L’attaque d’Assad contre Facebook – par Rula Jebreal

Article  •  Publié sur Souria Houria le 7 novembre 2011

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

 

Bashar al-Assad essaie de d’étouffer l’opposition en Syrie en réduisant les médias au silence et en bloquant l’accès à Facebook et aux autres services Internet. Mais l’auteur Rula Jebreal affirme que cette tactique brutale ne peut pas mettre à mal un peuple engagé dans son renversement.

Alors que la mort de Muhammar Kadhafi faisait la une des nouvelles dans le monde entier, pendant cinq jours la télévision d’Etat syrienne l’a totalement ignorée.

La chute de Kadhafi est loin d’être la seule chose que le gouvernement syrien essaie de cacher à son propre peuple. Aux points de contrôle à travers tout le pays, des soldats armés demandent à tous ceux qu’ils arrêtent si il ou elle a accès à Internet, ou dispose d’un compte Facebook. Donnez la mauvaise réponse et vous risquez non seulement de perdre votre ordinateur ou votre téléphone portable, mais aussi votre vie.

Pour le régime de Bashar al-Assad, la propagation de l’information est un danger omniprésent faisant des médias et d’Internet l’ennemi public n° 1. Le régime semble penser qu’en muselant les médias et en déconnectant par la force le peuple d’Internet, il peut échapper à un destin similaire à celui du dictateur libyen. Mais ce contrôle très serré de l’information ne peut pas lutter contre la pression internationale croissante et le peuple qui, malgré les plus de 3000 morts en seulement huit mois, demeure résolu à obtenir le renversement d’Assad.

Chaque jour des milliers de personnes envahissent les rues de grandes villes telles que Homs, Daraa et Hama, ainsi que les banlieues de Damas. Leurs rangs enflent les vendredis lorsque des marées de gens sortent de la prière et prennent possession des rues. Sous des bannières exigeant la liberté et la fin du régime d’Assad, ils marchent, appelant à une zone d’exclusion aérienne et demandant une protection internationale. Après huit mois de manifestations, la seule réponse qu’ils aient reçue du gouvernement a été une violence écrasante et impitoyable.

Même le jour suivant celui où le régime d’Assad a accepté le plan, négocié par la Ligue Arabe, de mettre un terme aux violences, de relâcher 70.000 prisonniers politiques et d’entamer des négociations entre le pouvoir et l’opposition, la brutalité du gouvernement a continué sans répit. Dès l’instant où les manifestants pacifiques sont descendus dans les rues, l’armée leur a donné sa réponse à présent habituelle, massacrant ses propres citoyens.

Les retombées immédiates du plan de paix de la Ligue Arabe n’étaient qu’un commencement. Depuis la supposée mise en œuvre de ce plan, les violences excessives du gouvernement ont en réalité augmenté. Les tanks et les barricades n’ont jamais quitté les villes. Même durant le saint mois de Ramadan, l’armée n’a jamais cessé de tuer.

La nouvelle mission de l’armée n’est pas de protéger le peuple syrien mais de maintenir le régime au pouvoir – à tout prix. « Ils nous traitent comme si nous étions leur propriété, et ça ne changera jamais » a dit le dissident Wadid Hadad. Même les enfants ne sont pas épargnés par le carnage, tel Hamza Al-Khatib, 13 ans, torturé et exécuté par les forces de sécurité après qu’il a été surpris en train de chanter « le Peuple veut renverser le régime sanguinaire d’Assad. »

Bien que le niveau de violence soit sans précédent, l’hypocrisie et l’exercice du pouvoir avec une main de fer n’ont rien de nouveau pour le président Assad. Depuis sa prise de pouvoir il y a 11 ans, il a promis des réformes tout en écrasant par la force tout débat et toute dissidence. Conscient de la faiblesse de son emprise sur le pouvoir – étant un leader chiite gouvernant un pays à majorité sunnite – Assad a forgé des alliances avec les hommes d’affaire sunnites et enrôlé des forces de sécurité gérées par des sunnites pour s’assurer un contrôle total sur la population syrienne.

Aujourd’hui, cependant, il n’est pas seulement confronté à la détermination d’un peuple impatient et réprimé depuis longtemps mais aussi à une pression internationale croissante.

Cette pression ne vient pourtant pas des suspects habituels. Les Nations Unies ont en fait enhardi Assad lorsqu’une résolution de l’ONU destinée à imposer des sanctions contre le régime a été anéantie par la Chine et la Russie. Cet échec a instillé dans l’esprit d’Assad et de ses forces la conviction qu’ils ne seront pas tenus pour responsables.

Les derniers mots d’Assad révèlent sa volonté d’internationaliser le conflit. Dans un entretien récent, il promettait que « toute intervention en Syrie provoquera un tremblement de terre qui mettra le feu à la région. » Des hommes d’affaire vivant à Beyrouth (parlant sous couvert d’anonymat par peur de représailles meurtrières) interprètent ces propos comme une menace directe de provoquer et d’orchestrer une guerre confessionnelle au Liban, avec le soutien du Hezbollah. Le but d’Assad : détourner l’attention du conflit en Syrie.

En effet, le régime a déjà internationalisé le conflit, d’abord en orchestrant l’enlèvement d’un dissident syrien à Beyrouth, qui était une voix majeure de la dissidence contre Assad. On n’a aucune nouvelle depuis de Shibli al-Ayssami, avec trois frères, les Jassems, depuis qu’ils ont été enlevés par des hommes armés portant des masques noirs et dont les voitures portaient des plaques d’immatriculation gouvernementales syriennes.

Assad s’est même mis à narguer la communauté internationale, menaçant : « Voulez-vous voir un autre Afghanistan, ou peut-être des dizaines d’autres ? », exigeant que les autres pays cessent d’interférer dans ses affaires.

Mais bien qu’il pense que la communauté internationale va le laisser tranquille, un pays est déterminé – et il le fera probablement – à lui prouver qu’il a tort. Assad a énervé la Turquie, dont les dirigeants se sont sentis abusés lorsqu’ils ont cherché à aider à la médiation du conflit entre Assad et l’opposition syrienne.

Depuis lors, la Turquie a aidé et donné asile aux combattants et aux leaders de l’opposition anti-Assad. Le pays héberge également un camp d’entrainement pour une nouvelle milice composée de déserteurs des forces armées syriennes. Le gouvernement turc a renforcé son soutien au Conseil National Syrien, un groupe de coordination de l’opposition politique.

Par ces efforts, le conflit va évoluer de manifestations intérieures pacifiques à des attaques transfrontalières violentes. Au cours des dernières semaines, une série d’assassinats mystérieux de soldats syriens a semblé annoncer la survenue de cette nouvelle phase dans la lutte.

Bien que l’issue du conflit en Syrie demeure incertaine, une chose est claire : après huit mois, 3000 personnes tuées, et d’innombrables autres torturées, disparues et emprisonnées, le peuple syrien continue à manifester courageusement, déterminé à avoir le dernier mot.

 

source: http://www.thedailybeast.com/articles/2011/11/06/bashar-al-assad-tries-to-control-media-facebook-in-syria-crackdown.html