Armer l’opposition est « la seule solution » par Gokan Gunes

Article  •  Publié sur Souria Houria le 16 mars 2012

Une manifestation était organisée, ce jeudi 15 mars, à Paris pour commémorer le début de la révolte syrienne. Un an de soulèvement, sans parvenir à faire chuter le régime de Bachar el-Assad. Est-il temps d’armer l’opposition?

Ici à Amman en Jordanie, comme partout à travers le monde, des manifestations contre le président Bachar Al-Assad étaient organisées, jeudi 15 mars, à l'occasion du premier anniversaire du début de la révolution syrienne. L'Express est parti à la rencontre des manifestants à Paris. REUTERS/Muhammad Hamed

Sur l’écran géant, Deraa, berceau de la révolte syrienne. Un homme lance un slogan, aussitôt repris par la foule compacte: « Wahed, wahed, wahed, al chaab al souri wahed! » (Un, un, un, le peule syrien ne fait qu’un). A plus de 4000 km, et deux fuseaux horaires de là , des centaines de personnes massées sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris amplifient la voix de la foule. Un live connecte, l’espace de quelques minutes, les deux groupes.
La foule massée devant l'Hôtel de Ville de Paris accuse le CNS de n'avoir rien fait contre la répression du régime. Gokan Gunes

La foule devient silencieuse, comme frappée de stupeur. Les drapeaux syriens qui virvoltaient au-dessus des têtes innombrables, il y a tout juste un instant, sont en berne. Sur l’estrade, Oussama Jaber, 16 ans à peine, vient de raconter la mort, sous la torture, de deux fils de Homs encore plus jeunes que lui. Il lance un appel à la communauté internationale: « J’enjoins le monde à agir par tous les moyens pour qu’enfin justice soit rendue ».

L’armement est notre seule solution pour ne plus avoir à payer le prix de la liberté

Agir, mais comment? Sur la scène, Burhan Ghalioun, le président du Conseil national syrien (CNS), essuie une volée de quolibets. Des « Burhan dégag! » fusent de la foule. « Il n’a rien fait pour la révolte, accuse Fayssal, Franco-syrien âgé de 50 ans. Cela fait plus de six mois qu’il est président du CNS, mais il n’a jamais visité un camp de réfugiés en Turquie ou au Liban ». « Donnez-nous des armes! » crient d’autres manifestants. Au micro, Suhair Atassi, militante syrienne des droits de l’homme, demande un « soutien logistique de l’Armée syrienne libre » (ASL), composée principalement de déserteurs de l’armée nationale. « L’armement est notre seule solution pour ne plus avoir à payer le prix de la liberté », explique un opposant.

« Les solutions politiques seront bientôt épuisées »
Pour Omar al-Asaad, le journaliste, il faudrait aider l’ASL en lui fournissant des armes lourdes, mais à une condition: « organiser l’ASL en armée régulière ». Toutefois, l’aide ne doit pas émaner des gouvernements étrangers, mais de « la pression de l’opinion publique mondiale », seule source de légitimité possible, selon lui.

Des manifestations étaient organisées à travers le monde, le 15 mars, pour commémorer le début du soulèvement contre le régime de Bachar el-Assad. Un an de révolte, et un an de répression orchestrée par l' »assassin Bachar ». A Paris, des réfugiés syriens fraîchement arrivés en France étaient parmi la foule qui a répondu à l’appel de la Mairie et de nombreuses ONG. C’est le cas, notamment, d’Omar al-Asaad, journaliste et activiste, qui a gagné la France il y a un mois et demi. Arrêté, puis relâché à deux reprises, il avait pour compagnons de cellule des enfants « de 12 à 15 ans ».

Pour Nizar, en revanche, la vraie question est celle de l’équité. « Si on ne fournit pas d’armes » aux révoltés, alors il faut « faire en sorte que la Russie et l’Iran ne puissent pas en fournir au régime » de Bachar el-Assad. Membre de l’association Souria Houria, qui vient en aide aux Syriens qui se réfugient en France, il milite pour une révolte pacifique, mais admet qu’il faut envisager l’armement des opposants à Damas. Après un an de révolte, « les solutions politiques seront bientôt toutes épuisées ».

Mais ce soir, l’heure est d’abord au recueillement. Des mémoriaux improvisés au moyen de bougies et de fleurs rassemblent des grappes de manifestants. Avant de se disperser, la foule entame une dernière fois son chant de guerre: « Wahed, wahed, wahed, al chaab al souri wahed! » Et sous son large chapeau noir, un homme, la quarantaine, pleure comme un enfant.

Source : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/syrie-armer-l-opposition-est-la-seule-solution_1094477.html

Date : 16/03/201