« Je lance la révolution de l’amour, du pardon et de l’union de l’humanité » Par Fadwa Soleiman
Célèbre comédienne en Syrie, Fadwa Soleiman vit dans la clandestinité depuis qu’elle a critiqué le régime de Damas sur la chaîne Al-Jazeera, le 7 novembre 2011. Mais cette activiste, qui a pris la tête du mouvement de contestation à Homs, ne se résigne pas au silence. A l’occasion d’un colloque organisé par les associations SouriaHouria et Fonds pour les Femmes en Méditerranée, elle a envoyé un message jusqu’à Paris, le 29 novembre 2011. Un appel à la paix que TV5MONDE a traduit.
03.12.2011 Par Fadwa Soleiman – Traduction TV5MONDE
« Bonjour, je vous souhaite le meilleur, il y a certainement beaucoup de femmes syriennes qui ont parlé du rôle de la femme dans la révolution syrienne. Moi, j’ai voulu adresser ce message à travers vous, à tous les peuples du monde, hommes et femmes. »
« N’est-il pas temps que l’humanité mette fin aux guerres ? N’est-il pas temps qu’elle cesse le vol, les meurtres et le pillage ? N’est-il pas temps de se défaire du mensonge et de l’intimidation, d’affamer les gens, de les faire souffrir et de les humilier ? N’est-il pas temps de lever l’oppression matérielle, morale, intellectuelle et spirituelle ? De réinventer la réalité tant en y supprimant des faits qu’en y rajoutant d’autres, pour qu’une bande d’hommes puisse mener le monde à son gré et désunir l’humanité indéfiniment ? L’homme est de nature prédisposé à l’amour, le pardon et l’unité des hommes et destiné à communiquer avec le monde par le biais de la technicité moderne pour qu’il puisse atteindre la perfection et aspirer à une vie meilleure.
Bouddha Ibrahim, Issa, Moïse, et Mahomet
De là, de ce coin du monde dénommé la Syrie, je lance la révolution de l’amour, du pardon et de l’union de l’humanité, pour arrêter la brutalité des massacres, pour que nous ne soyons jamais pris dans le cercle vicieux de l’action et la réaction. J’appelle à la révolution de l’amour, du pardon et de l’union de l’humanité contre toutes les révolutions sanglantes du monde. De la Syrie, j’invoque tous les sages de la terre à répandre le savoir, sous peine d’être complices de tout acte destructeur. De la Syrie, de mon cœur où habitent Bouddha Ibrahim, Issa, Moïse, et Mahomet ; de mon cœur qui porte en lui tout ce qui a existé et existe aujourd’hui : les pierres, les oiseaux, les arbres et les créatures ; je lance la révolution de l’amour, du pardon et de l’union de l’humanité contre la haine, l’aversion et la peur, l’intimidation, la torture, l’ignorance, le blasphème, l’incrimination, la tutelle, le surarmement et la mobilisation, la sécurité, la police et les services secrets et contre toute la subversion que nous portons aux autres.
Quand prendrons-nous conscience que nous faisons partie d’un ensemble, et que nous constituons simultanément cet ensemble même. Comment l’ensemble pourrait-il renier une partie, et comment une partie pourrait-elle renier l’ensemble ? Pourquoi notre sang distribue-t-il les nutriments et l’oxygène à toutes les cellules à égalité et sans faille ? Pourquoi une cellule n’entrerait-elle pas en conflit avec une autre pour en obtenir davantage ? Pourquoi une cellule cérébrale ne se moquerait-elle pas d’une cellule du pied ou du postérieur et ne s’armerait-elle pas de dioxyde de carbone pour l’envoyer anéantir d’autres, croyant qu’elles ne sont plus utiles ?
Purger notre esprit de l’oppression
Frères et sœurs, vous qui êtes ma vie et mes cellules, l’ensemble et la partie, l’union émane de nous-mêmes, vers nous et autour de nous, unissons-nous et réunissons-nous sous l’égide de l’ensemble que nous sommes, en lançant la révolution de l’amour, du pardon et de l’union de l’humanité. Quelle noble révolution! De tous les recoins du monde, par le silence et la prière, chacun à sa manière, nous entamerons notre révolution que nous adresserons d’abord à nous-mêmes, pour purger notre esprit de l’oppression qui nous empêche de percevoir la vraie réalité et pour que la révolution de l’amour, du pardon et de l’union de l’humanité parvienne à nous illuminer et nous purifier afin que chacun de nous puisse voir, écouter et compatir avec l’autre. Nous serons éblouis par la profusion de l’amour que nous portons et que nous recevrons.
De la Syrie, de par le cri du peuple syrien contre l’injustice, l’oppression et le crime ; de par le cri du peuple syrien qui fait appel à la liberté, les libertés ; de la plainte, la peine et la souffrance du peuple syrien qui réclame le départ du dictateur, la fin des violences, ainsi que toute politique arabe ou mondiale qui nous laisse périr inutilement ; de par le cri, la peine et la souffrance du peuple syrien sacrifié sur l’autel de sa liberté tandis que le monde arabe et l’Occident se contentent d’observer en attendant que leurs intérêts se réalisent avant de mettre fin à la cruauté et de dénoncer notre dictateur comme meurtrier ; de par le cri d’un peuple qui refuse toute ingérence militaire, embargo aérien ou guerre, qui refuse de voir les membres de son armée s’entretuer, mais réclame une initiative qui mette fin à la brutalité, il fait appel à une aide qui le sauve des sables mouvants où son pacifisme l’enlise et qui risquent de l’engloutir ou de l’isoler ; de par l’appel du peuple qui souhaite constituer un état démocratique entretenant des relations d’équité, de transparence et de paix avec le monde entier ; du cœur du peuple syrien souffrant et en son nom, je vous dis: intervenez, peuple du monde, pour arrêter la violence, les bains de sang et les crimes.
Merci d’avoir renvoyé l’ambassadeur
Considérez, vous, politiciens qui soutenez et appelez à la démocratie, le droit des peuples à la liberté. Réexaminez vos politiques faites de tergiversation et d’ambigüité visant l’acquisition d’autant de gains matériels que possible avant d’agir pour cesser les monstruosités. Merci d’avoir renvoyé l’ambassadeur, mais les observateurs internationaux, les organisations des droits de l’homme ainsi que les médias indépendants doivent intervenir, sinon vous aurez favorisé l’édification superficielle de l’homme, augmentant ainsi les vices de l’humanité. Malgré les progrès de l’éducation et de la technologie, nous demeurons au fond du gouffre en notre intérieur. L’heure est venue d’ennoblir notre conscience et notre pensée. L’heure est venue pour l’humanité de revivre le bonheur oublié. L’heure est venue pour que nous soyons unis et que nous prenions de l’autre ce dont on a besoin sans recourir au vol, au pillage et à la guerre. Il est grand temps de s’élever vers cette pensée et de l’adopter.»