On trouvera ci-dessous le texte en français d’une « Déclaration universelle de solidarité avec les réfugiés syriens« , rédigée et diffusée par des activistes et intellectuels syriens et d’autres nationalités.
Il est possible de la signer en se rendant à l’adresse :
https://secure.avaaz.org/en/petition/Global_Support_Syrian_refugees
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21 août 2014
À l’occasion de la Journée mondiale de soutien à la Révolution syrienne
Confinés dans des espaces étroits entre les frontières officielles des Etats, des millions de réfugiés et de déplacés sont confrontés à des problèmes humains et juridiques dans un monde qui ne reconnaît leur humanité qu’en les excluant. Le peuple syrien supporte aujourd’hui les difficultés de cette situation de façon particulière et disproportionnée. Un réfugié et déplacé sur cinq dans le monde est désormais originaire de Syrie. Environ 40% des Syriens sont à présent soit réfugiés soit déplacés. Comme pour les Palestiniens, la situation de réfugié est devenue une expérience constitutive de l’identité nationale syrienne. Le retour chez eux des réfugiés et des exilés est une dimension fondamentale de la récupération par les Syriens de leur pays et de leur droit à l’autodétermination.
Au Liban et en Egypte, les réfugiés syriens survivent dans des conditions extrêmement mauvaises. Leurs conditions ne sont guère meilleures en Jordanie. Et elles s’aggravent en Turquie de façon alarmante, avec l’accroissement des agressions dont ils sont victimes et les modifications d’une réglementation peu claire sur les conditions de séjour et d’enregistrement des personnes en provenance de Syrie.
Parmi ceux qui fuient la Syrie, les Palestiniens syriens sont pénalisés par un vide juridique artificiel qui les exclut de la plupart des droits et garanties internationales accordées aux réfugiés en général, et de la protection internationale spécifique dont ils bénéficient en particulier. Ni le Liban, ni la Jordanie, ni l’Egypte, ni la Turquie n’autorisent leur accueil. Ceux d’entre eux qui arrivent en Égypte, par exemple, sont exclus par décision politique de la protection des agences internationales spécialisées, et ils sont privés des papiers qui leur permettraient de gagner des pays plus lointains. Les Palestiniens syriens, en raison de leur double exil, sont relégués en marge de la condition humaine. Déjà expulsés de chez eux par l’Etat choyé d’Israël, ils sont aujourd’hui bannis de leurs camps surpeuplés par les agressions menées contre eux par le régime fasciste de Bachar al-Assad. Rares sont ceux qui trouvent un accueil dans de nouvelles terres d’exil.
Lorsque les réfugiés Syriens tentent de trouver des refuges alternatifs pour échapper à la souffrance et aux persécutions des pays qu’ils ont d’abord gagnés, ils se heurtent aux obstacles juridiques et sécuritaires érigés par l’Europe autour de ses frontières pour prévenir l’arrivée de ceux qui fuient les massacres. De temps à autre, la nouvelle nous parvient du naufrage dans la Méditerranée d’un bateau transportant des centaines de réfugiés syriens, qui, dans l’espoir de parvenir en Europe, ont remis toutes leurs économies aux filières florissantes de l’immigration clandestine. Ceux qui réussissent à atteindre l’Europe sont généralement enfermés dans des camps s’apparentant à des prisons, pour des périodes qui peuvent durer des mois, sans la moindre garantie de pouvoir finalement obtenir le statut de réfugié.
Les actions criminelles de l’Etat islamique ont encore aggravé le sort des réfugiés syriens, et contraint des chrétiens, des yazidis, mais aussi des musulmans à fuir l’Irak. Le projet de Da’ech repose fondamentalement sur l’expulsion, la purification ethnique et la modification de la structure démographique des régions dont ce groupe s’empare. Ce faisant, il a accentué la méfiance des pays d’accueil envers les réfugiés syriens et contribué à assimiler la question des réfugiés au dossier de la lutte antiterroriste. Les Syriens sont pris dans une double tenaille, entre un régime fasciste qui les tue et les chasse, une organisation également fasciste qui les assassine et les pousse à l’exode, et une communauté internationale injuste qui ne les a pas aidés lorsqu’ils étaient dans leur pays, et qui ne les aide pas davantage lorsqu’ils sont contraints de le fuir.
La situation des réfugiés syriens au Liban, en Jordanie et en Egypte est honteuse, et elle se dégrade en Turquie, comme s’il s’agissait de montrer aux peuples de la région toute entière les conséquences de leur rébellion contre les régimes criminels qui les gouvernent. En Europe et aux Etats-Unis, la politique d’accueil des réfugiés est restrictive. Elle est également discriminatoire, basée sur des critères de classe et de religion. Ces Etats sont ouverts aux chrétiens, ouvrent grand leurs portes aux scientifiques compétents, et, au nom de la laïcité, se montrent accueillants avec les non-musulmans !
Soucieux des droits des réfugiés en général, quelle que soit leur origine nationale ou religieuse, nous, les activistes et intellectuels soussignés, nous tenons à affirmer, s’agissant des réfugiés syriens, les quelques points suivants :
1. La situation de réfugié est une question juridique et humaine artificielle, qui ne connaît ni origine ethnique, ni sexe, ni religion. La discrimination dans les droits et les garanties entre réfugiés, sur quelque base que ce soit, est inacceptable et condamnable.
2. La question des réfugiés de Syrie, y compris Palestiniens, est d’abord et avant tout une question politique. Elle est le résultat d’un combat politique émancipateur, mené pour la dignité contre un régime criminel recourant à l’arme aérienne, aux missiles balistiques et aux armes chimiques contre ses administrés, et mettant en œuvre une stratégie organisée d’assassinat, d’affamement des civils et de torture des détenus. C’est également un combat contre l’entité criminelle de Da’ech, dont la sauvagerie et la criminalité concurrencent celles du régime assadien. Se tenir au côté des réfugiés syriens exige donc, d’abord et avant tout, de la solidarité avec leur combat pour la liberté, la dignité et la justice sociale en Syrie.
3. Tout réfugié a le droit de rentrer dignement dans son pays. La présence de partenaires prêts à écouter les réfugiés, à dialoguer avec eux, à les aider à recommencer leur vie dans de nouvelles conditions, à trouver l’emploi garantissant leurs moyens d’existence, à assurer à leurs enfants les opportunités dont leurs parents n’ont pas disposé, à reconstruire leur identité et à retrouver un rôle, sont des conditions fondamentales de ce droit et des moyens de sa réalisation.
4. Les réfugiés sont des nomades voués à l’errance et à une quête incessante d’une terre d’asile garantissant leur dignité humaine. Telle est la situation des réfugiés en provenance de Syrie, documentée dans de nombreuses études et statistiques et rapportée par des activistes de différents pays. Tandis que les Etats et les gouvernements se coordonnent au plan sécuritaire pour contrôler les frontières, il n’existe pas, dans les différents pays d’accueil, de coordination entre les ONG et les activistes qui apportent leur soutien aux Syriens. La solidarité avec la cause des réfugiés syriens exige donc une large coordination entre ces mêmes activistes et les organisations concernées dans les différents pays, le long des routes de migration à travers la Méditerranée et le continent européen.
Nous appelons donc les organisations de la société civile et les mouvements d’émancipation à faire de la question des réfugiés et des exilés syriens un point essentiel de leurs actions de protestation et de solidarité, en la reliant à la question syrienne dans sa globalité qui est l’une des grandes causes de libération dans le monde d’aujourd’hui.