En Syrie, la Révolution c’est aussi cela. C’est surtout cela ! – par Ignace Leverrier
Sous le titre « Mon collègue est mort pour la paix« , le journaliste Murtaza Hussain raconte l’histoire et la fin tragique d’Ahmed Shihadeh, « un homme ordinaire contraint à l’héroïsme », dans laquelle il voit « la véritable histoire de la Révolution syrienne« .
Il affirme dans ce récit que, malgré les dérives provoquées par la sauvagerie d’une répression qu’aucun être humain normalement constitué ne saurait justifier, et en dépit de l’apparition en Syrie de combattants animés par un idéal ou poursuivant des projets qu’une majorité de Syriens ne partage pas, la Révolution syrienne était au départ et reste jusqu’à aujourd’hui une manifestation de revendication citoyenne.
Cette Révolution n’est pas menée contre une communauté particulière. Elle n’est pas une guerre civile. Elle n’oppose pas une partie de la population à une autre. Elle met aux prises, d’un côté, des hommes et des femmes aspirant à récupérer leur citoyenneté et, de l’autre, un régime niant jusqu’au droit à la vie de qui ne lui fait pas allégeance. Elle dresse des gens ordinaires, incités à l’héroïsme pour défendre leurs proches, leurs amis et leurs quartiers et pour affirmer leurs droits, contre un système détestable dont ils dénoncent l’illégitimité du maintien depuis un demi-siècle à la tête de l’Etat. Elle met en présence deux conceptions de la Syrie :la Syrie de tous les Syriens, divers mais unis, égaux en droits et devoirs devant la Loi, prenant leur part de responsabilité dans le fonctionnement d’un Etat impartial ; etla Syrie des Al Assad, une « famille » au sens le plus mafieux du terme, qui, ayant conquis le pouvoir par les armes, a recours pour le conserver aux moyens les plus exécrables.
Les savantes lectures géopolitiques, géostratégiques… et pourquoi pas géomanciennes pendant qu’on y est, n’y changeront rien. De même que, grossie à dessein pour renforcer les « Amis du Peuple syrien » dans leurs hésitations, l’arrivéedes jihadistes a occulté mais n’a pas détourné la Révolution de ses objectifs citoyens, l’implication progressive dans le conflit en cours d’un grand nombre d’Etats arabes et autres, mus par un mélange variable de principes et d’intérêts, ne lui fait pas perdre sa dimension citoyenne. C’est elle qui donne sa grandeur à la Révolution du peuple syrien.
C’est pour la sauvegarder pendant qu’il en est encore temps et avant que la stratégie de la terre brûlée mise en oeuvre par Bachar Al Assad ait fini de faire perdre à beaucoup la raison qu’il faut répondre aux appels à l’aide que les Syriens nous lancent… depuis plus de deux ans.