France-Israël reçoit Mère Agnès-Mariam de la Croix – par Josiane Sberro

Article  •  Publié sur Souria Houria le 17 avril 2013

Jeudi 21 mars l’Association France Israël (AFI) Paris recevait une personnalité inattendue : Mère  Agnès-Mariam de la Croix, Higoumène en Syrie, pour une conférence-débat sur le thème : « Situation des Chrétiens en Syrie, quel message pour Israël et pour la France ?»

Dès l’annonce de la réunion, des mails contestant l’intervenante étaient parvenus à France-Israël. Leur contenu, d’apparence diversifiée, posait en fait une seule question : « qui est vraiment l’énigmatique Mère Agnès ? ». D’autres, plus accusateurs, reprenaient les mêmes arguments, mais ne voyaient dans l’intervenante rien d’autre qu’un membre des « légions françaises d’Assad. »

C’est donc avec un sentiment de réserve et de questionnement que nous sommes venus l’écouter. L’amphi se remplit peu à peu et les organisateurs constatent avec plaisir la présence inhabituelle d’un certain nombre de participants chrétiens.

Charles Meyer, vice-président de l’exécutif AFI, fait une entrée en matière originale et pertinente : il s’appuie sur les textes de la pensée juive enjoignant à tout témoin d’actes de déraison humaine, où qu’ils adviennent, de prendre la parole et de les décrier.

Cela permet à Mère Agnès de faire le lien en ajoutant « mais celui qui dit la vérité… »

Voilà le cœur du sujet. Mère Agnès prend la parole. Elle se raconte de façon claire. Son père est un Palestinien de Nazareth réfugié au Liban, où elle est née. Elle a connu dans sa jeunesse le Flower Power et les Hippies, l’Inde le Gange, les voyages et l’évasion. Quand la foi se révèle à elle, elle ne fait pas les choses à moitié : vingt-deux ans d’enfermement parmi les carmélites déchaussées.

Elle a lu tout ce que l’on dit d’elle dans la presse européenne. Elle s’en révolte et analyse cette volonté de délégitimer son propos comme un refus absolu d’écouter, et surtout d’entendre, le récit véritable des horreurs du terrain.

Sa présence inattendue à France-Israël s’explique par les refus des instances européennes, tous niveaux confondus, de lui donner la parole. Elle ne vient pas prendre parti. Elle tient absolument à témoigner, elle veut simplement décrire la fin violente de la communauté chrétienne d’Orient, celle qui est aux sources originelles du christianisme.

Mais les oreilles et les officines sont closes. Cela rappelle la chape de plomb qui recouvre la réalité du processus d’éviction définitive des 900 000 juifs des pays arabes.

Ces territoires devenus Judenrein, au sinistre souvenir, se préparent, dans le silence concerté des grands de ce monde et des bien-pensants, à devenir Christianrein !

Avec les yeux grands ouverts du témoin visuel, elle raconte le sort cruel réservé aux chrétiens de la ville de Homs, les tonnes d’or razziées, dans les souks d’Alep, aux bijoutiers arméniens, leurs biens détruits et totalement pillés. Ils ne savent où se refugier entre Charybde et Scylla, entre Syrie et Turquie.

Elle raconte la destruction de synagogues vieilles de 2000 ans, vestiges de la présence ancestrale et fructueuse des Juifs en Syrie. Sans s’attarder sur l’antisémitisme-antisioniste viscéral et violent du régime bassiste cautionné par la famille Assad, Mère Agnès précise que ces synagogues étaient protégées par le pouvoir et encore en fonction. On pouvait les visiter, même si elles avaient été vidées de leurs occupants légitimes.

Elle raconte les églises brûlées, les viols systématiques de femmes par les révolutionnaires, car, explique-t-elle, selon la charia la prise des femmes est un droit au plaisir du combattant.

Mère Agnès affirme que le gros des troupes de combattants est formé de mercenaires salafistes barbus, financés par les milliardaires des pays voisins soucieux d’en finir avec la dynastie des Alaouites, dont l’islam est jugé trop modéré.

Ces combattants sont, dit-elle, des barbares sans foi ni loi, recrutés dans toute l’Europe. Ils viennent de Suède, de Grande Bretagne, de France et se permettent comme ils l’ont déjà fait à Tombouctou, de détruire complètement Alep, une ville pourtant reconnue patrimoine mondial. Bâtiments, foyer culturel, rien n’est épargné.

Des soldats de l’armée régulière passés à la révolution se sont mis, dit-elle, au service du combat pour l’établissement de la charia. Les véritables combattants républicains sont étouffés et réduits au silence, comme dans d’autres pays du printemps arabes. Mais personne ne veut l’entendre.

Elle n’occulte pas pour autant les excès de la famille Assad. La situation des chrétiens de Syrie est celle des minorités en terre arabe : « entre les acteurs de la révolution actuelle et le pouvoir en place, cela revient pour nous à choisir entre la peste et le choléra ». Critiques à fleuret moucheté, car elle retourne en Syrie, son lieu de vie.

Mère Agnès poursuit en un appel vibrant au sauvetage du foyer originel du christianisme. Elle appelle à l’aide – fait surprenant – l’Etat d’Israël, qui se doit d’être le recours à la protection de la foi et des croyants.

Un dialogue sans concession s’instaure dès lors avec la salle. Les chrétiens présents se demandent ce que fait le Vatican, ce qu’attendent les chrétiens de par le monde pour attirer l’attention sur ce massacre ignoré.

Très rapidement cependant, car l’hôte de la conférence est l’association France-Israël, le flot de questions se porte sur  les relations israélo-syriennes : leur passé, leur présent, leur avenir. Que peut faire Israël, dont toute action d’aide à la Syrie serait aussitôt décriée de par le monde et considérée comme une volonté d’étendre sa présence et son pouvoir.

Mère Agnès est interpellée par la salle – parfois avec rudesse – sur la place faite en Israël aux minorités arabes de toutes confessions. Quand elle raconte sa version de la vérité syrienne actuelle, Mère Agnès rencontre le même silence que celui qui occulte les actes démocratiques d’Israël, où des Arabes sont au Parlement à la Cour Suprême et dans toutes les sphères de la société, y compris le Parlement.

Dialogue étonnant dénué de toute hypocrisie diplomatique. La salle questionne, agresse parfois, Mère Agnès répond sans se dérober. Son analyse se cantonne toutefois volontairement sur le plan de la foi. Pour elle, Israël doit rester pour les hommes de foi du monde une lumière, un exemple que pour sa part, dit-elle, elle accepte de suivre sans réserve.

Une très longue soirée, riche de rencontre, de dialogue et d’étonnement, qui devrait être le début d’un dialogue à poursuivre. Mère Agnès a surpris l’auditoire par sa qualité d’analyse, sa disponibilité à répondre à tous les questionnements, sa conviction d’une vie de paix possible, mais gravement compromise à cause du manque de discernement des grands de ce monde.

Mère Agnès convient de l’utilité d’aborder dans cette enceinte le problème israélo-arabe (israélo-palestinien corrige-t-elle) lors de son prochain passage à Paris.

Cette réunion a connu un franc succès et malgré l’heure tardive, les conciliabules enflammés se sont poursuivis dans les couloirs du métro : les participants en voulaient encore.

A chacun de se faire une idée selon sa conscience. Merci à France-Israël d’avoir permis cette rencontre, dans le respect du droit à la liberté d’expression et d’échange, des ingrédients bien rares, au demeurant.

source : http://www.france-israel.org/articles.ahd?idart=5012

date : 20/03/2013