A Alep, même les cercueils manquent – par Hala Kodmani

Article  •  Publié sur Souria Houria le 10 juin 2016

Il n’est plus permis de mourir à Alep. Le service de médecine légiste de la ville a annoncé mardi l’épuisement total des linceuls, cercueils ou sacs pour la conservation et le transport des cadavres. Le nombre de morts a dépassé toutes les prévisions ces deux dernières semaines, variant entre 20 et 50 par jour dans les zones de la ville et de sa région contrôlées par l’opposition syrienne armée. Ce carnage se déroule sans trop de bruit, contrairement à avril. Pendant que l’attention du monde est tournée vers les batailles engagées contre les places fortes de l’Etat islamique en Irak (Fallouja) et en Syrie (Minbij ou Raqqa), le régime de Damas a repris ses raids aériens incessants sur la deuxième ville du pays, avec l’appui de l’aviation russe. «Nous soutiendrons activement l’armée syrienne par les airs pour empêcher les terroristes de s’emparer de territoires», a réaffirmé lundi à Moscou Serguei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

Alors qu’il ne reste plus grand-chose à détruire à Alep, régulièrement assommé depuis plus de trois ans par les barils explosifs à bas coût et aux effets dévastateurs, Damas et ses alliés continuent de s’acharner contre la ville. Malgré la mobilisation massive au sol de milices iraniennes, libanaises et irakiennes aux côtés des forces gouvernementales syriennes, Alep a jusque-là résisté aux assauts. Menacée d’encerclement depuis plus d’un an, la moitié est de la ville, où vivent encore près de 300 000 habitants, survit miraculeusement. Ses enfants vont à l’école entre les raids aériens, ses services municipaux sont gérés, sa défense civile est devenue experte pour dégager les corps de sous les décombres. Il lui manque juste 1 000 linceuls, 1 000 sacs et 200 cercueils, pour une valeur totale de 11 600 dollars, indiquent ses médecins légistes à l’intention d’éventuels donateurs. Les habitants d’Alep ne demandent plus qu’une mort charitable.

A Alep, le 5 juin.

A Alep, le 5 juin. Photo Baraa Al-Halabi. AFP