L’histoire des « amis de Sidnaya » : les trois hommes les plus forts en Syrie aujourd’hui.

Article  •  Publié sur Souria Houria le 16 février 2014

Traduit par Léa Plee pour Souria Houria

Par Bassel Al-Jneidi

Sur une photo rare et avec de larges sourires dessinés sur leurs visages, se tiennent côte à côte, les trois hommes les plus puissants de Syrie, lors de leur sortie de la prison de Sidnaya.

Sur la photo précitée, figurent en effet : Zahran Allouch, chef de « Liwaa al’Islam »(La Brigade de l’Islam) qui par la suite, a été reconnu comme commandant de« l’Armée de l’Islam » ; accompagné de Hassan Abboud [surnommé Abou Abdallah Al-Hamoui (le Hamaouite)], chef du mouvement « Ahrar al-Sham » (Les Libres du pays du Cham) ; et Issa Acheikh, chef de « Liwaa Souqour al-Islam » (La Brigade des Faucons de l’Islam), après des années passées ensemble en détention, suite à différentes actions réalisées dans le cadre de leurs activités confessionnelles, autour de 2004.

Les trois amis susvisés (avec également Abou Mohammad Al-Fateh Al-Joulani, Emir (Prince, Chef) du « Front Annosra ») ont quitté la prison de Sidnaya  mi- 2011, suite aux premiers décrets de grâce présidentielle (le 31-05-2011), émis après le déclenchement de la révolution syrienne, et qui figurent parmi les « actions nobles » du président qui a tenu à exprimer, à travers ces décrets, combien il tenait à apaiser la soif de changement de son peuple, faisant accompagner ces décrets par un effort colossal mené par la machine de ses médias qui se traduit par des mensonges hideux et des histoires inventées sur la révolution, que même les partisans du régime ont du mal à croire, mais que tous qualifient comme faisant partie de « la guerre médiatique ».

Sur le fond, cette machine assoit la conviction selon laquelle la révolution syrienne est une révolution confessionnelle et ses exigences ne sont autres que des exigences islamiques dont le changement recherché consiste uniquement à y répondre – ou à répondre à certaines d’entre elles- à travers la prédication par l’inauguration d’une chaîne satellite religieuse qui est la première en son genre à savoir : [Nour al-Sham] (Lumière du Sham), le tout suivi par le retrait du décret interdisant la nomination de contrôleurs dans le secteur de l’éducation ; et de l’annulation de la concession accordée pour la construction du premier casino en son genre sur la route de l’aéroport, en dépit de son coût exorbitant… et enfin, la libération des islamistes par le décret de grâce présidentielle.

En retour, le Régime a cherché à ne prêter la moindre attention à la majeure partie des autres prisonniers politiques écroués dans la prison de Sidnaya et qui sont, en grande partie, condamnés conformément aux dispositions de l’article 306 du code pénal syrien pour « appartenance à des organisations constituées dans le but de modifier la structure de l’Etat » ; ni aux personnes accusées de « communiquer avec des Etats étrangers », à l’instar de la jeune Tal al-Mallouhi, condamnée quelques mois avant le déclenchement de la révolution.

Le Régime a par ailleurs tergiversé de manière provocante, au sujet de dispositions politiques relatives à « la loi d’état de siège », « la modification de la constitution » et « l’article Huit », les traitant avec négligence et lenteur, en créant des centaines de comités dont la tâche était constamment entravée par des procédures protocolaires et bureaucratiques frisant le ridicule, comme s’il tenait, bien plus que ses opposants, à faire apparaître tous ces changements comme étant de pure forme et restant lettre morte.

Le problème ici n’est pas un problème qui se pose avec les « islamistes » et c’est notamment cela que je veux que vous compreniez ;

Certaines procédures telles que celle de la fermeture d’un « Casino » touchent la crise beaucoup plus que la démolition totale de la Constitution !

Quelques semaines avant la sortie de prison des « amis de Sidnaya », Daraa est assiégée, le sit-in de Homs le plus important est brisé d’une manière féroce par les forces du Régime, et les villages et les villes révoltés sont victimes de provocations exprimées par différents moyens de répression. De surcroît, des entrées d’armes à travers les frontières sont intentionnellement réalisées.

Moins d’une semaine après leur sortie de prison, l’objectif du Régime est enfin atteint ; ainsi a lieu la boucherie de Jisr Achoughour qui a fait près de 120 morts parmi les forces de sécurité selon la version officielle, lors d’une première action révolutionnaire large et bien organisée qui revêt bien évidemment un caractère « islamiste », ou en facilite l’endossement, tout cela aidé par la place historique qu’occupe la région dans laquelle la boucherie a été commise !

Peu de temps après leur sortie de prison, « les trois amis » se hâtent pour constituer les trois plus grandes compositions militaires opposantes, à travers toute la Syrie. A cet effet, est déclarée la constitution de la section militaire « Souqour al-Sham » (les Faucons du Sham) le 25 novembre 2011, suivie par la celle de « Liwaa al-Islam » (la Brigade de l’Islam) au mois de mars 2012, et le début de la constitution du « Liwaa Ahrar Souria » (la Brigade des Libres de la Syrie) le 25 juillet 2012, pendant que leur quatrième ami (Al-Joulani) était, dans la même période, rentré d’un voyage en Irak, pour par la suite, constituer « Jabhat Annosra » (le Front de la Victoire).

Les différentes estimations pour évaluer le nombre de combattants commandés par « les amis de Sidnaya » s’accordent toutes sur le fait que ces derniers dirigent le plus grand nombre de combattants dans l’opposition syrienne.

En effet, Zahran Allouch dirige « l’Armée de l’Islam » obtenue par l’unification de 43 Sections militaires. Elle comprend près de 30 mille combattants.

On pense que le Mouvement « Ahrar al-Sham » est la plus grande brigade militaire en Syrie et comprend 18 mille combattants. Enfin, le nombre approximatif des combattants des « Souqour al-Sham » est estimé à 9 mille combattants, alors que « Le Front Al Nosra » constitue le groupe le plus petit en nombre mais aussi puissant que les précédents en raison de la rigoureuse organisation  qui y règne, du matériel dont il dispose et des capacités de combat de ses éléments. Ce qui revient à dire que « les anciens amis de la prison de Sidnaya » dirigent aujourd’hui près de 60% des combattants de l’opposition armée syrienne.

Il s’avère donc possible, vu les données précédentes, de constituer l’hypothèse d’un complot, proche de celle selon laquelle nous pensons que « Daech », la nouvelle intruse dans la carte militaire, est en grande partie, créée par le Régime  et que nombre de ses combattants coordonnent leurs actions d’une manière directe ou indirecte avec ce dernier, tel que ce fut le cas dans l’affaire des puits de pétrole. Et ce d’autant que l’histoire des « amis de la prison de Sidnaya » nous fait penser au rôle que le Régime avait joué pour faciliter l’envoi de combattants en Irak, et les relations qui les ont uni, aussi bien publiquement que secretement, avec les propagateurs de la pensée jihadiste et les fondateurs de « l’Organisation Al-Qaïda dans les pays du Sham ».

Il s’avère également possible de formuler une autre hypothèse qui ferait des « amis de Sidnaya », des héros, sortis de l’essence de la tyrannie et de la persécution ainsi que des ténèbres des cachots,  d’autant qu’il ne faudrait pas perdre de vue le fait que les troupes militaires que dirigent « les amis », sont bien différentes des autres.

En effet, elles possèdent toutes la meilleure réputation parmi les civils. Elles sont généralement moins dérangeantes et s’attaquent rarement aux propriétés privées. De plus, elles tiennent, là où elles s’installent, à instituer des « organismes religieux légitimes » à travers lesquels elles garantissent aussi bien les droits publics que les droits privés. Plus important aussi, leur bravoure au combat et l’importance du rôle qu’elles ont joué dans les opérations de libération qui ont eu lieu à partir de Deraa en passant par Damas et la province d’Idlib jusqu’à Alep et Raqqa.
Il est possible de dire sans la moindre exagération, que dans les différentes opérations de libérations qui ont permis à l’opposition d’occuper aujourd’hui plus que la moitié de la Syrie, le mérite revient aux « amis de Sidnaya ».

En revanche, « Daech » s’affaire à diriger les terres qu’elle occupe et à préparer un terrain constitutif et prédicatif pour elle, sans déployer tous ses efforts pour combattre le Régime, mais pour s’intéresser plutôt à incarcérer les partisans activistes de la révolution et à ouvrir des fronts contre les forces kurdes et l’armée libre :
La participation effective de « Daech » aux différents affrontements avec le Régime, se comptent sur les doigts d’une main et est très limitée. La plus importante (voire même l’unique), est la libération de l’aéroport militaire de Menagh, lors d’une opération qui avait duré plusieurs longs mois et dans laquelle « Daech » avait participé juste pour mettre les dernières touches.

Entre l’ hypothèses qui situe « les amis de Sidnaya » sur le même plan que « Daech » et celle qui fait d’eux des héros et des chevaliers, les Syriens vont se partager.

Pour ma part, je me contente de choisir une troisième voie qui s’éloigne aussi bien de l’ hypothèses conspiratrice, que de celle qui croit à la sainteté des individus, et je me contente de remarquer qu’il apparait à l’évidence de tout ce qui précède que :

Le Régime a mené la révolution exactement là où il voulait qu’elle aboutisse, d’une manière programmée et étudiée aussi bien politiquement et militairement, qu’économiquement.

A cet effet, il a eu tantôt besoin de coordonner avec des individus et tantôt avec des groupes ; et dans la majorité des cas, il a préparé le terrain fertile sur lequel on ne peut que récolter la récolte que lui-même voulait.

En dépit de tout ce qui se passe depuis l’émission du premier décret de grâce… la magie ne s’est pas encore retournée contre le magicien qui la pratique…

Version arabe : http://souriahouria.com/قصّة-أصدقاء-صيدنايا-أقوى-ثلاثة-رجال/ publié 16/10/2013

Source : http://therepublicgs.net/2013/10/16/قصّة-أصدقاء-صيدنايا-أقوى-ثلاثة-رجال/