Frans Van Der Lugt : un prêtre hollandais à Homs – traduction par Souria Houria

Article  •  Publié sur Souria Houria le 3 mai 2014

Un prêtre catholique hollandais a été tué dans la ville syrienne de Homs plus tôt ce mois ci, mais qui était il, et que faisait il là bas? L’écrivain Daniel Silas Adamson habitant de Bethlehem rend hommage à un jésuite qui pratiquait le yoga, s’occupait d’une ferme et accueillait des personnes de toute confession lors de randonnées dans les montagnes.

De ceux qui connaissaient Frans Van Der Lugt, le prêtre jésuite hollandais assassiné en Syrie, personne n’a été surpris de son refus de quitter la ville assiégée de Homs. Il avait passé presque 50 ans en Syrie et avait été à Homs depuis que le siège avait commencé plus de deux ans auparavant.
Le dernier européen laissé à l’intérieur de la Vieille Ville, il était recherché par les journalistes et était devenu un porte parole pour la population civile piégée et affamée.  » J’ai appris sur la générosité du peuple syrien, » a t il dit à un reporter plus tôt cette année.  » Si ces gens sont en train de souffrir maintenant je veux être en solidarité avec eux. Comme je l’ai été avec ces gens dans les bonnes périodes, je suis avec eux dans leur douleur. »
Vous savez, je n’ai pas vraiment les religions – Je crois en l’expérience spirituelle qui est la source de foi »
Père Frans
Il y a quelques années, j’ai rencontré Frans dans la résidence à Homs où, le 7 avril, il fut pris à l’intérieur du jardin par un homme armé masqué et tué d’une balle dans la tête. Nous avions été présentés par Paolo dall Oglio, un prêtre italien qui a aussi passé sa vie en Syrie et n’a plus été aperçu ou écouté depuis qu’il a été kidnappé par les rebelles islamistes à Raqqa en juillet 2013.
De beaucoup de façons les deux hommes se ressemblaient. Tous deux étaient jésuites. Tous les deux parlaient un arabe courant et considéraient la Syrie comme leur maison. Tous deux avaient été formés par les idéaux d’une justice internationaliste et sociale qui influencèrent l’Eglise Catholique dans les années 1960. En Syrie, loin des hiérarchies rigides du Vatican, Frans et Paolo ont trouvé chacun la liberté de poursuivre une vision non orthodoxe de ce que signifiait être un prêtre catholique.
Mais ils ont répondu de façons radicallement différentes au défi de servir une communauté chrétienne en décroissance dans un pays à majorité musulmane.
Deir Mar Musa monastery
Paolo a construit sur le berceau de la Chrétienté syrienne- le monachisme du desert. Dans les années 1980 il trouva un monastère byzantin en ruine dans les montagnes quelques 80 kms (50 miles) au nord de Damas et le ramena lentement à la vie. Deir Mar Musa, comme le monastère était appelé en arabe, a été fondé avant l’Islam et seulement abandonné au milieu du 19è siècle.
Pour Paolo, il était témoin de siècles de coexistence entre chrétiens et musulmans et était, pour cette raison, un emplacement idéal à partir duquel promouvoir l’amitié au delà des lignes et des différences religieuses. Il reçu des milliers d’invités musulmans à Deir Mar Musa, faisant clairement savoir qu’ils étaient bienvenus pour manger, dormir, et pour prier au monastère. Souvent il leur montrait les fresques dans l’église, en pointant à la toile du 12è siècle de Abraham (pour les musulmans, le Prophète Ibrahim) qui couvrait le mur ouest.
« Je crois dans les traditions, et la tradition orientale est riche et pleine de valeurs, » me disait Paolo alors qu’il conduisait de Deir Mar Musa pour aller rencontrer Frans à Homs.  » Quatorze siècles de vie commune entre Chrétiens et Musulmans n’est pas quelque chose à rejeter légèrement. »
Paolo dall Oglio
Au début des années 1990, pendant que Paolo reconstruisait son monastère dans le désert, Frans a reçu quelques acres de terre sans relief à 15 kms environ au sud ouest de Homs. Il l’appela al-Ard- la terre – et l’utilisa pour créer un centre spirituel qui n’eut aucun précédent en Syrie.
« C’est simple, comme la terre, » a dit Frans. « C’est tout. »
Le chemin de terre qui conduisait de la route principale à al-Ard serpentait entre des oliveraies et des vignes. Frans n’utilisait pas des herbicides ou des pesticides et il y avait des fleurs sauvages partout. Au centre du terrain il y avait un potager où peut être une dizaine de gens, beaucoup d’entre eux enfants ou adolescents avec handicaps, étaient en train de désherber et d’arroser la terre rouge.
Chaque matin Frans faisait un tour des villages voisins dans son vieux van VW, ramassant ces jeunes gens auprès de leurs familles et les amenant à la ferme. Dans une culture où les personnes avec handicaps sont souvent cachées dans la honte, Frans avait crée un espace où elles pouvaient travailler ensemble en tant que part d’une « communauté qui valorise tout le monde ».
Frans van der Lugt and helpers at Al Ard
Quelques unes de ces personnes exigeaient un appui patient et à plein temps. D’autres, avec de moins sévères handicaps ou problèmes de santé mentale, étaient employés dans les vignes qui rendaient al-Ard économiquement équilibré.
Le travail était partagé par les volontaires qui habitaient à la ferme et par ceux – de toutes confessions – qui rendaient visite lors de retraites spirituelles conduites par Frans.
Sceptique à propos des initiatives qui soulignaient le terrain commun théologique, Frans mentionnait rarement les racines liées à Abraham partagées par les chrétiens et musulmans de Syrie. Si quelque chose, il regardait au delà du monothéisme entièrement. Il était un étudiant sérieux du Bouddhisme Zen et s’asseyait dans une méditation silencieuse chaque matin. Il enseignait la méditation et le yoga dans un espace tranquille, rempli de lumière, nullement église ou mosquée, qu’il construisit au coeur de al-Ard. « Pour moi », a t il dit,  » c’est important de commencer à partir de réunion humaine. Ne pas commencer avec la religion. »
The hike in the Jebal Ansariya mountains
Cette absence de dogmatisme pouvait avoir été une des choses qui a drainé les jeunes vers Frans. Dans les années 80 il a commencé à marché à travers le Jebal Ansariya, les montagnes qui s’élèvent depuis la côte méditerranéenne syrienne, avec les étudients de sa paroisse. Environ 30 ans plus tard, déjà dans ses 70 ans, Frans étaient encore en train de mener son annuelle randonnée de 8 jours à travers le pays, suivis par presque 200 à 300 jeunes syriens – chrétiens et musulmans, druzes et alaouites. Bien qu’il fut rétiscent à assigner un but particulier aux marches, Frans reconnaissait qu’elles étaient devenues quelque chose de spécial.
« La randonnée rassemble les gens. Ils partagent l’expérience commune de la fatigue, de dormir et manger ensemble, et cela construit un lien entre les gens. Après la marche il n’est pas important que vous soyez chrétien ou musulman, c’est important que vous soyez présent. »
Travailler la terre, s’asseoir en silence, marcher à traver le pays. Pour Frans, ces expériences humaines de base étaient les façons les plus sures de créer « une sorte d’unité, une complicité humaine, une compréhension humaine ». Dans la recherche de ce qu’il appelait « la place commune de l’être » il était parvenu à se défier des certitudes qui accompagnent souvent l’identité religieuse. A moins qu’il ne célèbre un service, Frans ne portait pas de signes extérieurs de la prêtrise à laquelle il appartenait et il n’y avait rien à Al-Ard qui le marquait en tant qu’espace chrétien.
Comme il me reconduisait à Homs, Frans a dit: » Vous savez, je n’aime pas vraiment les religions. Je crois en l’expérience spirituelle qui est la source, l’inspiration initiale de la foi. Les religions ont toujours perdu cette inspiration, cette expérience directe; alors elles ne sont pas dans le vrai chemin. Je veux dire, elles sont dans l’hypocrisie de parler pour l’esprit avec lequel elles ont perdu le contact. »
Père Frans et d’autres décrivent la vie dans Homs assiégée (mars 2014)
Frans, cependant, est resté fidèle au travail de sa vie. A travers le siège épouvantable de Homs, sa dévotion au peuple syrien n’a jamais failli. Jusqu’à la fin il ne parla de chrétien ou musulman mais d’êtres humains compagnons luttant pour survivre.
« Il n’y a rien de plus douloureux que de regarder des mères fouillant pour de la nourriture pour leurs enfants dans les rues, » a t il dit dans un vidéo clip diffusé en février. « Nous aimons la vie, nous voulons vivre. Et nous ne voulons pas couler dans une mer de douleur et de souffrance. »

 

source : http://www.bbc.com/news/magazine-27155474

date  : 26/04/2014