Deux lettres au « Calife de Bagdad » par Nadia al-Turki

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 septembre 2014

in Al-Sharq al-Awsat, 27 août 2014

traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier

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Photo_Nadia al-Turki  

Lettre 1 :

Tout d’abord, je voudrais vous remercier, vous et vos partisans, pour votre talent dans l’interprétation des rôles qui vous ont été confiés. « Calife… » : vous avez réellement joué ce rôle à la perfection. Vous avez su habiterce rôle de la personnalité équilibrée et sage de la bouche de laquelle ce sont des perles rares qui tombent à chaque fois qu’elle s’exprime. Littéralement, je vous félicite ! Et je n’oublierai jamais le spectacle de votre premier discours, ni cette scène d’ouverture absolument magnifique où vous vous curiez les dents avec un bâtonnet de siwâk avant que de prononcer cette « khutba » qui a fait trembler votre « peuple musulman », votre « umma ».

Quant à vos partisans, ils ont joué à la perfection, à tel point qu’ils sont même pour la plupart sortis de leur rôle, transformant les scènes en réalités.

Les assassinats, ils les ont campés avec un professionnalisme qui a transformé chacune des scènes en réalités : nous avons vu le sang, nous avons entendu les tirs, nous avons vu les orphelins, nous avons entendu les gémissements des veuves : quel génie ! Ils ont transformé littéralement les textes en réalités. C’est ce qui a amené le « producteur » à leur verser des primes et des récompenses qui leur ont permis d’ajouter des épisodes supplémentaires à leur série, de louer de nouveaux théâtres pour leurs opérations (oups, excusez-moi : leurs tournages !) et de bénéficier de l’aide d’une équipe plus importante de jeunes despérados venus du monde entier qui ont trouvé dans ce job à la fois un revenu et la consécration artistique.

Par contre, je formulerais certaines réserves en ce qui concerne les costumes, les armes utilisées et l’éclairage. J’espère que la grosse équipe de tournage de « Dâ‘esh » ne prendra pas ombrage de mes critiques et qu’elle les acceptera en faisant preuve de professionnalisme afin d’améliorer ses prestations (en fin de compte, l’excellence du travail ne bénéficie-t-elle pas tous les partenaires ?).

Ce qui nous donne du baume au cœur, c’est l’intérêt que le monde entier apporte aux péripéties du feuilleton « L’Etat califal » (Saison II). Les Occidentaux sont littéralement scotchés, ils en restent sans voix. La maestria de votre interprétation est telle qu’ils ne peuvent s’empêcher par moment de se boucher les yeux. Quant à nous, les Arabes, notre interprétation est que cette œuvre veut hypnotiser les spectateurs et les distraire des merveilles du « drame » syrien auxquelles ils sont désormais habitués, ou bien qu’Hollywood est derrière tout ça, ainsi que le FBI : comme dans tous leurs film, ils tendent leurs pièges pour y faire tomber les héros de votre nouvelle production.

Ô, « Calife », ne soyez pas inquiet. Vous êtes toujours un héros et, croyez-moi, je suis sincère : lorsque je regarde l’écran, il m’est difficile de faire le distinguo entre vous et Soliman le Magnifique (qui a fait l’objet d’une série turque, ndt) et entre certaines de vos scènes live et les scènes des séries turques (dont les personnages n’ont jamais réussi autant que vous à susciter notre sympathie pour leurs victimes).

Avec vous, au moins, nous souffrons pour de vrai. En vous suivant, nous vivons la tragédie jour après jour, non pas la tragédie des assassinats et de ce que vous faites subir aux lieux (historiques) que vous détruisez, mais le drame subi par l’image de l’Islam que vous noircissez et le drame de l’odeur du sang.

Mais en dépit de vos fêtes gratis et de vos lunes de miel romantiques [dans les ruines] à l’intention de vos nouvelles fiancées, vous n’êtes pas parvenus à détendre l’atmosphère.

Votre metteur en scène a manqué sur un autre point important : il a fait passer le chemin vers le Paradis sur des ponts de cadavres enjambant des fleuves de sang.

Mes salutations… A ma prochaine lettre… (si vous conservez votre rôle de jeune premier, bien entendu. Sinon, ma prochaine lettre sera pour votre successeur (khalîfa), cher Monsieur le « Calife »…)

 

Lettre 2 :

A Monsieur le « Calife »,

Après vous avoir présenté mes salutations les meilleures…

J’espère que les circonstances vous auront tout de même permis de lire ma première lettre, que nous avons publiée il y a une vingtaine de jours…

J’étais assez contente de suivre la première partie de votre série dramatique intitulée « Dâ‘esh » alias le « Califat Noir » (pour reprendre le titre que lui a donné l’hebdomadaire arabe Al-Majalla). Et voici que nous sommes entrés dans l’« action » : de la série télévisée, nous sommes passés à une ambiance hollywoodienne pleine de suspense.

Voici qu’un beau jour, nous apprenons que le « Calife » s’est enfui en Syrie après que les Américains eurent commencé à le bombarder en Irak. Oups : je veux dire, bien entendu, que le « Calife » s’est « transporté » en Syrie, et non qu’il s’y est « enfui ». En effet, les héros ne s’enfuient jamais, la couardise ne fait pas partie de leurs qualités.

Mais ce qui m’a le plus passionnée, dans votre fuite, votre sauve-qui-peut (je veux dire, bien entendu, votre déplacement), c’est ces voitures ‘hummer’ et ces jeeps qui vous accompagnaient et qui semblaient crier aux satellites artificiels GPS : « Nous sommes les jeeps du Calife ! Attention : surtout, ne nous bombardez pas ! Bombardez plutôt les jeunes despérados que nous avons laissés derrière nous : ce sont eux, les héros qui aspirent à la mort pour accéder au Paradis… ! »

« Abu Bakr » (car tel est votre petit nom…), vous nous avez mis dans l’embarras, en prenant ainsi la poudre d’escampette… puis avec ces nouvelles au sujet de votre retour dans le département (irakien) d’Al-Anbâr, entouré des voitures de kamikazes fidèles prêts à sacrifier leur vie pour vous…

Mais, vraiment, le défaut de ce film, c’est qu’il ne comporte pas de « clou » et qu’il n’est pas bien ficelé : certaines failles amènent le spectateur à s’interroger. Comment se fait-il, par exemple, que les terroristes déjà recherchés sur toute la planète avant l’apparition du « Calife » continuent à se déplacer clandestinement dans un secret absolu et ne passent de coup de fil qu’après des précautions infinies, pour ainsi dire pratiquement jamais, alors que vous vous déplacez avec une telle publicité sans que jamais personne vous canarde ?

Et puis il y a aussi cela, qui pose question : qui sont ceux qui ferment volontairement les yeux sur vos caravanes et pourquoi en remettent-ils toujours le bombardement à plus tard ?

Que veut de vous, au juste, le patron qui vous a embauché après la chute d’Al-Maliki (le Premier ministre irakien sortant, ndt) ?

Un « règlement » en Syrie, par exemple ? Mhhh ?

Ne vous inquiétez pas. Le plus important c’est que vous soyez toujours aussi excellent dans l’interprétation de votre rôle. Votre cachet et ceux de vos collègues continueront à vous être versés et vous êtes toujours le « Héros des Dawâ‘esh », même si ces nombreux déplacements entre divers lieux de tournage semblent indiquer que le film touche à sa fin.

 

Ah : il y a encore autre chose qui me vient à l’esprit, après le passage de la série télévisée au film à grand spectacle : tout cela a-t-il été inspiré par un livre ?

Si oui, qui en est l’auteur ?

Ou bien alors, s’agit-il simplement d’un scénario bâclé à la va-vite histoire d’accélérer l’imposition d’une solution imminente au Moyen-Orient ?

 

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رسالة إلى «الخليفة» (1) 

الجمعة 28 شهر رمضان 1435 هـ – 26 يوليو 2014 مـ , الساعة: 15:02 رقم العدد [13024]

أردت تهنئتك وأتباعك، على حسن أدائكم للأدوار التي أسندت إليكم..
«الخليفة».. أتقنت دورك بجدارة وتقمصت الشخصية الرصينة الحكيمة التي كلما نطقت تدافعت الدرر، بحرفية أهنئك عليها، ولن أنسى مشهد خطبتك الأولى واللقطة الرائعة التي بدأت بها المشهد وأنت تتسوك قبل أن تلقي تلك الخطبة التي هزت «أمتك».
أما أتباعك فقد كان أداؤهم جيدا مميزا، إلى درجة أنهم يخرجون غالبا عن أدوارهم ويحولون المشاهد إلى حقيقة..
القتل جسدوه بحرفية حولت كل المشاهد إلى حقيقة؛ رأينا الدم، سمعنا الرصاص، ورأينا اليتامى، وسمعنا نحيب الثكالى.. يا لروعتهم؛ حولوا النصوص إلى واقع وبكل جدارة، مما جعل «منتج العمل» يدفع لهم مبالغ إضافية ومكافآت سمحت بزيادة حلقات مسلسلهم، وتأجير المزيد من الأماكن لإدارة العمليات، عفوا! «التصوير» والاستعانة بفريق أكبر من اليائسين الشباب في أرجاء العالم والذين وجدوا في هذا العمل طريقا للمال والنجومية معا.
لكن لديّ بعض التحفظات على الأزياء، والأسلحة المستعملة، والإضاءة.. أرجو ألا ينزعج فريق العمل الضخم «داعش» من انتقاداتي ويأخذها بروح مهنية لتطوير أدائهم، ففي النهاية، جودة العمل تخدم مصلحة جميع الأطراف.
وما يثلج القلب هو المتابعة الدولية لتحركات مسلسل «دولة الخلافة» (الجزء 2 من العمل)، الغرب مشدود له دون أي تعليق، عبقرية الأداء جعلتهم لا يقوون على «إغماض عيونهم» للحظة، ونحن العرب نفسر أن هذا العمل يريد إرباك المشاهدين وشغلهم عما تعودوا عليه من روائع «الدراما» السورية، أو أن لهوليوود يدا فيه والـ«إف بي آي» كما في كل أفلامها تنصب شراكها للإطاحة بأبطال عملكم الجديد.
أيها «الخليفة» لا تقلق، ما زلت البطل، وأصدقك القول إنني عندما أطالع الشاشة يصعب عليّ التمييز بينك وبين «السلطان سليمان»، وبين بعض مشاهدكم الحقيقية، ومشاهد المسلسلات التركية التي لم يرتق ممثلوها إلى رفع تعاطفنا مع ضحاياهم كما فعلتم.
معكم نتألم فعليا، وبمتابعتكم نعيش المأساة كل يوم، ليس مأساة القتل وما تفعلون بالأمكنة التي تحلون بها من خراب، لكن مأساة صورة الإسلام التي طليتموها بالسواد، ورائحة الدم.
رغم حافلاتكم المجانية، ورحلاتكم الرومانسية لعرسانكم الجدد، لم تتمكنوا من تلطيف الأجواء.. والمخرج أخل في نقطة مهمة أخرى وهي أنه جعل الطريق إلى الجنة على جسور من الجثث فوق أنهار من الدم.
تحياتي.. وإلى الرسالة الثانية إذا حافظت على دور البطولة طبعا، وإلا فستكون رسالتي الثانية لخليفتك أيها «الخليفة».

 

رسالة إلى الخليفة (2)

السبت 20 شوال 1435 هـ – 17 أغسطس 2014 مـ , الساعة: 13:00 رقم العدد [13046]

«الخليفة»..

تحية طيبة.. وبعد،

أتمنى أن تكون ظروفك قد سمحت ببعض الوقت لقراءة رسالتي الأولى التي نشرناها منذ 20 يوما..

كنت مستمتعة إلى حد ما بمتابعة عملكم «الدرامي» (داعش) في جزئه الأول، ثم «الخلافة السوداء» كما سمتها «المجلة»، والآن دخلنا على «الأكشن»، وتحولنا من دراما تلفزيونية، إلى أجواء هليوودية مشوقة.

فيوم نسمع أن «الخليفة» فر إلى سوريا بعد بداية القصف الأميركي عليه في العراق، عفوا أقصد انتقل لا «فر» فالأبطال لا يهربون، والجبن ليس من سماتهم.

لكن، ما شدني أكثر عند هروبكم: «فراركم»، أقصد انتقالكم وسيارات الهمر التي رافقتكم وهي تصرخ داعية الأقمار الصناعية «نحن هامرات الخليفة.. احذروا أن تقصفونا.. اقصفوا الشباب اليائسين الذين تركناهم وراءنا، إنهم الأبطال الذين يشتهون الموت لدخول الجنة».

«أبو بكر»، أحرجتنا بهروبك، ثم بأنباء عن عودتك لتفقد مناطق في الأنبار محاطا بسيارات الانتحاريين الأوفياء المستعدين بالتضحية بحياتهم فداك…

لكن، فعلا عقدة هذا الشريط السينمائي، أنه ليس فيه عقدة ولم يُحبَك جيدا، فبعض الثغرات تجعل المشاهد يتساءل: لماذا من يسبق «الخليفة» من إرهابيين مطلوبين كانوا وما زالوا يتنقلون في الخفاء وبسرية تامة، وحتى اتصالاتهم تكون بحذر شديد أو شبه منعدمة، لكنك تتنقل بمثل هذه العلنية، ولا يقصفك أحد؟

وهذا ما يفتح أبوابا للتساؤل أيضا: من الذي يتغاضى عن مواكبك، ولماذا يؤجلون قصفك؟ وما الذي يريده مؤجرك منك بعد إسقاط المالكي؟ تسوية في سوريا مثلا؟

لا تقلق، أهم ما في الأمر أنك ما زلت تتقن أداء الدور جيدا، فدفع راتبك ورواتب من معك لن يتوقف بعد، وما زلت «بطل الدواعش»، رغم أن حركة العمل والتنقلات بين المواقع توحي بقرب نهاية الشريط السينمائي.

أمر آخر يخطر على بالي بعد انتقال الدراما التلفزيونية إلى شريط سينمائي وهو هل كانت كتابا من قبل؟ ومن كاتبه؟ أو أنه فقط سيناريو جرى إعداده على السريع للدفع نحو حل عاجل لما يحدث في المنطقة؟