Limoges : L’oratorio « Jamais mon cœur n’a retiré sa bienveillance à la ville d’Alep »
Le 24 septembre 2014
Depuis plus de trente ans, le festival limougeaud nous révèle chaque année toute la richesse de la création francophone. Qu’il s’agisse d’arts plastiques, de musique ou de théâtre, cette nouvelle édition n’échappe pas à la ligne que s’est fixée la manifestation depuis ses débuts : privilégier les rencontres par-delà les frontières et les disciplines. Quelques repères dans une programmation luxuriante.
Comme chaque année, le festival s’ouvrira par une création originale. Près de 70 chanteurs et musiciens dirigés par Richard Dubelski interpréteront le livret queMarcel Bozonnet a décidé de consacrer au martyre du peuple syrien. L’oratorio Jamais mon cœur n’a retiré sa bienveillance à la ville d’Alep a été conçu, selon son créateur, comme « un chant, mélange de différentes traditions – survivances ou musiques migrantes – qui s’élève comme un geste vers la résistance ».
Les Francophonies en Limousin présente le 24 septembre 2014
– Parvis de la salle polyvalente du Vigenal à 18h30
– Parvis de la Cathédrale Saint-Étienne 20h0
58 amateurs (chanteurs, comédiens et musiciens) interprètent
Livret et mise en espace, Marcel Bozonnet
Musique et direction, Richard Dubelski
Un oratorio pour voix parlée, voix chantée, guitare électrique, guitare rythmique,
clarinette, accordéon, …
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La captation du spectacle SOUS-TITRÉE EN ARABE sera en ligne sur
www.lesfrancophonies.fr et souriahouria.com à partir du 1 octobre 2014
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I
1. Jamais mon coeur n’a retiré sa bienveillance à la ville d’Alep
Maintenant elle n’est plus que fumée
Les bombes l’ont fait périr, l’ont saccagée
Les jardins sont déserts, le souk et les mosquées ruissellent de sang
Sur les marches de sa maison
L’enfant est tombé mort
Les combattants sont aux portes
Ils attendent, à tour de rôle, le jour
Pour aller revoir, pleins de joie, leur femme et leurs enfants
2. Trois fois déjà est revenu dans la plaine le temps des semailles
Dans les airs, le tyran est parti en expédition contre notre cité
Dans les airs
3. Ils vont venir
Le monde va venir
4. La triste solitude s’empare de la cité
Les longs cris plaintifs des blessés retentissent d’entre les murs de l’hôpital de fortune
L’une a été prise et une autre encore
Maltraitée, meurtrie, déshonorée
Et une autre encore
5. Ils vont venir
Ils savent, ils vont accourir
A pas de géant et forceront les grilles
Dans huit jours, ils seront ici
Dans huit jours, nous serons
Dans huit jours, huit jours
Elles voient dans leurs songes les uniformes parés par la poussière des chemins
D’un lustre sans pareil
Elles voient les visages des soldats émus
Pleins de pitié
Ils les délivrent et posent des couvertures sur leurs corps meurtris
Le lourd fardeau de la peur de l’angoisse de la souffrance
Elles vont le poser
6. Ils ont fait mourir son enfant sous ses yeux
Ils l’ont abusée et elle n’a plus de famille où aller
Elle a été jetée à la porte du centre de torture
Elle est là, étendue
Oh pitié!
Oh malheur de mon enfant qui a péri !
II
1. La cellule combattante connait des ondes de bonheur vibrant
Un plaisir profond
Qui s’encastre miraculeusement dans les tourments
submergent les paysages de l’âme
D’un flot étale de marée
2. Quoi de plus amer que le peu de poids que nos vies
Pèsent dans la balance
Ce pays c’est en l’habitant toujours
Les mêmes à travers la succession des générations
Que nos ancêtres nous l’ont transmis
ILS VONT VENIR
Le monde va venir
3. Le peuple
Victorieux du tyran
A pris
Le contrôle de la cité
Et il a accordé toujours plus de liberté au grand nombre
4. A l’intérieur de l’enfer, il y a un autre enfer
Et la volupté prend sans détour la figure du vice
Les soldats possèdent le droit sans restriction
Le droit de manier des créatures humaines
Les soldats se grisent du spectacle du sang
Les soldats s’excitent jusqu’au délire à frapper sur les prisonniers
Les soldats tiennent entre leurs mains la vie qu’ils retirent
Ou qu’ils laissent
Ils s’arrogent les droits que les plus despotiques monarques n’ont exercé qu’avec ménagement
L’usage de la force les comble de volupté
Il leur faut des monceaux d’êtres humains
Les vapeurs délétères pénètrent insidieusement les bourreaux
Les pénètrent d’un besoin vertigineux que, par d’autres morts, ils essaient de combler
5. Que faut-il taire?
Et quoi ne pas taire?
Et sur quoi pleurer?
6. Insensé le mortel qui dévaste les cités
7. Les mosquées
Et les tombeaux, lieux consacrés aux morts
Par lui sont livrés à l’abandon
Il périra lui-même bientôt
8. Les lourds fûts de métal bourrés de TNT
Et chargés de grenaille
Ajoutent la mort à la mort – Ô mort -incendies!-
Mort
Qui va chercher les enfants réfugiés dans les caves
Leurs larmes et leurs gémissements
Ô l’avion dévastateur sur la ville jour après jour
Ô ma ville qui meurt de faim / les hommes
Sainte ville par le passé si lourde d’opulence
Ô l’être abominable et fourbe
L’ennemi de la justice
Ô le monstre qui viole les lois
9. Je dis ce que j’ai vu
Ce que jʼai vu je dis
Hélas ! Où aller ? Où demeurer, ou porter mes pas ?
Ah ! Je déblaye les escaliers de l’immeuble après le raid aérien
Nous sortons lentement de nos maisons
La rue ne ressemble plus à rien
« Elle ne sait pas à qui sont ces casseroles et ces débris d’assiette. Elle ne sait pas que, l’épicier,
là, sur le ventre, est mort. »
C’est une trahison d’avoir coupé les ailes à ma joie qui voulait vivre
La trahison la plus atroce que Dieu ait pu inventer
Vois ! Vois ! Faire surgir l’impossible espoir
Vois
“Nous allons bondir dans les airs!”
Bombarder les aéroports et les usines dʼarmement
Faire miroiter à nos yeux la liberté, la rendre proche
Vois ! Qu’il est cruel l’espoir que tu as attisé… Europe, U.S.A
Qu’ils sont loin nos grands espoirs
Que veulent Bachar Al-Assad et son armée ?
Veulent ils détruire entièrement la ville et nous avec elle ?
Pour la dernière fois je vois les demeures de mes parents
Ils vont vers la frontière en tremblant et demandent
Notre mort est-elle décidée ?
Ô malheur
Où, dans quel lieu de la terre vivrai-je, pauvre vieille, inutile comme un frelon, misérable figure de
morte
Ô institutrice
III
1. Toi, le Roi de la mort, un homme ?
Ô le plus lâche de tous !
Les coeurs, il les a brisés
Les officiers ont frappé la tête à coups répétés
Avec la rame
Ils ont ruiné le visage du père de famille
Ils riaient en disant, pourquoi pousses-tu ce cri ?
Ils voulaient voir s’effondrer en toi le courage ; ils veulent voir s’effondrer les grandes espérances
de la vie
Atroce ! Atroce traitement.
Hélas ! Hélas, mains des bourreaux
Partout actives
Dans mon pays quadrillé de centres de torture
Les officiers l’ont rendu fou
Le malheureux
La douleur l’a rendu fou
Avec l’eau bouillante
Avec l’acide
Avec l’électricité
Avec la colonne vertébrale ployée jusqu’à s’en briser
Tes fils, tu en a fais des estropiés et des infirmes
Tu as déchiqueté leur chair
Le pauvre, il voyait ses nerfs – arraché leurs ongles
Ô mes enfants, les tortionnaires frénétiques, quelle haine ils nous portent.
La ville et le pays glacial, la terreur les détruit
Donne la victoire aux combattants libres
Aux insurgés
Mon coeur est avec toi dans la guerre que tu fais.
2. Qui êtes vous, habitants dʼAlep
Et comment tenez-vous donc et quels sont vos chefs ?
Nous ne sommes esclaves ni sujets de personne.
Nous sommes des frères et des cousins
Nous venons du même pâté de maison
Nous sommes des artisans, des ingénieurs, des étudiantes et des étudiants,
Des mécaniciens, des ouvriers qualifiés, des commerçants, des soldats déserteurs
Et nous, nous sommes leurs femmes, leurs mères et leurs soeurs, inextinguiblement tendres
Demande à la ville qui ils sont et qui nous sommes, elle te répondra
Ce sont mes enfants
Ces guerriers qui combattent par petits groupes
Ce sont mes enfants
Ils sont le gouvernement de la ville et moi, Aïssa
Je suis syrienne grandie en Palestine et je suis snipeuse.
Parmi eux
3. Ô grand surcroît de ma souffrance
Que faire avec les voleurs, les bandits, les trafiquants de drogue, avec les gangs ?
Graves, graves maux : armement bricolé de mes enfants
Crie, crie en moi
Du dedans de mes membres, mon coeur
La camaraderie, la fierté, le devoir
La justice finira par règner
Mais quand ?
A quel prix ?
IV
1. Ciel au dessus dʼAlep,étoiles scintillantes Ô nuit
Le regret de mes parfaits compagnons qui ont pris le chemin de lʼexil
Tu le fais venir à ma mémoire
Ô nuit sur les villages de tentes des familles réfugiées de lʼautre côté de la frontière
Nuit sur ceux qui marchent précautionneusement – se sauvant
Nuit sans sommeil pour ceux qui ont faim
2. Que faire pour la ville sans électricité, sans eau
Pour les gosses de la révolte, sans école
Je marche dans le labyrinthe des ruelles en ruines
Lʼodeur de café, de savons, dʼépices, de parfums, dʼencens
Douleur amère
Lʼâne surchargé de sacs
La grande cour et son bassin
Sous les gravas Ô lʼodeur de poussière et de poudre
Odeur de lʼincendie des boutiques en bois
3. Et lʼon boit du thé chaud sur les nattes de crin
Et tous parlent et tous aussi écoutent
“il reste encore du thé.
Attention il est brûlant.”
4. Faites nous parvenir des fusils à lunette, des mitrailleuses, de lʼarmement
Anti-char et anti-aérien. Des médicaments.
Des vivres.
5. De la Citadelle dʼAlep -grandes murailles ocres –
On jouit dʼun point de vue étendu sur la ville et sa campagne
Sur les toits plats de la Medina
Il a commandé aux officiers de la Citadelle de te mettre en joue
De te réduire à rien -punition des innocents- Ô ma ville
Choisie entre toutes par le Tyran pour la haïr
Les officiers ont fait donné le canon sur la cité
Et le minaret de la mosquée Roumi est tombé
La salle de prières réservée aux femmes de la mosquée des Omeyades a été incendiée
Le minaret de la grande mosquée sʼest effondré
Nuit absolue.
6. Poutine de toutes ses forces tʼaide
Avec son pont aérien, ses pilotes, ses instructeurs – sa profusion de matériel
Il fournit les scuds et les missiles, le roi aux mains rouges
Tyran ! Tʼaide le Hezzbolah dans la montagne avec ses milliers de combattants bien
Entrainés
Tʼaide lʼIran qui fournit lʼarsenal impressionnant
7. Et Dieu
Avec le spectre de la sécheresse
Les réseaux dʼirrigations abîmés par les combats
Les tracteurs en panne
Dieu même est contre nous !
Les jihadistes imposent la terreur
les jihadistes en cagoule, à la hanche les cartouchières débordantes
Fléaux dʼeffroi complices de la tyrannie
Ils imposent par la violence leur vision totalitaire de lʼordre islamique
Ils imposent la terreur urbaine, le carnage des attentats suicides, les exécutions
publiques
Atroces forfaits
Ô fou, les guerriers dévoyés /
V
1. Vois comme elle se dresse, farouche et douce Layla
2. “Nous avons abattu les cloisons de notre prison
Le danger la difficulté la faim nous ont fait égaux
Si je meurs, sachez que jʼaurai connu un bonheur inouï
Le sentiment de la plénitude et de lʼaccomplissement
La noblesse et lʼamitié de mes compagnons de lutte
Ont grandement contribué à ma vision heureuse
De cette paradisiaque période dʼenfer
La chapelet des dictatures est cassé”
3. Alors dormons, camarades
Dormons, pour cette fois.
4. Faites nous parvenir des fusils à lunette, des mitrailleuses, de lʼarmement
Anti-char et anti-aérien. Des médicaments
Des vivres.
5. Ils vont venir
Ils savent, ils vont accourir