En Syrie, même des médecins deviennent des tortionnaires – par IAN HAMEL
Le docteur Tawfik Chamaa accuse des médecins et des infirmiers, liés au régime de Bachar el-Assad, d’exécuter les blessés dans les hôpitaux.
Sobrement intitulée « Urgence sanitaire en Syrie », la conférence organisée vendredi à Genève par l’association des démocrates syriens s’est focalisée sur le sort, de plus en plus dramatique, des 15 000 blessés lors des manifestations. Ils ne pourraient tout simplement plus se faire soigner dans les hôpitaux. Non seulement les militaires et les milices liées au régime viennent torturer et exécuter jusque dans les chambres et les salles d’opérations, « mais l’une des horreurs de cette situation, c’est que le corps médical lui-même participe à l’achèvement des blessés. Des médecins, des infirmiers sont impliqués dans les tortures », lâche le docteur Tawfik Chamaa, établi à Genève, président des démocrates syriens.
« Le système sanitaire syrien est truffé d’individus liés au pouvoir. Un atelier juridique travaille sur ce dossier. Il faudra déposer des plaintes auprès de la Cour pénale internationale », ajoute le médecin. De nombreux rapports d’ONG (Amnesty International, Human Rights Watch) confirment les accusations du Dr Chamaa. « Des membres des forces de sécurité habillés en médecins, qui auraient agi avec la complicité du corps médical, auraient torturé et tué des personnes à l’hôpital militaire de Homs », rapporte, de son côté, le Conseil des droits de l’homme.
Une balle dans la tête depuis avril
Arrivé récemment en Suisse, un Syrien, âgé de 25 ans, originaire de Douma, témoigne. Son jeune frère a été touché par une balle à la tête lors d’une manifestation en avril 2011. À l’hôpital, on n’a pu que lui enlever les fragments osseux, sans avoir le temps de lui extraire la balle. Il a été évacué précipitamment : des policiers arrivaient pour l’assassiner.
« Depuis, mon frère de 22 ans vit caché dans un appartement, victime de maux de tête atroces. Sa blessure affecte sa vue, ses sens. Pendant des semaines, du liquide sortait de son crâne », raconte cet homme que l’on appellera Sayer. Autre témoignage poignant, le 7 septembre, à Homs, une ambulance du Croissant-Rouge tombe dans un guet-apens. Plus d’une trentaine de balles sont tirées sur le véhicule.
Des cliniques secrètes
« Le blessé secouru a reçu plusieurs balles supplémentaires. Le chef d’équipe est atteint aux poumons, à côté du coeur et à la main. L’un des volontaires, blessé au thorax, à l’abdomen, aux jambes, aux bras, au cou et à la tête, décède peu après », raconte un médecin syrien, qui ne souhaite pas communiquer son nom, de peur de représailles sur sa famille restée au pays.
Alors, que faire ? Les démocrates syriens réclament de toute urgence l’envoi d’observateurs internationaux dans les hôpitaux syriens afin que les blessés ne soient plus martyrisés. Autre revendication : la création de couloirs humanitaires pour transférer les blessés hors du pays, en Jordanie, au Liban et en Turquie.
De son côté, une autre association installée à Genève, le Collectif Jasmin, animée par Shady Ammane, un Suisse d’origine syrienne, collecte de l’argent pour offrir du matériel médical aux cliniques secrètes qui se créent en Syrie pour secourir les victimes de la répression.