« A Alep, les enfants retrouvent le sourire mais ont le ventre vide »-par Karam Al-MASRI et Hasan MOHAMMED
Pour la première fois depuis la dernière trêve en février, les avions n’ont pas lancé leurs bombes et les Alépins ont pu dormir d’un coeur léger.
Les enfants ont pris d’assaut mardi les balançoires et les manèges multicolores sans craindre que leurs jeux se terminent dans le sang en ce premier jour de trêve à Alep mais ils ont toujours le ventre vide.
Le quartier rebelle de Boustane al-Qasr a retrouvé les rires des enfants qui profitaient de cette accalmie pour sortir jouer, rompant avec un quotidien où ils sont cloîtrés chez eux pour échapper à la mort.D’autres, un peu plus âgés, jouent au football sous un pont détruit, comme beaucoup d’immeubles dans le quartier de Chaar. Mais ce jour d’Aïd al-Adha, la fête musulmane du sacrifice, n’est pas synonyme, comme avant la guerre, de festin car les étals sont vides.
Dans le quartier Ferdous, dans le centre d’Alep, Mohammed, 11 ans, pointe son pistolet en plastique sur son copain, avec qui il joue à la guerre. »Ce qui me manque le plus ce sont les pommes caramélisées, la barbe à papa et les glaces car nous n’en avons pas eu cette année pour l’Aïd. Personne n’en vend car il n’y a pas d’électricité », explique-t-il.
Pour la première fois depuis la dernière trêve en février, les avions n’ont pas lancé leurs bombes et les Alépins ont pu dormir d’un coeur léger mais les quartiers rebelles de l’ancienne capitale économique (situés dans l’est), comme les autres villes assiégées, ont attendu en vain la distribution de l’aide humanitaire escomptée en vertu de l’accord de trêve.
« L’arrêt des raids, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Nous voulons l’entrée de la nourriture », affirme à l’AFP Abou Jamil, à Ansari, un quartier rebelle de la deuxième ville du pays. « La situation est mauvaise, car les marchés sont vides », assure cet homme de 55 ans.
Déception
Dévasté par la guerre, le secteur est de la métropole, assiégé, connaît des pénuries sans précédent.Certes, ce principal front du conflit s’est calmé. Mardi, le correspondant de l’AFP a constaté que les rues étaient beaucoup plus fréquentées que d’habitude.
Des habitants discutaient sur les trottoirs ou devant leurs maisons et dans beaucoup de quartiers.Mais beaucoup de souks étaient fermés, faute de provision, et dans les rares restés ouverts, des passants tentaient de faire de maigres emplettes, avec des aubergines, les courgettes et quelques plantes potagères.
La déception est palpable car aucune aide n’est arrivée bien que l’accord russo-américain prévoit l’entrée de l’aide dès lundi dans les villes assiégées ou difficiles d’accès, comme à Alep, où 250.000 personnes manquent de tout du côté rebelle.
Mahrous Ismaïl, du quartier rebelle Bayada, avait acheté il y a un mois un mouton de 40 kg pour l’Aïd. « Il ne pesait aujourd’hui plus que 33 kg car impossible de trouver de quoi le nourrir », dit-il.
Les Nations unies n’ont pas distribué d’aide humanitaire aux civils syriens au premier jour du cessez-le-feu en raison de péoccupations de sécurité. L’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a précisé à des journalistes à Genève n’avoir « aucune information sur des camions de l’Onu en route actuellement », réclamant « des assurances que les conducteurs et les convois ne soient pas touchés ».
Semblant de normalité
Dans la ville rebelle de Douma près de Damas, également assiégée, ce sont surtout les équipements médicaux qui font défaut. »Nous espérons que nos dépôts se rempliront de médicaments », a indiqué Yasser al-Chami, directeur dans un hôpital de la ville.
Abou Hamza, qui tient le service de dialyse, dit attendre « l’entrée des équipements nécessaires (pour ces soins) car tout retard affecte l’état des patients ». « Il ne nous reste plus rien de la dernière aide », livrée à la mi-juin, dit-il.
Dans la partie gouvernementale d’Alep, les habitants sont juste ravis de revenir à un semblant de normalité, avec des enfants jouant au babyfoot. « J’espère que ça va être du sérieux. J’espère ne plus entendre les cris des blessés dans l’hôpital », affirme à l’AFP Alaa Jomaa, qui a abandonné ses études d’économie pour devenir infirmier à cause de la guerre. »Cela fendait le coeur d’entendre ces cris à chaque fois qu’on retirait les éclats de roquettes d’un corps. Aujourd’hui, pour la première fois, je n’ai pas entendu ces cris ».Ahmad Abdel Moti, concierge de l’hôpital de 41 ans, est content de ne pas avoir entendu une sirène d’ambulance ». « Pour la première fois, je n’ai pas noté de noms de blessés ou de morts ».