« Syrie : la politique des deux poids deux mesures n’est plus tenable » – par Le Monde

Article  •  Publié sur Souria Houria le 2 novembre 2011

Devant les massacres de civils syriens non armés – 3 000 morts dont 200 enfants, le triple de blessés, sans parler des tortures, des arrestations arbitraires – rien ne justifie l’inaction des Etats ni celle de l’homme de la rue en Occident. Le peuple syrien ne veut pas d’intervention militaire extérieure, sa dignité est toute contenue dans ce sacrifice consenti pour vaincre. Cela interdit-il, pour autant, de lui fournir des moyens de neutralisation des chars d’assaut, d’infiltrer des « experts » afin de détruire ces armes conventionnelles devenues de « destruction massive » de la population civile ? Que craint-on, une répression contre le peuple syrien, vous voulez plaisanter ?

Serait-ce parce que certaines tyrannies seraient préférables, comme d’aucun ose reconnaître préférer l’injustice au désordre, que l’on mettrait un voile sur nos yeux ? Ou serait-ce parce qu’il n’existerait pas de Picasso syrien que Homs, Hama et Deraa ne nous soulèvent pas le cœur, comme naguère Guernica ? Poser encore ces questions, qui devraient nous couvrir de honte, signifie que nous sommes en retard pour la réponse appropriée. Cette horreur se suffit à elle-même, alors ne laissons pas macérer, en outre, des cauchemars inéluctables ; à minima des attentats meurtriers prévisibles pour détourner l’attention, à l’initiative de la Syrie ou de Téhéran, embrasant la région sous couvert du Hezbollah ou du Hamas, et garrotant au passage l’Autorité palestinienne. La politique de la terre brulée est le fantasme ultime des dictateurs pyromanes en perdition.

Les déclarations du président Bachar Al-Assad au Sunday Telegraph reprises le 30 octobre par Le Monde.fr : « Voulez-vous connaître un nouvel Afghanistan ou même des dizaines d’Afghanistan ? La Syrie n’hésitera pas à embraser toute la région », sont bien évidemment inacceptables. En outre, elles signifient que nous ne sommes plus dans le registre minimal des risques évoqués ci-dessus mais désormais dans le registre majeur du « séisme », terme utilisé d’ailleurs par le président syrien dans ses déclarations au Sunday Telegraph. Déclarant cela, Bachar Al-Assad implicitement reconnaît que les « événements syriens » ne sont plus une « affaire intérieure » de la Syrie laquelle ne peut continuer de croire qu’elle va bénéficier longtemps du bouclier de la « non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays » établi par la charte de l’ONU.

A ce jour, les opérations de « maintien de l’ordre » sont purement et simplement des crimes contre l’humanité décimant la population civile syrienne en violation intolérable de la charte de l’ONU ; il incombe au secrétaire général de l’ONU d’en saisir sans délai la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre du président syrien, de ses ministres de l’intérieur et de l’armée ainsi que des chefs d’état-majors des armées et de la police. Il convient de convoquer le conseil de sécurité afin de suspendre sine die les droits de la Syrie comme membre de l’ONU (droit de vote et participation aux travaux), d’élaborer une résolution d’embargo sur les armes, les flux financiers, la fourniture de pétrole.

Enfin, il faut élaborer de toute urgence un plan d’alerte maximal régional associant la Jordanie, Israël, l’Autorité palestinienne, l’Egypte et le nouveau « pivot » qu’est la Turquie ainsi que les représentants de la Ligue arabe. Ce plan ne serait plus un plan d’intervention mais de riposte concertée, et la Chine et la Russie seraient sans argument, désormais irrecevable, pour « menacer » de leur droit de véto.

La menace du président syrien s’inscrit au degré immédiatement inférieur à celui de la déclaration de guerre, il faut y répondre sans trembler. Il convient de rappeler au dictateur syrien que nous avons définitivement quitté le deuxième millénaire et qu’on ne fait plus impunément un chantage à la paix entre les nations. Et à l’égard de la population civile syrienne, ce sera lui témoigner que la mondialisation ou la globalisation peut être synonyme, également, d’engagement et de solidarité internationale.

source: http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/02/syrie-la-politique-des-deux-poids-deux-mesures-n-est-plus-tenable_1596951_3232.html