« Il ne nous reste que la solidarité » – par Hala Kodmani
Libération a choisi de donner régulièrement la parole aux habitants de la ville syrienne. Ils racontent leur quotidien dans un pays enlisé dans une guerre sans fin. Aujourd’hui, Abou Moudar al-Halabi, 38 ans, employé municipal dans le quartier de Salaheddin à Alep-Est.
«Je roulais au pas entre deux raids aériens pour constater les dégâts des derniers bombardements barbares. Je tentais d’éviter les regards pétrifiés des rares passants. Puis, en passant devant l’hôpital, un vieillard m’arrête. Il me demande si je peux transporter son petit-fils en chaise roulante qui vient d’être soigné d’une blessure grave à la jambe. L’homme, sa femme et le garçon montent dans la voiture. Nous roulons à travers les douleurs et les horreurs du quartier de Fardos, visé jeudi par un déluge de bombes.
«Arrivés à destination, les voisins se précipitent pour aider à transporter le blessé ou afin de s’assurer que tout va bien. Je m’apprête à repartir quand le vieillard ouvre la portière et me demande : « Combien je vous dois ? » La gorge serrée, je lui réponds : « Mais nous appartenons à la même famille ! Il ne nous reste que la solidarité. » Alors permets-moi de t’embrasser, me dit le vieil homme. Nous nous sommes serrés dans les bras, chacun cherchant à cacher ses larmes à l’autre.»
Témoignages de la vie à Alep Par Hala Kodmani
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Abou Moudar al-Halabi, 38 ans, employé municipal du quartier de Salaheddine : «Nous appartenons à la même famille, il ne nous reste que la solidarité»
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Abu Salim, père de famille du quartier Al-Maadi, dans l’est d’Alep : «Devant le spectacle horrifiant des morts, j’ai eu un regard de regret pour le pain perdu»
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Ahmad, aide-soignant dans un hôpital de campagne : «Laisser mourir certains malades pour en sauver d’autres»
Bassem Khalifé, habitant du quartier de Bustan Al-Qasr, dans l’est d’Alep : «A chaque fois qu’on sort, on fait nos adieux au reste de la famille»
Yasser Al-Youssef du groupe rebelle Noureddine Al-Zenki : «On essaie de priver Alep de ses moyens de survie»
Abou Jaafar, responsable du service de médecine légale au Conseil civil d’Alep : «Les enfants comptent pour presque la moitié des victimes»