Fin de régime dans le huis clos syrien ?
Une incroyable guerre d’usure se livre dans le huis clos syrien. Le président Bachar Al-Assad a jeté dans la bataille tous les organes répressifs sur lesquels repose le régime hérité de son père : appareils de sécurité, milices, armée. Un outil qui a fait ses preuves par le passé mais qui bute sur la lame de fond d’une exaspération, d’une colère et d’une détermination que rien ne semble pouvoir enrayer. Le régime est toujours là, mais comme une coquille vide, ramené à son noyau dur : les sinistres « services ».
Chaque vendredi, depuis la mi-mars, les rues grondent contre un pouvoir arc-bouté sur le seul impératif de sa préservation. Vendredi 1er juillet, ils étaient sans doute près d’un demi-million dans les rues de la ville de Hama.
Les centaines de morts depuis le début de ce soulèvement, les dizaines de milliers d’arrestations, les menaces et les tortures semblent incapables de relever le mur de la peur, qui paraissait plus solide en Syrie que partout ailleurs dans le monde arabe.
Sans doute le régime dispose-t-il encore des moyens de résister à son peuple. Il est préservé contre la moindre intervention extérieure. La Ligue arabe reste interdite et muette sur les exactions perpétrées par l’un de ses membres, et la Russie est décidée à préserver, coûte que coûte, l’un de ses rares alliés dans une région où elle souhaite continuer à disposer d’une influence.
Jusqu’à présent, contrairement à la Tunisie, à l’Egypte ou au Yémen, aucun craquement n’a été enregistré au coeur d’un système dominé par un clan appartenant à la communauté ultraminoritaire des alaouites et qui ravive, pour son seul intérêt, les craintes d’affrontements confessionnels entre les différentes familles composant la très complexe mosaïque syrienne.
De même, la dénonciation du régime et de ses pratiques a cristallisé un rejet stupéfiant par son ampleur, mais qui n’a pas donné naissance pour l’instant à une alternative structurée.
C’est la principale faiblesse de cette contestation en même temps que sa force, puisqu’elle mobilise des ressources nouvelles qui ont échappé au quadrillage des services de renseignements. Capable de livrer sans état d’âme une guerre civile contre une insurrection armée, comme à Hama en 1982, le régime syrien est impuissant dans la même ville, près de trente ans plus tard, face à une mobilisation pacifique et citoyenne.
Cette résilience du pouvoir syrien ne semble pourtant pas être l’assurance d’une reprise en main une fois la contestation épuisée. L’épreuve à laquelle il est soumis le laisse incapable de la moindre prise sur les événements, comme l’ont montré les interventions successives, également inutiles, du président Al-Assad. Ce dernier est confronté au dilemme bien connu du dictateur : la réforme impossible parce qu’elle ouvre les vannes à un courant qui finit par tout emporter, ou bien la répression accrue qui renforce l’opposition intérieure et l’isolement international.
Sa capacité de nuisance reste grande, mais il se bat à reculons.
Source : Le Monde
Date : 4/7/2011
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/07/04/fin-de-regime-dans-le-huis-clos-syrien_1544403_3232.html