La parole aux réfugiés syriens par David Stoleru

Article  •  Publié sur Souria Houria le 19 mars 2017

La parole aux réfugiés syriens

Les auteurs de cet ouvrage collectif veulent replacer le mouvement du peuple syrien pour la démocratie au cœur du débat en donnant la parole à des réfugiés syriens et palestinens en France.

LE MONDE IDEES |  18.03.2017 à 08h14 |Par  David Stoleru

 

Le livre

La révolution syrienne vient de fêter son sixième anniversaire, mais elle semble plus loin que jamais d’une issue positive : à l’euphorie des débuts a succédé un conflit militaire. Nombre d’observateurs en France considèrent maladroitement que les forces fidèles au régime de Bachar Al-Assad ne s’opposent qu’à des terroristes. Pour sortir de cette représentation manichéenne, les auteurs de cet ouvrage collectif veulent rendre à l’événement sa complexité et replacer le mouvement du peuple syrien pour la démocratie au cœur du débat. Autre particularité de cet essai : les intervenants donnent la parole à des réfugiés syriens et palestiniens en France.

L’objectif initial de la révolution syrienne n’était pas de renverser le régime : les premières manifestations réclamaient des libertés politiques et protestaient contre les réformes économiques désastreuses ainsi que le capitalisme de connivence pratiqué par le clan Al-Assad. C’est la répression menée par le régime qui a précipité la guerre. C’est la brutalité de Damas qui a poussé les contestataires à se militariser, façon de les discréditer aux yeux de l’opinion occidentale.

La révolution syrienne a pourtant connu des succès. L’écrivaine anglo-syrienne Leïla Al-Shami insiste sur les dynamiques politiques à l’œuvre dans les territoires libérés du régime (80 % du pays en 2013). Les Syriens ont fait l’expérience d’une démocratie directe dans les multiples conseils locaux et provinciaux : ils étaient, selon elle, 395 au printemps 2016, surtout dans les provinces d’Alep et d’Idlib. Toutefois, l’urgence de la situation et le vide institutionnel ont conduit ces conseils à privilégier les enjeux humanitaires.

Agendas différents

Selon Leïla Al-Shami et Robin Yassin-Kassab, écrivain et chroniqueur au Guardian, le refus occidental de considérer la Syrie autrement que par le prisme sécuritaire l’a précipitée dans le piège tendu par le régime d’Al-Assad. Compter sur le président syrien pour éliminer le danger terroriste dans la région paraît illusoire. Sans oublier l’impératif moral qui interdit de s’allier au responsable de 97 % de pertes civiles en Syrie.

L’inversion du rapport de force à la défaveur de la révolution doit avant tout à l’intervention d’acteurs aux agendas différents. Le chercheur franco-libanais Ziad Majed estime que Damas serait tombé sans l’intervention des milices chiites venues d’Iran (2011) et les bombardements russes (2015). Les réticences de Barack Obama à s’engager s’expliquent par l’interférence de ce conflit avec ses principaux objectifs : l’accord sur le nucléaire avec l’Iran et la promesse électorale d’un retrait du Moyen-Orient.

Quant à l’historien Jean-Pierre Filiu, il s’interroge sur le déficit d’image de la révolution syrienne, notamment chez certains courants de la gauche européenne qui répugnent à condamner la Russie par « anti-atlantisme ». A l’inverse, la fascination pour les Kurdes et l’image de la combattante laïque et non voilée correspondraient-elles à la révolution que l’Occident voudrait voir au Moyen-Orient ?

Sur la révolution syrienne, Collectif, La Lenteur, 143 pages, 10 euros

David Stoleru 
Journaliste au Monde