A Idlib, l’armée syrienne ne veut pas céder une région stratégique – par Marie Kostrz
Après Homs, Idlib. L’armée syrienne a pris d’assaut cette ville du nord-ouest du pays samedi matin. Depuis, la répression continue et touche toute la région qui l’entoure.
L’offensive était redoutée : depuis plusieurs jours, des chars avaient pris position autour d’Idlib. Lancée samedi matin vers 10h30, l’attaque a touché les quartiers nord de la ville.
Ils n’ont pas été pris pour cible par hasard. Contacté par Rue89, Ayham Jabal Azzawiyah (prénom modifié), membre de l’Union libre d’Idlib, un mouvement de jeunes révolutionnaires, explique :
« C’est un des points chauds de la contestation. C’est là où il y a le plus de manifestations contre Bachar al-Assad. La place qui s’y trouve a été rebaptisée “Place de la libération”. »
« Trop dangereux de fuir »
L’Armée syrienne libre (ASL) est aussi très présente dans cette partie de la ville où au moins seize personnes ont perdu la vie samedi. De nouvelles pertes humaines sont à redouter puisque l’armée fidèle au régime a ce dimanche étendu son offensive à d’autres quartiers d’Idlib.
Des combats entres l’ASL et l’armée régulière ont lieu dans le sud d’Idlib. L’Ouest a aussi été attaqué par l’armée de Bachar al-Assad, où la rue Dabeet a été bombardée :
Selon Ayham Jabal Azzawiyah, quatre hommes et deux enfants sont décédés. Quinze autres sont blessés. Il explique que les civils sont bloqués dans la ville :
« C’est trop dangereux de fuir pour le moment. Certains sont partis mais avant l’offensive car on savait bien que nous serions les prochains après Homs. »
Proche de la frontière turque : « Plus facile d’acheminer armes et nourriture »
La région d’Idlib revêt en effet une importance stratégique pour le pouvoir. A la fois proche de la frontière turque et éloignée de Damas, elle permet aux Syriens opposés à Bachar al-Assad de mieux s’organiser. Mohammad (prénom modifié), de l’Union d’al-Kalamoun, groupe de révolutionnaires de la banlieue de Damas, précise :
« Les révolutionnaires peuvent aller et venir en Turquie, il est plus facile d’acheminer des armes, de la nourriture ou du matériel de communication.
C’est une situation très différente d’Al-Kalamoun ou Zabadani, qui ont été parmi les premiers foyers de contestation à avoir été attaqués avant Homs : ces villes sont proches de Damas et de la frontière avec le Liban. Or ce pays est allié à la Syrie, l’accès y est donc beaucoup plus dur. »
Beaucoup de désertions
La province d’Idlib, au relief escarpé, permet également à l’ASL de se déplacer plus facilement. Les combattants connaissent bien la géographie du lieu alors que l’armée régulière ne peut avoir accès à la totalité du terrain.
Il s’agit aussi pour le pouvoir de mater une région qui a été l’une des premières à se soulever contre le régime. Les manifestations étaient déjà réprimées l’été dernier. Face à la violence de la répression, les habitants se sont retournés contre le régime, grand pourvoyeur d’emplois dans la province. Policiers, militaires…ils ont été nombreux à rejoindre l’ASL.
Résultat : toute la province d’Idlib, où sont dispersés de nombreux villages et petites villes, subit aujourd’hui l’offensive du pouvoir. Ein Larouz, Ihsim, Ibsamas, Albara, Kafranbil, Kensafra, Iblin KefrAwaid, Mwazrah… tous ont essuyé des tirs d’obus, de mortiers et incursions de l’armée régulière depuis samedi.
Un combat très inégal
Abd Darkoush (prénom modifié) appartient à l’Union de Darkoush, un groupe d’activistes qui couvre les alentours de cette ville proche de la frontière turque. Il souligne la violence de la répression :
« A Al-Janoudia, plusieurs familles ont été attrapées au hasard par l’armée qui s’en est servie comme bouclier humain. L’ASL est en effet présente dans le village, comme dans beaucoup d’autres dans la province d’Idlib. »
Des tirs de mortiers et des bombardements « à l’aveugle » ont aussi causés la mort de civils. Des combats entre l’armée régulière et l’ASL y font toujours rage ce dimanche après-midi. Abd Darkoush ajoute :
« Vingt soldats de l’armée du régime ont été tués, l’ASL a récupéré toutes leurs armes et leurs munitions. »
Il redoute cependant que la répression du régime ne durcisse et qu’Idlib subisse le même châtiment que Baba Amro à Homs. A Idlib ou dans les villages alentours, les activistes ont entièrement conscience de la supériorité matérielle de l’armée fidèle à Bachar al-Assad.