En Syrie, le martyre de Homs continue La Liberté » – par Sid Ahmed Hammouche

Article  •  Publié sur Souria Houria le 9 février 2012
Les ambulances ne pouvant plus circuler, de nombreux blessés meurent faute de s

Les ambulances ne pouvant plus circuler, de nombreux blessés meurent faute de soins dans les quartiers d’Homs. keystone

D’après des sources contactées par «La Liberté», des tirs à l’artillerie lourde frappent encore et toujours Homs. Sans compter les civils armés à la solde du régime. Témoignages.

Il n’y a pas que les bombes qui inquiètent Saif Abou Zeid, un habitant sunnite d’Homs que «La Liberté» a pu atteindre hier par téléphone satellite. «Les snipers sont postés partout sur les toits des immeubles alaouites alentour», explique cet habitant de Bab Tadmor, un quartier sunnite limitrophe de celui de Zahra à majorité alaouite (de la confession du président Bachar al-Assad).

«Depuis plusieurs jours, les snipers tirent sur tout ce qui bouge dans ma zone qui n’est pourtant pas tenue par des insurgés. Rien que ce matin, j’ai déjà vu huit personnes tomber sous leurs balles. C’est terrible.»

Mais ce que Saif Abou Zeid craint plus encore, ce sont les descentes nocturnes des chabihas de Bachar al-Assad, ces miliciens sans pitié. «Des dizaines de personnes de mon quartier ont déjà été massacrées par les chabihas. Hier matin encore, trois familles de la rue Al Sabil ont été égorgées par ces civils armés. Ils investissent les secteurs sunnites et tuent ses habitants en quelques minutes avant de s’évanouir dans la nature. Ils veulent nous terroriser avant de nous exterminer. Le régime veut une guerre confessionnelle dans ce pays.»

Soudain Saif Abou Zeid se tait. Il pleure de longues minutes. De désespoir. De haine. De crainte aussi pour sa famille qui tente de survivre dans l’enfer qu’est devenu Homs, une ville en état de siège. Puis il se reprend. Et d’un ton ferme, il explique qu’il attend une réaction de la communauté internationale. «Si elle ne veut pas intervenir directement en Syrie, au moins qu’elle nous donne des armes pour nous défendre. Elle ne peut nous laisser nous faire massacrer sans réagir. Pour le moment, je ne peux défendre les miens qu’avec un couteau de cuisine.»

Tonne le mortier

La situation est encore pire à Bab Amr, un des quartiers de la cité défendue par l’Armée syrienne libre (ASL) où l’armée syrienne loyaliste continue ses pilonnages intensifs.

Jour et nuit, des obus de mortier, des missiles «grad» russes et des RPG tombent dans ses rues et sur ses immeubles, semant la terreur et la mort parmi les 40000 civils qui y vivent, dans les caves pour la plupart. Hier, plus de 50 personnes – dont plusieurs enfants – ont été tuées, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) basé à Londres.

«Nous avons perdu aussi 18 bébés prématurés ces derniers jours», explique Mohamed, médecin à l’hôpital Al Walid. La faute à l’électricité qui a été coupée par les autorités restées fidèles à Bachar al-Assad. «Les couveuses ne pouvaient plus fonctionner. Nous les avons vu mourir. C’est terrible.» Mohamed et ses collègues manquent de tout: de médicaments, de pansements, d’instruments de chirurgie pour sauver les nombreux blessés qui affluent dans les centres de soins. «Les ambulances ne peuvent plus pénétrer dans le quartier. Tout comme le Croissant-Rouge syrien», constate le médecin qui se demande où sont les organisations humanitaires internationales. «Où est le CICR (Comité international de la Croix-Rouge)?», lance-t-il finalement, telle une prière. «Ils attendent que ce régime de fous nous extermine comme des rats. Les uns après les autres. Ce qui se passe ici, c’est un massacre collectif. On ne peut même pas sauver les blessés.»

Le froid aussi commence à faire des victimes. «De nombreuses fenêtres des immeubles de Bab Amr ont volé en éclats à cause des bombardements», témoigne Abou Hached, un habitant d’un quartier très exposé aux tirs de mortier. «Le vent glacial s’infiltre partout. Et nous n’avons ni électricité, ni mazout, ni bois pour nous chauffer. Nos enfants sont en danger. Même cachés dans nos appartements, nous restons des cibles pour les snipers. Nous devons ramper pour nous déplacer dans nos propres maisons.»

Un autre témoin parle d’un blocus complet des quartiers insurgés dont les habitants vont mourir à petit feu. «L’armée du régime de Bachar a creusé de profondes tranchées de six mètres de largeur pour nous couper du reste de la ville. Les voitures ne peuvent plus circuler. Nous ne pouvons plus nous ravitailler.» Les réserves de vivres fondent d’ailleurs à vue d’œil.

Appels à l’aide

«Sortez-nous d’ici », crie Madiha, une mère de famille. «Il y a des vieux, des bébés, des enfants à Bab Amr. Leur vie est en danger. Nous n’avons jamais rien vu de tel depuis le début de la contestation, il y a onze mois. Chaque minute, des obus tombent. Nous avons arrêté de compter nos morts. Ce ne sont pas les kalachnikovs de l’ASL qui vont nous défendre, nous les civils.» Des civils qui savent désormais ce que pèsent les promesses de leur président Bachar al-Assad. Rappelez-vous que lundi il avait expliqué à Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, vouloir mettre un terme aux violences et était prêt à «coopérer» à tout effort pour la stabilité de la Syrie. Les habitants de Homs, cité martyre, peuvent témoigner du contraire… I

Les dissidents sont dépassés

Après onze mois de révolution, l’Armée syrienne libre (ASL) semble dépassée par l’ampleur de la tâche. A Homs, les civils que nous avons contactés nous avouent que les militaires insurgés passent le plus clair de leur temps à se cacher parmi la population. Ils comprennent que leurs fusils d’assaut et les quelques RPG qu’ils possèdent ne peuvent pas rivaliser avec la force de frappe de l’armée régulière. Un révolutionnaire syrien contacté à Istanbul admet que l’ASL manque de moyens financiers et matériels. Hier, le Conseil national syrien (CNS) et l’Armée syrienne libre ont appelé les hommes d’affaires syriens et arabes à financer les opérations menées par les rebelles contre le régime de Bachar al-Assad.

«Avant nous pouvions récolter de l’argent pour aider les personnes dans le besoin. Mais depuis quelques semaines, les demandes ont explosé. Nous n’arrivons plus à suivre.»

Outre le fait que les routes de la Turquie et du Liban vers Homs sont de plus en plus surveillées, le régime s’est également acharné sur les hôpitaux de campagne installés dans les garages et les maisons de particuliers, poursuit ce médecin.

Autre épine dans le pied de l’ASL: elle doit composer désormais avec un nouveau venu sur le terrain, le Conseil militaire révolutionnaire supérieur de la révolution créé cette semaine par Mustapha Al Cheikh, un général déserteur de l’armée réfugié en Turquie. Faut-il y voir une nouvelle manipulation de Damas pour diviser les révolutionnaires? Ou le début d’une scission dans les troupes combattantes?

A voir même si les deux entités commencent déjà à se disputer le contrôle des 10000 militaires qui ont déserté l’armée loyaliste et les 20000 civils recrutés en 11 mois de cette révolution qui vire à la guerre civile.

source: http://laliberte.ch/info/le-martyre-d-homs-continue