A Saint-Ouen, des enfants syriens sans-abri jouent sur la route – par Sarah Hamdi
Depuis une quinzaine de jours, une quarantaine de familles syriennes ont investi la porte de Saint-Ouen. Sous le pont du périphérique parisien, ces réfugiés ont fui la guerre en Syrie. En situation d’urgence, ils réclament l’aide de l’Etat.
La scène a de quoi faire peur. Entre la sortie du périphérique parisien, porte de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et la rue du Docteur-Babinski, des enfants en bas âge jouent et courent sur la route. Les parents essayent, en vain, de les cantonner à un petit espace de verdure sur la voie. Eux, ce sont des réfugiés syriens. Ils ont fui le conflit qui s’enlise en Syrie et recherchent aujourd’hui l’asile en France.
Une quarantaine de familles de réfugiés syriens vivent de dons, porte de Saint-Ouen à Paris.
Pascale Leray
Assis par terre en petits groupes, sans abri, les adultes ont l’air épuisé autant par le bruit des voitures qui défilent que par la chaleur moite qui règne même à l’ombre. « J’aimerais bien retourner en Syrie, mais bon… », rêvasse une jeune femme, son fils à tête blonde dans les bras. Plus loin, deux petites filles lavent des vêtements dans un sac cabas à l’aide d’une savonnette et d’un peu d’eau. Un des hommes nous interpelle en français: « On veut que vous racontiez ce qui se passe ici sans exagérer, ni minimiser. »
Voilà maintenant une quinzaine de jours que ces réfugiés syriens se regroupent à la sortie du périph’ faute de mieux. Ces quarante familles environ vivent essentiellement grâce à des dons. « Des gens au courant de leur présence ici, ainsi que les associations leur apportent nourriture et vêtements, » explique Michel Morzière, président d’honneur de l’association Revivre, qui les aide au quotidien.
Ce n’est pourtant pas la première fois que des réfugiés se retrouvent aux abords de la ville. En avril, 165 Syriens s’étaient installés dans le square Edouard-Vaillant de Saint-Ouen après un long parcours d’errance. Face à l’urgence de la situation, un « guichet unique » pour les demandes d’asile avait été mis en place. Ce qui avait permis de traiter rapidement l’ensemble des demandes du groupe et de les orienter vers des foyers.
Aujourd’hui, la mairie a fermé le square pour éviter tout rassemblement et aucune demande d’asile n’a encore été lancée. Les associations aimeraient que cette procédure exceptionnelle soit renouvelée car les démarches pour obtenir l’asile durent plus de six mois. Période au cours de laquelle les réfugiés n’ont pas le droit de travailler.
« Je ne sais pas où on va dormir ce soir »
Kassem Joumaa El Naasane est arrivé en France il y a trois mois. Sa femme et ses enfants viennent de le rejoindre. Ce soir, ce père de famille « ne sait pas où ils vont dormir. » Pour la nuit, ces Syriens doivent trouver une solution au jour le jour. Certains dorment dans « des chambres d’hôtels financées par des particuliers, des associations religieuses ou des mosquées », précise Michel Morzière. Une instabilité devenue insoutenable pour eux.
« J’ai averti les pouvoirs publics, dès l’arrivée des réfugiés, pour qu’ils prennent les dispositions qui s’imposaient. Je trouve ça complètement ahurissant de laisser des familles dans un tel état de précarité », déclare à L’Express Pierre Henry, directeur général et porte-parole de l’association France Terre d’Asile.
« Un miracle qu’il n’y ait pas eu d’accident »
Une réunion s’est tenue à l’initiative de la mairie de Paris lundi après-midi avec les représentants de la région et du département afin de trouver une solution. La municipalité et les acteurs associatifs effectuent pour le moment « un diagnostic de la situation le plus précis possible auprès de ces personnes afin d’évaluer les besoins, les demandes d’accompagnement éventuelles » et d’amorcer une éventuelle prise en charge.
Une évaluation qui risque de prendre plusieurs jours alors que la situation presse. « Certains soirs, on a pu constater que des gamins couraient au milieu des voitures. C’est déjà un miracle qu’il n’y ait pas eu d’accident », explique Pierre Henry. « L’Etat doit prendre ses responsabilités. On ne peut pas laisser l’asile à la charité », conclut-il.
date : 01/08/2014