Hama, coupant les jambes d’un homme ayant foulé aux pieds un portrait de Bachar al-Assad. Ils laissent filtrer des scènes insoutenables : séances de torture, égorgement d’un homme, viol de jeunes femmes… Le dévoiement de la révolution pacifique en conflit armé, et peut-être en guerre civile confessionnelle, fait partie de leur projet. Les armes à la main, le régime ne peut être défait.

En agissant ainsi, les services de renseignement cherchent à maintenir les Syriens dans l’isolement qu’ils leur avaient imposé avec succès avant la chute du « mur de la peur ». Ils veulent les empêcher d’établir des contacts, de nouer des liens, de créer des organisations et des structures, d’apporter leur soutien d’un bout à l’autre du pays aux prisonniers, aux déplacés, aux malades et aux victimes. C’est la fragmentation des Syriens qui permet au régime de se maintenir. Mais c’est leur rassemblement, leur solidarité, la création d’organisations professionnelles – de médecins, d’avocats, d’ingénieurs, etc. – et la mise en place de structures locales autogérées qui leur permettent de résister à la répression et de commencer, sous les bombes, à édifier la Syrie qu’ils appellent de leurs vœux. Un service occupe durant cette période le devant de la scène : les moukhabarat de l’armée de l’air, qui partagent, avec leurs collègues de la branche Palestine, une même image de cruauté inégalée dans l’esprit des Syriens.

Fin 2011, le régime syrien a considéré que, compte tenu de l’estime, si ce n’est du soutien concret, dont l’opposition et la révolution bénéficiaient dans les opinions publiques occidentales, il lui fallait passer à une double contre-offensive. Ce fut d’abord le dénigrement des agissements des contestataires civils et militaires qui s’étaient finalement résolus à prendre les armes pour assurer la défense de leurs proches. Les services se sont ainsi employés à diffuser de fausses rumeurs et à imputer aux révolutionnaires ou aux combattants des actes qu’il était impossible de ne pas condamner. Absents du terrain, les journalistes-reporters n’ont pas toujours été en mesure de répondre à ces calomnies et de démontrer l’inanité des accusations contre l’opposition. Les services ont par ailleurs relâché dans la nature deux types de prisonniers : des criminels et des djihadistes (voir infra, chapitre 3). Les actions attendues des uns (en se livrant à des crimes contre les populations) et des autres (en affichant leur fanatisme) avaient vocation à faire réagir les Syriens encore indécis et, surtout, à dissuader les « amis du peuple syrien » de répondre aux appels à fournir des armes à l’Armée syrienne libre (ASL), créée en juillet 2011 (voir encadré p. 62). Les deux dispositifs ont relativement bien fonctionné.

La manipulation du terrorisme fait partie depuis longtemps de la panoplie des moyens mis en œuvre par les services syriens. On peut évoquer par exemple l’opération de recrutement de djihadistes pour l’Irak menée par le truchement de religieux, dont la figure emblématique a été, en 2003, le cheikh alépin Mahmoud Qoul Aghassi, dit Abou al-Qa‘qa‘ (voir infra, chapitre 3). Avant de s’imposer dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared, au nord du Liban, la plupart des membres de l’encadrement du groupe salafiste Fath al-Islam – à commencer par son chef Chaker al-Absi – avaient séjourné dans la prison de Sednaya, qui passe, avec les sous-sols des geôles de la branche Palestine, pour la plus grande manufacture de terroristes en Syrie. Et, à l’été 2012, l’arrestation de l’ancien ministre libanais Michel Samaha a mis au jour la préparation d’un attentat planifié à Damas contre le patriarche maronite Bechara al-Raï, dont l’appartenance religieuse et l’amitié affichée pour le régime de Bachar al-Assad auraient prévenu toute mise en cause des Syriens et fait des « terroristes islamistes » des auteurs désignés.

Le recours immédiat aux milices de chabbihas par le pouvoir a confirmé à la fois son orientation purement répressive et son mode de fonctionnement sectaire. Il s’agit en effet d’hommes de main originaires de la montagne alaouite, depuis longtemps au service des intérêts mafieux de certains membres de la famille al-Assad5. On constate sans surprise que le « contrôle » de ces « bêtes fauves », comme ils ne répugnent pas à se qualifier eux-mêmes, a aussitôt été confié au service de renseignement de l’armée de l’air, celui dont la composante alaouite est de loin la plus forte. On constate également sans davantage de surprise que, liés à des proches du chef de l’État et financés par eux, les chabbihas ont parfois échappé à l’autorité de ceux qui devaient les encadrer. Dans la Syrie en crise comme avant, la relation privilégiée entretenue avec un membre de la famille al-Assad octroie en effet des marges de liberté, y compris pour le pire.

  1. Propos recueillis par François Burgat et Mathieu Rey. Universitaire puis diplomate, Wladimir Glasman a résidé douze ans en Syrie. Depuis le début de la révolte, sous le pseudonyme d’Ignace Leverrier, il anime le blog Un œil sur la Syrie (<http://syrie.blog.lemonde.fr/>), où l’on trouvera de multiples compléments à cet éclairage. []
  2. Dans cette grande ville située à l’ouest du pays, en février 1982, l’armée de Hafez al-Assad a réprimé, avec une extrême violence, une insurrection populaire à l’instigation de l’Avant-Garde combattante issue des Frères musulmans, au prix – selon les diverses estimations – de 10 000 à 40 000 morts. []
  3. Dans l’Arabie préislamique, la foire annuelle d’Oukaz était notamment l’occasion, pour les poètes de la région, de s’affronter dans des joutes oratoires. []
  4. Chanteur révolutionnaire de Hama assassiné le 3 juillet 2011 par les forces de répression et dont les cordes vocales auraient été arrachées par ses tortionnaires (NdT). []
  5. Les chabbihas, terme employé depuis 2011 pour désigner toute milice prorégime, étaient à l’origine des hommes à la solde de membres de la famille al-Assad qui avaient, dès l’époque de Hafez, mis la région de Lattaquié en coupe réglée et se livraient à toutes sortes de trafics (drogue, armes, etc.). []

source : http://iremam.hypotheses.org/3969

date : 19/01/92014