Homs en passe de devenir la capitale syrienne de l’industrie militaire – par Ignace Leverrier
La ville de Homs, qui a donné à la Syrie moderne plusieurs présidents de la République éminents et qui est le berceau d’un nombre important de penseurs et de personnalités politiques contemporaines, est en passe de devenir le centre de développement et de réalisation d’une gamme complète de matériels militaires. Aprèsla mise au point d’une arme légère capable de tirer les projectiles les plus divers, ses habitants ont illustré encore une fois le proverbe « nécessité est mère de l’invention », en fabricant, pour leurs propres besoins défensifs, un véhicule blindé léger.
Le site Zaman al Wasl, qui consacre un article à ce prototype auquel il a eu accès à grand peine, indique que l’engin a été réalisé en bardant un Suzuki léger de plusieurs couches de tôle. Ce type de véhicule est très répandu dans les rues des villes syriennes, sa taille modeste lui permettant de se faufiler dans les recoins les plus reculés des souqs et de livrer les provisions et le mazout de chauffage jusqu’au coeur des vieux quartiers. On attirera l’attention des lecteurs derrière lesquels sommeille un informateur sur le fait qu’il est inutile de chercher noise aux occupants du Suzuki reproduit ci-dessous pour la précision de l’information. Immatriculé à Damas, il n’a rien à voir avec son camarade homsiote désormais relooké.
Le site précise que les tôles permettent à ce « blindé » de préserver ses occupants des balles de fusil mitrailleur. En augmentant la taille de la photo, on constate des impacts sur le haut de la portière qui indiquent, soit qu’il a été testé pour éprouver sa résistance, soit qu’il a déjà subi le baptème du feu. Il ajoute qu’en raison de son poids, le blindage interdit à cet engin une vitesse supérieure à 80 km/heure. Cela ne constitue pas un réel handicap, les rues et lieux dans lesquels il est appelé à se déplacer n’étant guère propices à des allures élevées. Il indique aussi que le profilage du nez a été conçu pour lui permettre de désintégrer les barricades et d’écarter de sa route les sacs de sable derrière lesquels se dissimulent les militaires chargés de la surveilance des populations. Il note que l’engin, de fabrication artisanale, est toujours en développement. On constate effectivement, à l’examen de la photo ci-dessous, qu’une pièce a été ajoutée latéralement en partie basse pour assurer une meilleure protection des pneus.
Les amateurs d’armes et d’engins blindés examineront avec intérêt la photo suivante, qui offre une vue sur la cabine de pilotage et le poste de tir depuis l’arrière. Ils constateront que, peu désireux de se laisser voler leur invention, ou par crainte de voir des enfants s’infiltrer dans ce dangereux joujou, ses propriétaires ont pris soin de prévoir un cadenas. Ce dispositif pourrait leur permettre de résister aux assaillants, ou, recyclé en véhicule civil après la révolution et le changement de régime, de se préserver des braquages en cas d’utilisation pour les transferts de fond.
On notera enfin que, par un étrange paradoxe, si les inventeurs de ce nouveau blindé sont parvenus à transformer en « char » un modeste Suzuki, les militaires syriens paraissent confrontés à un problème beaucoup plus ardu, devant lequel ils ont été placés par l’acceptation – toute théorique… – du plan de sortie de crise de Kofi Annan : faire passer leurs chars toujours déployés sur le terrain, en dépit de l’accord, pour de simples Suzuki.