Lettre Infos Syrie Résistance – N°2
Bachar libérateur de Palmyre ??!!
Voici un nouveau titre que le dictateur prétend ajouter à son palmarès. Du moins si l’on en croit une campagne politique menée tambours battants, et relayée avec complaisance par certains médias occidentaux.Certes Daech a bien été écarté de Palmyre, grâce aux bombardements russes et au soutien des militaires iraniens, irakiens et autres… Au prix de nombreuses victimes civiles, de destructions massives et de milliers de nouveaux exilés.
Quant aux pillages des biens archéologiques, ils avaient commencé lorsque la soldatesque du régime occupait Palmyre, se sont poursuivis avec Daech et vont continuer avec le retour du régime.
Si une défaite de Daech est une bonne chose, elle ne doit pas faire oublier que c’est délibérément que Palmyre avait été abandonnée à Daech, et qu’il n’y a nulle raison de se féliciter qu’elle retombe entre les mains du régime et de ses alliés.
C’est seulemenent dans une Syrie libre et démocratique que Palmyre retrouvera vie et lumière.
Souria Houria, Collectif « Avec la Révolution syrienne » (Alternative libertaire, CEDETIM, EELV, Émancipation, Ensemble !, NPA, Solidaires, UJFP)
Les articles de la lettre traduisent la diversité des organisations parties prenantes
Entretien avec Bassma Kodmani
Bassma Kodmani, politologue, directrice de l’Arab Reform Initiative, est membre de la délégation de l’opposition aux négociations de Genève. Le 3 avril elle a tenu une conférence dans le cadre des dimanches de Souria Houria. Suite à cette conférence, elle a accepté de répondre à 3 questions sur ce même sujet des négociations.
Comment s’explique le fait que des négociations soient engagées à Genève ?
Trois accélérateurs ont joué : la question des réfugiés pour l’Europe, les pressions exercées sur Obama par sa propre administration et par le Congrès pour les Etats-Unis, et pour les Russes leur intervention pour remettre en selle Bachar el Assad et obtenir une solution politique à leurs conditions. C’est ainsi qu’en novembre 2015, à Vienne, un groupe de 17 pays appelés les « pays de soutien à la Syrie » se sont réunis sous la houlette des Etats-Unis et de la Russie avec l’objectif d’en finir avec la question syrienne.
De son côté l’opposition réunie à Riyad a formé le Haut Comité des Négociations (HCN), sorte de plateforme large, et a adopté un programme pour le relance d’un processus de négociation à Genève. Le HCN est représentatif des forces à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie, la moitié de ses membres sont des indépendants, un tiers sont des représentants des groupes militaires..
En février l’opposition s’est présentée à Genève comme en visite, et non pour négocier, puisque l’arrêt des bombardements était posé en préalable à toute ouverture de discussion. Le résultat fut la mise en place de deux commissions avec des représentants des 17 pays : l’une sur l’humanitaire, l’autre sur la surveillance de la cessation des hostilités.
Un mois plus tard à Munich il y a eu un accord entre les États-Unis et la Russie (les deux qui déterminent la position des 17 !) et la cessation des hostilités est entrée en vigueur le 27 février.
A la surprise des internationaux, elle a été respectée par l’opposition, qui a ainsi gagné en crédibilité.
Lors de la deuxième session, l’opposition est cette fois venue pour négocier et a exigé que la négociation porte sur la question essentielle : la transition politique.
Quelle est la situation sur le terrain ?
On est obligé de prendre acte de la dégradation de la situation et de l’impossibilité de se débarrasser du régime par les armes. Cela compte tenu du rapport de forces qui résulte de l’intervention russe, à quoi s’ajoute le problème posé par le PYD kurde. Quant à Daech, il représente un danger mortel pour l’ASL. Il faut savoir que cette dernière ne reçoit plus d’armes pour combattre le régime mais seulement Daech. Pour l’armée libre, Bachar et Daech sont un même ennemi.
Que peut-on attendre de ces négociations ?
A Genève, le régime ne négocie pas. Il n’existe toujours pas d’accord sur un possible ordre du jour pour la négociation. Quant à la Russie, son retrait militaire relève fondamentalement de l’effet d’annonce, il est loin d’être effectif. Au demeurant pour l’instant rien ne vient de la part de Moscou.
Il y a un blocage entre les États-Unis et la Russie du fait de l’impossibilité de trouver un accord quant au sort futur de Bachar.
Dans ces conditions Genève ne promettait pas de résultat significatif mais il était quand même important d’y être pour empêcher que certaines décisions touchant à la Syrie future ne soient prises en l’absence de l’opposition.
L’opposition doit d’ailleurs proposer elle-même un plan de transition crédible sinon nous risquons de nous voir imposer un cessez-le-feu sans solution politique, avec un accord tel celui de Dayton qui a paralysé la Bosnie, et qui signifierait la fin de l’État syrien.
Si par rapport aux zones qu’il occupe actuellement, Daech est écarté au profit du régime, à l’exemple de ce qui vient de se passer à Palmyre, nous serons devant un scénario catastrophique de reprise en main par le régime de vastes territoires et l’aliénation des populations comme en Irak.
Contre ces scénarios, il faut défendre un principe : ce n’est pas à la Communauté internationale de décider de ce que va devenir la Syrie. C’est au peuple syrien et à lui seul.
Questions et repères :
Chaque numéro propose des repères sous formes de réponses à quelques questions sur la situation.
Des forces révolutionnaires et démocratiques ? Beaucoup expliquent que la situation en Syrie se réduit à un face-à-face entre le régime et les djihadistes. Qu’en est-il des organisations populaires, dans les quartiers assiégés, qui résistent toujours, et en particulier des forces de l’ASL, qui militairement combattent à la fois le régime et Daech ?
Réduire la situation à un face-à-face entre le régime et Daech est une approche simpliste et naïve quand elle n’est pas volontaire pour blanchir le régime et le réhabiliter en tant que possible partenaire.
Tout d’abord il faut rappeler qu’entre avril 2013 date de la fondation de « l’Etat Islamique en Iraq et au Levant » (Daech) et juillet 2014, ce dernier ne s’attaquait qu’à l’opposition. C’est en combattant cette dernière qui avait déjà libéré Raqqa et Deir Ez-Zour qu’il s’est emparé de ces deux régions. En même temps, le régime épargnait durant toute cette période les milices de Daech de ses frappes aériennes, et ne bombardait que les forces de l’opposition et les populations civiles. Le message de Damas était clair : il n’y a face à nous que des djihadistes, le monde doit par conséquent faire un choix entre eux et nous. Pour les djihadistes, c’était la même logique : il faut en finir avec les forces de l’opposition pour dire aux « musulmans » : soit nous, soit le régime. Ainsi, Assad et les djihadistes avaient passé une « alliance objective » contre l’opposition, et cherchaient chacun à se justifier en évoquant l’autre.
Les choses n’ont changé qu’en septembre 2014 suite à l’intervention militaire américaine contre Daech, et la volonté du régime de se montrer partenaire dans cette guerre. Mais les combats les plus acharnés aujourd’hui restent ceux que mène l’opposition contre Daech au nord est d’Alep, et ceux qu’elle mène contre les forces du régime et ses alliés chiites libanais, irakiens, afghans et iraniens sur plusieurs fronts. Il faut noter que ni l’aviation américaine ni l’aviation russe ne protègent les opposants au régime durant leur combat contre Daech (contrairement au cas des milices kurdes appuyées par l’une ou l’autre de ces aviations). On a même observé des attaques russes contre des convois de l’opposition allant en janvier 2016 au front contre Daech au nord d’Alep.
Au-delà de ces éléments militaires, cette propagande cherchant à montrer la situation syrienne réduite au régime et aux djihadistes occulte des millions de Syriens et Syriennes ordinaires qui se battent pour survivre aux horreurs quotidiennes. Elle occulte aussi des dizaines de milliers de combattants qui font face à Assad et à Daech, et des dizaines d’organisations de la société civile syrienne qui essayent toujours de se mobiliser dans les zones les plus sinistrées du pays pour aider la population : la défense civile, les associations médicales, les initiatives éducatives, les réseaux de solidarité sociale, les médias alternatifs et les centres des droits de l’homme et de documentation des violations (qui travaillent souvent en clandestinité).
Dire que nous n’avons en Syrie qu’Assad et Daech est donc une propagande cherchant à déshumaniser les Syriens, effacer leurs visages et leurs aspirations, et réduire leurs pays à une scène d’affrontements entre deux barbaries : le régime Assad et Daech.
Farouk Mardam-Bey et Ziad Majed
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