Fares Cachoux, le graphiste de la révolution – par Rayyan Majed

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 février 2013

La guerre a ramené Fares cachoux en Syrie. Il met désormais ses talents de graphiste au service de la révolution, pour dépeindre de manière visuelle et originale les dures réalités de son pays.

Fares Cachoux choisit le graphisme pour dépeindre les horreurs que subissent les Syriens.

« Je suis né à Homs, dans une famille très modeste. J’y ai passé toute mon enfance. Plus tard, j’ai fait des études d’ingénieur informatique à l’université d’Alep, suivies d’un magistère et d’un doctorat à Paris, en art numérique et en art de communication visuelle. Après, je me suis installé aux Emirats arabes unis pour enseigner à l’université et travailler dans le domaine médiatique. Quand la révolution a éclaté en Syrie, je n’arrivais plus à me concentrer, surtout au moment où une partie de ma famille était assiégée sous les bombes à Homs. J’ai alors quitté mon travail« , raconte l’artiste syrien Fares Cachoux.

 

Il était également photographe, faisant essentiellement du portrait, à différents endroits en Syrie et à Paris « Pour moi, l’axe du travail artistique est l’être humain. » Son travail d’artiste commence véritablement après l’effroyable massacre d’Al-Houla, dans les environs de Homs, en mai 2011, faisant plus de cent victimes, dont de nombreux enfants. « J’ai eu l’impression que c’était un devoir de créer un langage visuel, lisible sans texte, afin de communiquer la réalité de ce qui se passe en Syrie. »

Il en résulte une série de posters minimalistes en trois couleurs, tous de la même facture simple et au trait stylisé. Sur l’un d’entre eux, on voit Bachar El-Assad cachant un couteau dans son dos en face de quatre enfants. Cette image a été diffusée sur les réseaux sociaux.

 

« A travers ces posters, j’essaie de documenter les moments importants de la révolution syrienne, tels que l’assassinat d’Ibrahim Al-Qachouch[le chantre des premières manifestations dont la gorge a été coupée avant d’être tué par les milices du pouvoir, en juillet 2011[1]], le siège de Homs, la bataille d’Alep, le cinquième discours [du président Assad] … « , explique-t-il.

Les couleurs qu’il a choisies ne sont pas habituelles pour des œuvres traitant la guerre et la misère. « Il nous faut affronter visuellement l’image de notre pays, gris, glauque et sanglant. » Une série plus récente de cinq posters s’intitule les « villes colorées », à savoir Homs, Alep, Damas, Deir Ezzor et Deraa. Car malgré l’épouvantable destruction qui a frappé ces villes, l’espoir d’avenir est toujours présent.

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Afin de faire naître l’espoir et de faire ressortir les aspects vifs de la révolution, afin de mettre en garde aussi contre les dérives qu’elle peut subir, il a également fait une « série de paroles de la révolution », dont celle de Fadi Azzam, selon lequel « le raisin syrien peut être pour les croyants du raisin sec. Il peut aussi être du vin pour les athées. Et du sirop pour tous. » De même s’emploie-t-il à montrer les affres du confessionnalisme et rappelle que « la révolution est pour tous« , à travers un poster du même nom.

Il a également conçu le logo du journal « Taleh al hurrieh » [J’aspire à la liberté], un parmi les dizaines de nouveaux journaux qui ont fait leur apparition en Syrie depuis le déclenchement de la révolution. Publié par une commission de coordination locale de la révolution, il est à son vingt-deuxième numéro. « Ceux qui le diffusent en Syrie sont des héros« , dit Fares.

« La révolution a changé mes rapports avec tout ce qui m’entoure, à commencer par l’art et jusqu’aux relations que j’ai avec mon pays. Il me paraît parfois comme un vieux rêve brouillé qui jette quotidiennement des gens que j’aime en dehors de ses frontières, ceux-ci emportant ce qui leur reste de leur existence jusqu’aux portes des consulats.  »

date : 13/02/2013