Avant la réunion de Paris, la Coalition Nationale syrienne presse le pas – par Ignace Leverrier
A l’approche de la réunion de Paris, qui se tiendra lundi 28 janvier en présence de ses principaux dirigeants, la Coalition Nationale des Forces de la Révolution et de l’Opposition Syrienne (CN) a redoublé d’activité et pris plusieurs décisions importantes.
Au cours de sa réunion mensuelle tenue les 19 et 20 janvier à Istanbul, en présence d’une soixantaine de participants, elle a d’abord créé, pour mener à son terme la réflexion sur la composition du gouvernement provisoire, un comité restreint de 6 personnes. Il a pour mission de consulter les forces de la révolution, l’opposition, l’Armée Syrienne Libre et les pays frères et amis. Il devra recueillir les opinions des différentes parties sur la composition de ce gouvernement. Il devra enfin évaluer le respect des engagements matériels et politiques pris par les uns et les autres pour lui donner les moyens de son action.
Conformément aux règles adoptées lors de la mise en place de la Coalition Nationale, aucun des membres de ce comité – à savoir son président Ahmed Moazz Al Khatib, le président du Conseil National Syrien Georges Sabra, Ahmed Sayyed Yousef, Burhan Ghalioun, Ahmed Al Asi Al Jarba et Moustapha Sabbagh, secrétaire général de la Coalition – ne pourra faire partie de ce gouvernement. Cette restriction avait été brièvement levée, mais, à la demande expresse de nombreux activistes, elle a été confirmée.
Le comité disposera de 10 jours pour mener à bien son travail et soumettre, à l’assemblée générale de la Coalition, un rapport faisant la synthèse de ses contacts et de ses réflexions. Une discussion en Assemblée générale débouchera sur une décision et, peut-être, sur l’annonce de la composition de ce gouvernement tant attendu. Il devra pouvoir bénéficier aussitôt de réels moyens d’action, à savoir, comme réclamé sans succès – ou du moins sans réelle traduction concrète – à Marrakech :
– la création d’un fonds de secours suffisant pour lui permettre de répondre aux besoins vitaux de la population, et
– la reconnaissance du droit du peuple syrien à l’autodéfense, qui implique la livraison des moyens militaires nécessaires à cette protection.
En attendant cette nouvelle échéance, la Coalition a créé 7 commissions administratives, chargées d’apporter des réponses aux problèmes les plus urgents, à savoir :
– une Commission d’action diplomatique, dont la mission prioritaire sera de faire pression sur les Nations Unies pour empêcher le versement des 519 millions de dollars destinés aux institutions officielles syriennes, dans le cadre d’un plan adopté le mois dernier ;
– une Commission des communications téléphoniques et électroniques, chargée de fournir aux révolutionnaires les supports techniques et matériels dont ils ont besoin ;
– une Commission de contrôle et de sécurisation des postes frontières ;
– une Commission de règlement de la crise en cours à Ras al Aïn ;
– une Commission des problèmes des réfugiés ;
– une Commission des blessés de la révolution ;
– une Commission de liaison avec les forces de la révolution et de la société civile.
Sous la pression des évènements, mais sans doute aussi de ses amis syriens et étrangers, la Coalition paraît donc désireuse d’accélérer le pas. Elle semble également soucieuse de manifester la transparence financière dont, à tort ou à raison, le Conseil National Syrien avait été accusé de manquer. C’est ainsi qu’elle a rendu publics, le 19 janvier, les montants attribués aux différents conseils locaux de gouvernorat et le nom des personnes auxquelles ces sommes ont été remises.Offerts par le Qatar dès la création de la Coalition, le 11 novembre 2012, 8 millions de dollars ont été ainsi répartis :
– 700 000 $ au Conseil local de Daraa, via Mohammed Qaddah,
– 800 000 $ au Conseil local d’Idlib, via Adnan Rahmoun,
– 700 000 $ au Conseil local de Hama, via Salaheddin Al Hamwi,
– 800 000 $ au Conseil local de Homs, via Abdelillah Fahd,
– 1 million $ au Conseil local d’Alep, via Jalaleddin Al Khanji,
– 600 000 $ au Conseil local de Damas campagne, via Jawad Abou Hatab,
– 600 000 $ au Conseil local de Damas ville, via Mohammed Yahya Maktabi,
– 200 000 $ au Conseil local de Tartous, via Abdel-Karim,
– 200 000 $ au Conseil local de Qouneitra, via Ahmed Awad Mohammed,
– 100 000 $ au Conseil local de Soueïda, via Rima Fleihan,
– 200 000 $ au Conseil local de Raqqa, via Moustapha Nawwaf Al Ali,
– 200 000 $ au Conseil local de Hassakeh, via Mohammed Moustapha Mohammed,
– 600 000 $ au Conseil local de Lattaquié, via Ziyad Al Rayyes,
– 700 000 $ au Conseil local de Deïr al Zor, via Riyad Al Hasan,
– 200 000 $ au Haut Conseil de la Révolution Syrienne, remis à Mohammed Soulta,
– 200 000 $ aux Comités de Coordination Locaux, remis à Rima Fleihan.
Enfin, deux membres importants de la Coalition, concernés au premier chef par les affrontements de Ras al Aïn qui ont repris de plus belle après une brève accalmie, ont lancé des appels au calme et à la coexistence pacifique. Le cheykh Salem Al Meslat, de la tribu arabe des Joubour, a d’abord rappelé à tous les habitants de la Jazireh que le combat actuellement mené en Syrie devait être uniquement dirigé contre le régime et les chabbiha à son service. Les affrontements de Ras al Aïn avaient malheureusement tué des innocents et des patriotes. Il appelait donc les belligérants, pour préserver la sécurité de la région et la paix civile, à revenir à la raison, à distinguer les partisans de la révolution et les agents du pouvoir et à ne pas s’éloigner des objectifs de la contestation. Condamnant aussi bien ceux qui dirigeaient leurs armes contre l’Armée Syrienne Libre que ceux qui prenaient pour cible de simples civils, il a engagé les uns et les autres à mettre un terme à leurs exactions.
L’ancien président kurde du Conseil National Syrien, Abdel-Baset Sida, n’a pas tenu un autre langage. Les affrontements de Ras al Aïn n’avaient pas lieu d’être. La ville n’avait aucune importance stratégique et elle ne pèserait en rien dans la chute du régime. L’obstination de chacune des parties en présence à vouloir imposer sa seule domination ne rendait service qu’au pouvoir en place. Il condamnait donc les vols, les pillages et les destructions commis par les assaillants, qui donnaient une image falsifiée de la révolution. Et il appelait la totalité des groupes armés à se retirer de la ville, pour laisser ses habitants gérer leurs affaires par eux-mêmes.
[On reviendra ultérieurement sur le conflit de Ras al Aïn, qui met en présence deux forces armées aussi suspectes l’une que l’autre.
D’un côté, des groupes d’inspiration jihadiste – Ghouraba al Cham, Jabhat al Nousra… – qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’Armée Syrienne Libre. Echappant à son contrôle et refusant de coordonner avec elle leurs actions, ils prennent les initiatives correspondant à leur seul agenda islamiste. Leur présence et leur action, leurs objectifs aussi, préoccupent une partie importante des révolutionnaires syriens… et des Kurdes.
De l’autre, des miliciens et des membres des Unités de Défense Populaire qui ne représentent pas « les Kurdes » mais le seul Parti de l’Union Démocratique (PYD). Le positionnement et le comportement dans le conflit en cours de cette formation, émanation syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) d’Abdallah Ocalan, suscitent réprobation et inquiétude, pour le présent et pour l’avenir, au sein d’une partie importante de la population kurde – et non kurde… – de Syrie]
date : 21/01/2013