Les contours de la coalition internationale pour lutter contre l’Etat islamique (EI) « où qu’il soit », en Irak comme en Syrie, demeurent flous à l’issue du discours du président américain, Barack Obama, mercredi 10 septembre. Outre la France qui s’est dit prête à agir en Irak, par le biais d’une action militaire aérienne « si nécessaire », cette coalition devrait inclure une quarantaine de pays occidentaux et moyen-orientaux. Le rôle de ces derniers est primordial pour lutter durablement contre la puissance et le magnétisme de l’EI.
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- Quel rôle pour l’Iran ?
La participation de l’Iran à la coalition contre l’EI est jusqu’à présent exclue. Officiellement, Washington ne discute avec Téhéran que sur le dossier nucléaire. Mais une coordination tactique semble inévitable tant l’Iran est présente sur le terrain irakien. En août, les frappes aériennes américaines ont permis aux milices chiites soutenues par Téhéran et les forces kurdes de briser le siège d’Amerli. Selon la BBC, le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a autorisé le général Qasem Souleimani, qui dirige la force d’élite Al-Qods, à coordonner les opérations avec les forces américaines, irakiennes et kurdes.
« Contenir l’Etat islamique est une chose, mais l’éliminer demande une vraie coopération », assure une source diplomatique iranienne. Cette coopération est conditionnée par Téhéran à la participation du président syrien Bachar Al-Assad. Sans lui, estime l’Iran, la lutte contre l’EI est vouée à l’échec. Par ailleurs, l’Iran n’est pas près de travailler main dans la main avec son rival saoudien qui, selon elle, « soutient et finance l’Etat islamique ».
- Quelle place pour Bachar Al-Assad ?
Le régime syrien avait misé sur l’effroi que Da’ech (acronyme arabe de l’EI) inspire aux puissances occidentales pour retrouver leurs faveurs. Fin août, Walid Mouallem, le ministre syrien des affaires étrangères, s’était empressé de proposer l’aide de Damas. Mercredi, M. Obama a de nouveau exclu toute coopération avec le régime Assad et annoncé son intention de renforcer l’opposition « modérée ». Il faut donc s’attendre à ce que le régime syrien, furieux d’être maintenu en quarantaine, mette des bâtons dans les roues de la coalition. Tout en continuant à bombarder des cibles djihadistes en Syrie pour donner du crédit à son offre de service, il pourrait intensifier ses attaques contre les brigades pro-occidentales, pour éviter que les livraisons d’armes ne raniment la moribonde Armée syrienne libre (ASL). Faut-il craindre que la Syrie réponde par la force à une éventuelle violation de son espace aérien ? M. Mouallem l’a sous-entendu en août. Mais ce faisant, Damas s’exposerait à des représailles. Il est peu probable qu’il veuille prendre ce risque aujourd’hui.
- A qui s’allier sur le terrain ?
Lutter contre l’EI nécessite une opération terrestre d’envergure. La politique des drones menée par les Etats-Unis au Pakistan et au Yémen a montré ses limites. Washington, qui a exclu l’envoi de troupes au sol, s’est allié en Irak avec l’armée gouvernementale et les forces de sécurité kurdes. Les Etats-Unis leur ont promis le soutien militaire accru de la coalition. La Turquie, qui craint que ces armes ne tombent entre les mains des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), restera en retrait. « La réussite de l’offensive anti-Da’ech repose sur la capacité des Etats-Unis à trouver des partenaires sunnites crédibles, tant en Syrie qu’en Irak. Ces forces demanderont des contreparties et il n’est pas certain que Washington pourra les leur donner, sans que Moscou et Teheran ne s’y opposent fermement », souligne Romain Caillet, un chercheur et consultant basé au Liban.
En Irak, l’une des clés de la reconquête des zones sunnites passées sous la coupe de l’EI est la fin du sectarisme pro-chiite, à la base de la politique de l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki. Sous la pression de Washington, le nouveau gouvernement dirigé par Haïdar Al-Abidi s’est engagé à contenir les milices chiites et à intégrer les anciennes milices sunnites anti-djihadiste Sahwa dans une garde nationale. En Syrie, les Etats-Unis et la France ont réaffirmé leur détermination à armer l’opposition modérée. La faiblesse de cette dernière, prise en étau entre le régime syrien et l’EI, et la crainte de voir ces forces noyautées par la mouvance djihadiste ont été des obstacles à sa reconnaissance comme partenaire légitime. La décapitation, mardi dans un attentat, du commandement d’Ahrar Al-Cham, l’une des plus puissantes brigades en Syrie, va compliquer la structuration des forces sur le terrain.
- Le rôle des puissances sunnites régionales
Les monarchies du golfe Arabo-Persique, qui ont multiplié les déclarations hostiles à l’EI, peuvent fournir une précieuse aide aux Etats-Unis. Ces derniers disposent de plusieurs bases militaires. La base d’Al-Oudeid, au Qatar, a déjà servi dans les récents bombardements des positions djihadistes en Irak. Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a offert à Barack Obama d’accueillir des camps d’entraînement pour les rebelles syriens. L’influence de Riyad pourrait être déterminante pour détourner de Da’ech les tribus sunnites à cheval sur l’Irak, la Syrie et l’Arabie. Mais les pétromonarchies devront procéder avec prudence. Leur opinion publique ne voit pas toujours d’un mauvais œil l’obsession anti-chiite des djihadistes.
Les Etats-Unis tentent d’obtenir le soutien de la Turquie. A défaut de laisser les forces de la coalition opérer depuis son territoire, Ankara pourrait exercer un contrôle plus strict sur le passage des combattants djihadistes à sa frontière et faciliter le transfert d’armes aux forces alliées. Lors de la réunion prévue à Riyad jeudi avec les puissantes sunnites régionales, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, devrait exiger des efforts supplémentaires pour tarir les flux de financements vers l’EI.