AL-ASSAD ACCEPTE LA PAIX, MAIS CONTINUE LA GUERRE – ARMELLE LE GOFF

Article  •  Publié sur Souria Houria le 29 mars 2012

SYRIE Les Nations unies exhortent le président à tenir ses engagements

Damas invité à tenir ses engagements. « J’exhorte vivement le président Bachar al-Assad à traduire immédiatement dans les faits [ses] engagements », a déclaré mercredi Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies lors d’une visite au Koweït. Officiellement, la Syrie a accepté mardi le plan de paix de Kofi Annan, qui prévoit un cessez-le-feu et l’ouverture d’un dialogue politique. Un engagement qui ne semble pas empêcher les forces syriennes de poursuivre, dans le même temps, leurs attaques contre les insurgés. Mercredi, l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme a fait état de pilonnages contre des villes de la province de Deraa, non loin de la frontière avec la Jordanie, dans la région de Hama, ainsi que dans certains quartiers de Homs, la troisième ville du pays.

Le plan proposé par Kofi Annan, approuvé le 21 mars par le Conseil de sécurité de l’ONU, est considéré comme peu ambitieux par les plus farouches partisans d’un départ de Bachar al-Assad, puisqu’il n’exige pas le départ de ce dernier. Pour d’autres, c’est une première étape pour mettre un terme aux violences. « C’est une avancée très importante que la Syrie a accepté », a déclaré à Reuters le ministre irakien des Affaires étrangères, Hochiyar Zebari. Kofi Annan a reconnu quant à lui que la mise en application du plan par le régime de Bachar al-Assad « serait difficile et longue ». W

« Pas de retour possible quand le peuple s’est révolté »

Samar Yazbek est exilée en France depuis le mois de juillet 2011. Elle semble continuer à vivre en sursis, au fil des événements qui lui parviennent de Syrie, inquiète pour ses proches toujours sur place. Elle est l’auteur de Feux croisés. Journal de la révolution syrienne.

Comment supportez-vous le fait de vivre en exil ?

Ma vie est comme une épée à double tranchant. En Syrie, je mettais ma vie en danger et vivais avec la crainte de mettre celles d’autres personnes en danger, notamment certains de mes proches. Ici, à Paris, je suis en sécurité, mais je ne vais pas bien du tout. Je continue à vivre au rythme de ce qu’il se passe en Syrie, mais sans y être. Au quotidien, je participe à de nombreuses rencontres avec des élèves, des étudiants. Mais je me tiens à distance du monde politique. Je suis persuadée que c’est grâce à la population que l’on touche les décideurs.

Que pensez-vous de la position de la communauté internationale sur le dossier syrien ?

Je trouve que la communauté internationale a beaucoup avancé ces derniers mois, notamment grâce à la France, qui s’est montrée très active à l’ONU. Mais il faut bien être conscient que la Syrie, voisine de l’Iran, du Liban et d’Israël, est assise sur une poudrière. Tout cela n’incite pas à prendre des décisions tranchées. Dans tous les cas, je suis farouchement opposée à une intervention armée. En revanche, je souhaite que Bachar al-Assad passe la main.

Est-ce seulement possible ?

Non, j’en ai peur. Depuis le début de l’Intifada, son attitude montre au contraire qu’il tient à se maintenir coûte que coûte.

On le présente parfois comme une marionnette aux mains d’un clan. Est-ce votre avis ?

Non. Il est le chef incontesté d’une famille de mafieux qu’il contrôle totalement.

Vous attendiez-vous à cette révolution ?

Quand les révolutions arabes ont commencé, j’ai senti que la révolte allait venir jusqu’à nous. Cela fait quarante ans que nous vivons sous le joug de l’humiliation. Mais le régime n’a pas pu empêcher sa jeunesse de se former politiquement, notamment grâce à Internet. Le temps était venu pour lui de faire face à la contestation. Mais ce n’est pas seulement une Intifada de la jeunesse, c’est un vrai mouvement populaire qui traverse tout le pays, les campagnes, comme les villes. Une révolution d’esclaves contre leurs maîtres.

Si la révolution devait aboutir, n’avez-vous pas peur que des mouvements islamistes ne la confisquent ?

Une fois que le peuple s’est révolté, on ne peut plus revenir en arrière. Donc non, je n’ai pas peur. Je pense au contraire que la dictature nourrit l’extrémisme.

Samar Yazbek vit au rythme de « ce qu’il se passe en Syrie, mais sans y être ».

 

 

20 MINUTES, jeudi 29/03/2012