Syrie : un an après la chute du régime, tenir l’espoir du changement vivant

Article  •  Publié sur Souria Houria le 3 décembre 2025

Il y a un an, le 8 décembre, tombait un régime despotique qui avait confisqué la Syrie pendant plus d’un demi-siècle. Cette date porte une charge symbolique immense : celle d’un moment où un peuple longtemps maintenu au silence a vu s’ouvrir un espace politique que beaucoup croyaient définitivement verrouillé. Pour la première fois depuis deux générations, l’idée d’une justice possible et d’une dignité retrouvée a repris corps.

Le mur de la peur et de la tyrannie instauré par le régime Assad était tombé, et tout semblait à nouveau possible. L’expérience et les compétences acquises par des Syriens pendant les années de lutte souterraine ont pu éclore au grand jour : associations, actions civiques, initiatives locales, liberté d’expression… une vitalité civique réelle, capable de porter un projet pluraliste fondé sur les libertés et les droits fondamentaux.

Un an plus tard, cet horizon reste ouvert mais traversé d’inquiétudes. La transition révèle des fragilités : un État encore en construction, des institutions qui peinent à s’affirmer, une économie exsangue et un paysage sécuritaire instable. Les épisodes de violence sur la côte syrienne ou à Soueïda ne sont pas seulement le signe de fractures persistantes : ce sont des crimes visant des civils, de véritables massacres, qui doivent être condamnés sans ambiguïté. Parce qu’elles résonnent douloureusement avec les exactions du passé, ces violences soulignent l’urgence de mettre en place un processus solide de justice transitionnelle : un cadre indépendant permettant d’établir les responsabilités et de prévenir toute nouvelle escalade. Sans ce minimum de vérité et de reddition de comptes, aucune réconciliation durable n’est possible.

À cela s’ajoutent les frappes israéliennes répétées et l’ingérence dans le Golan, engagées dès les jours qui ont suivi la chute du régime et intensifiées ces derniers mois. Elles mettent en évidence la vulnérabilité géopolitique du pays et la difficulté de l’État à protéger son territoire ou à maîtriser certains acteurs et factions armés.

Ces alertes ne doivent cependant pas masquer la singularité du moment : la Syrie n’est plus figée dans le modèle de domination qui l’a étouffée si longtemps. Une transition, même imparfaite, demeure une fenêtre fragile où un cadre plus juste peut être construit, à condition de maintenir la vigilance, la patience et le sens du collectif, afin d’éviter que fragmentation et chaos ne s’approfondissent.

Nous, Syriennes et Syriens de la diaspora réunis au sein de Souria Houria, affirmons notre conviction qu’une autre Syrie reste possible : une Syrie où la diversité est une richesse, où l’État protège l’ensemble de ses citoyens, où les droits humains forment le socle de la citoyenneté. Nos principes – démocratie, justice, non-violence, pluralisme, égalité et dignité – ne relèvent pas du slogan : ils constituent la seule voie pour éviter la reproduction des mécanismes qui ont brisé le pays.

En ce premier anniversaire, il ne s’agit ni de célébrer ni de céder à la peur, mais de poursuivre l’élan initial. Et de rappeler, comme nous le clamions dès les premiers jours :
« واحد واحد واحد… الشعب السوري واحد »  Le peuple syrien est un.
Et selon les mots de Saadallah Wannous : « Nous sommes condamnés à l’espoir. »

Souria Houria
Paris, le 4 décembre 2025