« ALEP VA ÊTRE ANÉANTI PAR L’AVIATION SYRIENNE ET RUSSE »
Ovationnés par les parlementaires mardi à l’Assemblée nationale, une délégation civile syrienne a ensuite dû se justifier auprès de députés de l’opposition « dubitatifs » sur le fait de savoir « qui ils représentaient vraiment ».
Les « casques blancs » étaient à l’honneur mardi à l’Assemblée nationale. Ces secouristes bénévoles viennent en aide aux victimes des bombardements, qui frappent notamment Alep depuis de longs mois. La ville, qui comptait près de 2 millions d’habitants fin 2013, a vu sa population fondre à 325 000 personnes, dont 100 000 enfants. La plupart ont fuit la ville, voire le pays, quand d’autres ont trouvé la mort après la mise en place d’un blocus au cœur de l’été.
Auditionnés par la commission des Affaires étrangères, les Syriens ont livré plusieurs témoignages forts :
« 70% du système éducatif est gelé à cause des bombardements russes incessants. Les infrastructures les plus importantes sont la cible de l’aviation russe de manière systématique : les fours à pains, les rassemblements des civils, les bureaux du conseil local, les hôpitaux, les cliniques et les réserves de produits alimentaires et de médicaments… […] Alep va être anéanti par l’aviation syrienne et russe. »Hagi Hasan Brita, président du Comité civil de la ville d’Alep
Les membres des « casques blancs » ont assuré avoir constaté des « crimes de guerre« . Par exemple, l’utilisation à « au moins six reprises de bombes au phosphore blanc contre les civils » et la destruction de convois humanitaires, selon Abdulrahman Almawwas, le vice-président des casques blancs.
« Mais qui êtes-vous vraiment ? »
L’accueil très chaleureux de la délégation syrienne a toutefois était quelque peu refroidi par l’intervention de deux députés LR en commission des Affaires étrangères. Sans clairement le formuler, ils ont voulu savoir si les casques blancs n’étaient pas sous l’influence de mouvements islamistes.
Ainsi, Jacques Myard s’est dit « plein d’interrogations » et s’est demandé si la présence de ces casques blancs ne relevait pas « d’une forme de manipulation« . Et son collègue Pierre Lellouche de renchérir en leur lançant : « Qui représentez-vous vraiment ? Qui vous finance ? »
Des propos « honteux« , pour le vice-président des casques blancs qui a répliqué :
« Nous savons qui nous représentons ! Sur une base de volontariat, nous avons sauvé 70 000 personnes dont nous avons les noms ! Nous recevons le soutien financier de 5 pays : les USA, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Hollande et le Danemark. Nous pouvons vous montrer notre budget et comment nous dépensons notre argent. »Abdulrahman Almawwas, vice-président des casques blancs
Avant d’ajouter encore :
« Qui sommes-nous ? Nous sommes Syriens, nous venons de milieux différents. Moi je suis ingénieur à l’origine, il y a des ouvriers du bâtiment, des avocats, des enseignants et des milliers de volontaires qui croient en une Syrie libre et démocratique et qui croient que c’est une révolution populaire comme c’était le cas en 1789. Ils ont foi dans les principes des pays européens qui ont réussi à instaurer des régimes démocratiques. »Abdulrahman Almawwas, vice-président des casques blancs
Puis le ton est descendu d’un cran.
Le président du Comité civil d’Alep, élu par ses habitants, a reprécisé le rôle l’Armée syrienne libre :
« Qui lutte contre le régime ? L’armée syrienne libre, que le régime a obligé à prendre les armes, alors que les manifestations avaient pour slogan la liberté et la démocratie. »Hagi Hasan Brita, président du Comité civil de la ville d’Alep
« La France ne vous abandonnera jamais »
Plus tôt dans l’après-midi, Manuel Valls s’est exprimé lors des questions d’actualité sur le sujet syrien. « Le combat pour sauver Alep, c’est le combat de la France !« , a-t-il lancé solennellement, après une longue salve d’applaudissements – à gauche comme à droite – en direction de la délégation civile syrienne.
Le premier ministre a rappelé que la France a défendu un cessez-le-feu devant le Conseil de sécurité de l’ONU, et non « une simple trêve de quelques heures« . Cessez-le-feu refusé par la Russie, qui a continué ses bombardements sur la ville d’Alep, où s’affrontent troupes pro et anti Assad.
Le chef du gouvernement a aussi assuré que « la France n’abandonnera jamais [les Syriens] » :
« Vous pouvez compter sur elle, même si c’est difficile, pour exiger une nouvelle fois un cessez-le-feu […] Comptez sur elle pour l’aide humanitaire […], comptez sur elle pour que soit organisée en toute sécurité l’évacuation des blessés, comptez sur elle aussi pour que les crimes de guerre soient dénoncés et poursuivis sans faiblesse, et comptez sur elle pour dire à la Russie, qui est un grand pays, qu’elle assume pleinement ses responsabilités […] Il faut que ces crimes sur Alep cessent, que la dialogue puisse se retrouver, pour instaurer enfin la paix et la démocratie, c’est l’appel de la France ! »Manuel Valls