«Au revoir Stephan…» Par Catherine et Bernard Villeneuve,

Article  •  Publié sur Souria Houria le 25 juin 2017
Stephan Villeneuve (Alep, 2013).

Stephan Villeneuve (Alep, 2013). Photo Balkis Press. Abaca

«Au revoir Stephan…»Par Catherine et Bernard Villeneuve, Parents du journaliste Stephan Villeneuve — 22 juin 2017 à 17:06 (mis à jour à 17:11)

Le reporter de guerre Stephan Villeneuve a été tué cette semaine à Mossoul. Ses parents évoquent son engagement journalistique.

  • «Au revoir Stephan…»

Il y a trente ans, nous, tes parents, Catherine et Bernard, trouvions le métier de reporter de guerre fou et dangereux. L’agence qui allait devenir Capa, créée par Hervé Chabalier, courageux et déterminé, t’a tendu les bras. Tu es devenu JRI, journaliste, reporter d’images. Nous nous sommes ralliés à ton enthousiasme, nous avons compris que c’était ta passion et que tu en ferais ton métier, pour te réaliser, pour être heureux, toi qui avais tant de mal à l’être. Le danger ? C’était le prix à payer pour découvrir ton âpre envie de vivre. Nous l’avons accepté.

Stephan, tout est passé si vite, mais ta vie a été celle que tu voulais, riche, utile. Tu laisses derrière toi ces reportages puissants et sincères que nous n’oublierons jamais et que nous ferons vivre. Tu as fait plusieurs fois le tour de notre Terre et le tour de nos cœurs. Tu voulais témoigner de ces moments où la vie des hommes, des femmes et des enfants ne leur appartient plus, emportés dans l’une de ces guerres toujours recommencées. Tu voulais témoigner de l’humanité de ces moments où les êtres sont nus, meurtris et pourtant debout, ces moments où, comme toi, ils retrouvaient un sens à leur vie.

Tu cherchais la vérité des êtres, comme dans le Choix de Jean, ton documentaire qui raconte la dignité d’un homme atteint d’un cancer, qui se sait condamné mais qui veut partir à son heure, à sa façon. Tu étais fasciné par la grandeur de ceux qui savent comment vivre parce qu’ils savent comment mourir.

Tes reportages ont toujours rendu justice à ces hommes et à ces femmes dans leur combat désespéré pour sortir des drames où le destin les plongeait et qui refusaient de subir, comme cette femme qui veut accoucher d’un deuxième enfant en pleine guerre du Kosovo, alors qu’elle vient de perdre le premier, frappé à l’intérieur de son ventre.

Rien ne t’obligeait à partager le malheur des autres. Tu voulais simplement être avec eux et leur dire : «Vous êtes importants, on ne vous oubliera pas, car je raconterai et je montrerai.» Ta force et ta fougue étaient les seuls bagages de tes expéditions.

Stephan, ton dernier voyage à Mossoul aurait pu t’emmener au loin, à jamais. Nous te gardons près de nous, aujourd’hui et pendant tous ces longs jours qui vont se succéder, dans la peine et le chagrin.

Au revoir, Stephan.