Elle a fui la guerre en Syrie pour se réfugier dans les Ardennes – Par Florent Pecchio

Article  •  Publié sur Souria Houria le 5 avril 2014

REVIN (08). Farizah a fui son pays en guerre, pour trouver refuge en France, à Revin, avec ses deux enfants. Et n’a plus de nouvelles de son mari, emprisonné depuis un mois par le régime.

 


Toujours auprès d’elle, le drapeau du conseil national syrien, symbole de la révolte.
Toujours auprès d’elle, le drapeau du conseil national syrien, symbole de la révolte.

Assise dans la salle à manger de l’appartement qu’elle partage avec une famille tchétchène, au centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), Farizah peine à trouver ses mots. Elle a choisi de s’exprimer en français, une langue qu’elle n’apprend que depuis quelques mois, à son arrivée sur le territoire, en septembre dernier. Elle est gênée, elle aimerait pouvoir retranscrire, dans la langue de son nouveau pays d’adoption, tout ce qu’elle a sur le cœur. Un large sourire vient illuminer son visage.

Sans nouvelles depuis un mois

Un sourire, pour garder le moral, «  se donner du courage  », dit-elle. Farizah, 47 ans, a dû quitter son pays, la Syrie. La guerre civile sanglante, la répression barbare du président Bachar al-Assad ont eu raison de la vie de famille paisible qu’elle menait jusqu’alors. Elle était professeur de mathématiques et de physique à Damas, vivait avec son mari, ses deux enfants. Adonis, 16 ans, et Enana, 10 ans, sont partis avec elle, mais Nasser, son mari, est resté sur place.

De son sac, elle sort une grande photo aux coins abîmés, comme un trésor qu’elle garde toujours à portée de main. Seul lien concret, palpable, qu’il lui reste avec Nasser, son époux. Cheveux longs et bouclés, l’œil pétillant, Nasser n’a plus donné de signe de vie depuis le 17 février dernier, date à laquelle il a été emprisonné. «  J’ai très peur pour mon mari  », glisse-t-elle, le regard noir. Il a été arrêté en compagnie de trois personnes, sans doute à cause d’un engagement trop prononcé contre le régime syrien. Depuis plus d’un mois, aucune information n’a pu filtrer, sauf une très mauvaise nouvelle : l’une des trois personnes qui l’accompagnait a été torturée, elle est décédée en sortant de prison. Pour Farizah, l’angoisse absolue, avec comme seule solution, l’attente, et l’impuissance.

En fait, elle n’a plus vu son mari depuis deux ans. Activiste politique, opposante au régime des al-Assad depuis de longues années, bien avant le début de la guerre, elle a dû rapidement se faire oublier, pour éviter la mort. Une vie de clandestine, en Égypte, puis presque un an au Liban, avec ses enfants. Changements de noms réguliers et soutien aux réfugiés syriens sur place, en tant que professeur. En parallèle, elle lance les démarches à Beyrouth pour une demande d’asile à la France. Les liens diplomatiques historiques entre la France et la Syrie (pays qui était sous mandat français de 1920 à 1946) lui ont permis d’obtenir le précieux sésame, lui ouvrant la voie de cette nouvelle vie.

La famille arrive sur le territoire français le 10 septembre 2013, puis est orientée sur le CADA de Revin, quelques semaines plus tard, le 18 octobre. Ses enfants prennent en cours l’année scolaire qui débute. «  Ils s’en sortent très bien », assure Farizah, fière. Adonis est au lycée Jean Moulin, «  il prend beaucoup de cours de français  », s’est fait des amis. Il est pensionnaire à l’internat, «  et vient ici le week-end, en vacances  », plaisante la mère de famille. Pour la sœur cadette, Enana, 10 ans, en CM1 à la Bouverie, la situation est un peu plus délicate, d’autant que «  tous les enfants ne jouent pas avec les enfants du CADA  ». L’absence du père tourne au calvaire.

Emménager à Reims

Pour Farizah, vivre à Revin n’a pas été simple, non plus. L’hiver, l’isolement géographique, et peu de moyens de communiquer avec l’extérieur. Rien à faire pour s’occuper. Au fil des semaines, elle fait quelques rencontres, dont Reem, une Syrienne vivant à Charleville-Mézières, qui devient son amie. Elle prend des cours de français, auprès du centre social : «  J’ai besoin d’être toujours en activité !  ».

Ayant obtenu son statut de réfugiée, Farizah peut commencer à se projeter, à nouveau, vers l’avenir. D’ici l’été, elle aura quitté Revin, elle souhaite emménager à Reims, pour que ses enfants puissent y poursuivre leurs études. Pour elle, il sera alors temps de reprendre son rôle d’activiste politique. Avec l’espoir d’assister, un jour, à la libération de son mari, et de son pays.

source : http://www.lunion.presse.fr/accueil/elle-a-fui-la-guerre-en-syrie-pour-se-refugier-dans-les-ardennes-ia0b0n324843

date : 31/03/2014