Ce qui se passe en Syrie (2/3) – Pierre Alain Sohier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 juillet 2012

Ce qui se passe aujourd’hui en Syrie après les massacres de Homs et de Houla ne peut se réduire à une guerre civile ou une simple guerre de religion. C’est une révolution. Connaisseur de longue date de l’histoire de la Syrie, le chercheur en sciences sociales Pierre Alain Sohier poursuit pour Marianne son analyse de la situation en Syrie. Nous publions aujourd’hui le second volet.

(Syrie, juillet 2012 – Anonymous/AP/SIPA)

L’état actuel de la révolution syrienne

Il faut rappeler que cette révolution a commencé par des manifestations pacifiques en vue d’obtenir la levée de l’état de couvre-feu imposé depuis 1963. Bachar a répondu avec une violence extrême contre les jeunes de Dar’a. Après 16 mois, ce mouvement a fait place à une révolution populaire dans toute la Syrie. Bachar est bien décidé à résister avec ses milices qui lui sont toute acquises. Quant aux révolutionnaires, ils ont déjà payé un prix extrêmement élevé : 30.000 victimes, 300.000 mutilés, prisonniers, plus d’un million de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban. Après la défection d’une partie des forces armées, ils ont pu contrôler une grande partie de Homs, Dar’a, Hamas, Idlib et deux banlieues à Damas et Alep. Sur le terrain, ces forces défendent la cause de la liberté. Aucun slogan hostile contre le régime en place. Pas comme ceux des milices de Bachar disant : « Bachar ou personne », « Il n’y a de dieu que Bachar », « Bachar ou on brûle le pays » ! Les portraits de Bachar, de son père, de ses deux frères, de Hassan Nasrallah, du Hezbollah et de Khomeny sont affichés partout. Pour l’Iran et le Hezbollah, la Syrie représente la seule ouverture sur la méditerranée et les voies terrestres les reliant entre eux.

Si nous essayons de résumer la situation aujourd’hui, nous pouvons dire que nous sommes en présence d’une armée, celle de Bachar, qui est harcelée de toutes parts et qui montre des signes d ’épuisement mais qui possède des armes lourdes lui permettant des frappes aériennes ravageuses avec l’appui logistique de l’Iran, de la Russie et du Hezbollah. De l’autre côté, les forces révolutionnaires de l’armée libre ont réussi à résister seize mois à cette machine de destruction. Elles ont conquis plusieurs zones grâce à l’organisation des jeunes révolutionnaires qui luttent et résistent héroïquement, grâce aussi à l’appui médiatique de grandes chaînes de télévision comme Aljazira, Al’Arabia, la BBC, France 24, etc.

Quant à l’opinion mondiale, elle commence à peine à réaliser ce qui est réellement en jeu. Elle semble avoir oublié les crimes d’Hafez et minimise encore ceux de Bachar. Pour l’Occident, le statut d’Israël reste l’élément de référence essentiel dans tous les conflits du Proche-Orient

Les révolutionnaires syriens, confrontés à la lâche impuissance de la communauté internationale et à l’absence de décisions simplement humanitaires, ont découvert leur propre force et leur volonté de vivre libres, en paix et dans la dignité. Ils viennent de se choisir un slogan :  «On n’a que Dieu et nous pour décider de notre destin».

 

 

date : 13/07/2012